Par Aymen Hacen Sans doute l'organisation de journées de formation pour les jeunes journalistes témoigne-t-elle du souci de voir se développer un esprit de famille entre les anciens et les nouveaux de la maison. Cet esprit de famille nous semble nécessaire afin que soit assurée la pérennité du nom et de toutes les valeurs qu'il porte. Il ne s'agit certes pas d'une image de marque, encore moins d'un paravent, mais d'une véritable institution dont les traditions sont authentiques parce que transmises de génération en génération. C'est d'autant plus vrai que la journée de formation, ayant eu lieu mardi 6 juillet autour du thème : « Le jeune journaliste entre éthique et pratique », a concrétisé cet esprit qui anime la famille Snipe La Presse-Es-Sahafa, esprit de dialogue qui ouvre la voie, comme cela a eu lieu, à un réel questionnement. Il n'est pas de réponses toutes faites à ce genre de problématiques qui nous rappellent que les axes ontologique, épistémologique et axiologique sont, dans tout travail — qu'il soit intellectuel ou manuel —, solidaires puisque l'éthique et la pratique doivent aller de pair, harmonieusement, dans une souveraine perspective de construction. Oui, parce qu'il n' y a rien de plus souverain que la construction de l'identité de nos jeunes journalistes dont la culture et la formation de base doivent nécessairement être en harmonie avec l'éthique du journal. Nul dilemme dans ce qui précède, ni d'ailleurs dans le couple « éthique » et « pratique », une sérieuse approche de ce couple devant passer à la fois par une éthique pratique et une pratique de l'éthique. Sans jouer avec les mots, nous pensons qu'il est plus que nécessaire de faire le choix de la praxis, « action en vue d'un résultat pratique », dont nous mesurons la portée en aval et en amont, le résultat étant inhérent à la source de l'action et inversement. Expliquons-nous : comme il n'existe pas d'éthique absolue, pas plus qu'il n'existe de pratique parfaite, nous pouvons faire de la loi, de sa rigueur et du confort dans lequel elle nous met quand nous la respectons, la pierre de touche de toute fonction accomplie. Cela dit, le jeune journaliste ne doit ni être considéré ni se considérer « entre éthique et pratique », mais avec elles. Nul dilemme, disions-nous, parce que justement la loi ne tolère pas les excès et encore moins le gris contenu dans la préposition « entre ». Or, s'il nous faut nous considérer nous-mêmes « avec éthique et pratique » et dans elles, c'est que nous aurons à proprement dit franchi le Rubicon, le paradoxe posé par le thème de notre journée d'étude ayant été d'emblée annulé, pour ne pas dire résolu. C'est ainsi qu'il nous faut partir du postulat que l'éthique se pratique et que toute pratique doit obéir à une éthique. C'est cela, nous semble-t-il, que sous-entendait Tocqueville qui, dans De la démocratie en Amérique, écrivait : « La presse est, par excellence, l'instrument démocratique de la liberté. » (II, IV, 7). Cette assertion nous revient à l'esprit chaque fois que nous pensons notre métier de journaliste, précisément chaque fois que nous nous remettons en question, dans un mouvement où l'éthique et la pratique du journalisme s'interrogent, doutent même des fins de toute enquête menée, de tout article écrit, de tout compte rendu. C'est certes le doute salutaire, mais c'est justement, suivant le même élan de notre conscience d'être jeune journaliste dans l'éthique et la pratique — et avec elles aussi —, que nous pensons plus à ce que nous devons donner qu'à ce que nous pouvons avoir. Ce que nous affirmons peut induire en erreur, en ce sens qu'on pourrait imaginer que nous confondons éthique et déontologie. Loin de là, la déontologie étant la somme de devoirs auxquels nous nous soumettons dans la pratique de notre fonction de journaliste et, disons-le, d'investigateur de la vérité, alors que l'éthique est le principe même autour duquel se construit notre monde et grâce auquel nous allons de l'avant dans notre quête. Ayant déclaré que l'éthique n'est pas absolue, parce que autant nous refusons le déterminisme et la transcendance, autant nous aspirons à la liberté comme à la transformation des règles qui, elles, changent et évoluent. N'est-ce pas cela la vertu (le péché, d'aucuns diront) de la jeunesse ? Peut-être bien, le jeune journaliste a son mot à dire car son mot à dire, les actualités qu'il a à rapporter et les textes à écrire contribuent à l'écriture de l'histoire de demain. Il faudrait peut-être parler d'une esthétique de l'éthique, pourvu que l'art, précisément la recherche du beau comme valeur suprême guide les pas du jeune journaliste. Le beau empêche de se dévoyer et, plus encore, sert de garde-fou, parce que, comme l'écrit l'un des plus grands maîtres en éthique, pratique et esthétique, Emmanuel Kant : « Le beau plaît immédiatement. Il plaît en dehors de tout intérêt. »