Faire porter le chapeau de l'échec scolaire à l'école et aux enseignants, c'est aller trop vite en besogne, car il y a lieu de voir dans tout notre système éducatif pour faire le bilan et ébaucher les solutions. Celles-ci doivent inclure expressément le droit à l'autorité de l'administration scolaire et le devoir de respect aux enseignants. Sinon aucune réforme ne donnera des résultats tangibles. L'échec scolaire, qui prend de l'ampleur depuis des années et qui a culminé avec la période de troubles que connaît le pays où le pourcentage de ceux qui quittent l'école a dépassé les 10%, est souvent imputé à l'école et, bien sûr par ricochet, aux enseignants. Toutes les autres parties impliquées directement ou indirectement dans le système éducatif sont comme par enchantement hors d'atteinte et n'assument aucune part de responsabilité de cet échec qui concerne aujourd'hui des centaines de milliers d'enfants de tous âges. Le problème se pose avec acuité et devient préoccupant à plus d'un titre. Ces jeunes désœuvrés constituent des contingents supplémentaires à la délinquance qui a pris des formes multiples ces trois dernières années et emprunté des voies de plus en plus dangereuses, avec ces nouvelles mœurs venues de contrées lointaines et qui remettent tout en question dans notre pays. Nous sommes devenus le pays qui occupe la première place peu glorieuse en matière d'exportation de jihadistes terroristes enrôlés par des organisations tentaculaires et qui sont souvent à la solde de puissances qui veulent détruire tout ce qui a été édifié en Tunisie et dans bien d'autres pays. D'autres jeunes ont choisi l'immigration clandestine et dont plusieurs ont péri en pleine mer. Plusieurs milliers, voire des dizaines de milliers vivent de petits larcins, sillonnant les artères des villes jour et nuit à la recherche d'une victime isolée. La contrebande, c'est aussi ces jeunes-là. Idem pour le commerce parallèle. A vrai dire, le nombre de ces ratés de l'école est si important qu'on se doit de lui trouver les remèdes adéquats pour, tout au moins, freiner la tendance. Mais on doit reconnaître, plutôt admettre, que ce n'est pas à l'école d'endosser la responsabilité de cette dérive sociétale grave. C'est toute la communauté qu'on devra associer pour ébaucher d'éventuelles solutions. Responsabilité collective L'échec scolaire et la délinquance vont de pair et l'institution éducative pourra avoir sa part pour, un tant soit peu, inverser la tendance. Les enseignants tous niveaux compris et l'administration sont le socle sur lequel on pourra rebâtir pour repartir du bon pied. Mais encore faut-il que l'Etat redonne à cette institution la place qui lui revient de droit, que les parents aient du respect et pour l'école et pour les enseignants pour qu'ils puissent s'acquitter de leurs tâches dans des conditions le moins qu'on puisse dire normales. L'école dans cette refonte n'est qu'une composante de tout un système, mais elle pourra jouer un rôle moteur dans le processus à condition qu'elle retrouve son statut écorné au fil des ans par des politiques éducatives toutes aussi aberrantes les unes que les autres et dont le populisme a sa part également. L'administration a tout enlevé aux directeurs des établissements scolaires et au corps enseignant devenus vulnérables devant les droits accordés aux élèves et devant l'arrogance de nombreux parents aux comportements souvent scandaleux et qui ont contribué à cet état de déliquescence qui caractérise l'institution scolaire où la discipline fait partie de l'histoire. Aujourd'hui, un directeur d'école ou de lycée peut être malmené par un parent d'élève, voire agressé parce qu'il a tout simplement fait valoir les droits de son institution. L'enseignant, lui-même, est logé à la même enseigne, parce qu'il s'est montré respectueux de sa mission d'éducateur. Il peut être sévèrement corrigé à l'école comme dans la rue par ces pères bandits qui n'hésitent pas à monter les scénarios les plus abjects pour faire traîner des enseignants devant les tribunaux. Et parole contre parole, c'est celle de l'élève — surtout s'il s'agit d'une jeune fille — qui a le dessus ! Comment dans ces conditions l'institution scolaire pourra-t-elle remplir sa mission et assurer son rôle dans la formation de générations appelées à prendre le témoin dans un pays comme le nôtre. Ainsi, ces programmes qu'on change comme on change de chemise au gré souvent des intérêts des auteurs qu'on charge de les élaborer et aussi des éditeurs et imprimeurs, ne présentent-ils pas des tares qui ont participé à la baisse du niveau général de nos élèves et étudiants? Certes, il y a d'autres facteurs qui ont contribué à cet abêtissement rampant, mais le contenu de ces programmes est à incriminer en premier lieu. Des programmes auxquels on refuse d'associer les enseignants — premiers concernés — et les conseillers pédagogiques — loin de cette meute de zélateurs et de lodateurs — qui ont fait tant de tort à l'enseignement, des sociologues et des psychologues qui peuvent enrichir ces mêmes programmes vidés de leur substance, par calcul souvent ridicule et par cette sorte de frilosité qui rend tout suspect. Tout cela devra être remis sur la table. Et avant d'incriminer l'école et les enseignants, il faudrait voir leurs conditions et celles dans lesquelles ils évoluent. L'école a droit à l'autorité pour ne pas subir la loi de l'élève et des parents devenue aujourd'hui prépondérante et contraire au bon sens. L'enseignant a droit au respect de la part de tous : Etat, administration, élèves et parents. Sans cela, il ne pourra jamais donner le meilleur de lui-même, et ne fera ainsi que remplir ses heures de classe et rentrer chez lui à cause de l'indiscipline qui règne de nos jours dans les salles de cours. Cela ne veut nullement signifier qu'il n'y a pas d'enseignants peu soucieux de leurs devoirs et qui ne savent pas se faire respecter. Il y en a de plus en plus, surtout parmi les jeunes émoulus tout droit des facultés. Mais on saura les encadrer si on redonne à l'administration des établissements scolaires les droits qu'elle avait et qui permettaient au directeur d'attirer l'attention des enseignants, même sur leur apparence qui est très importante pour leurs élèves. C'est un tout indissociable qu'on devra creuser pour que l'école assume son rôle et ne sombre pas davantage dans l'état de délabrement dans lequel elle se trouve. Cela commence par le droit d'autorité pour l'administration et le devoir de respect au corps enseignant.