Avec le démarrage de la campagne électorale législative qui entame aujourd'hui sa cinquième journée, l'on se demande comment les associations de la société civile spécialisées dans l'observation et le suivi du processus électoral durant toutes ses phases vont opérer pour faire entendre leurs voix et faire en sorte que leurs observations ou suggestions soient prises en considération par l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie) afin que les irrégularités ou dérapages soient stoppés à temps. En d'autres termes, quel est l'impact réel et effectif de l'intervention de ces associations sur le terrain et sont-elles écoutées par l'Isie, ainsi que par les partis politiques en compétition ? Autant d'interrogations que La Presse a soulevées en donnant la parole à certains acteurs de ces associations afin d'éclairer le citoyen électeur sur leur action, d'évaluer leur expérience entamée en 2011 et de dire ce qu'ils attendent des élections législatives du 26 octobre. Nous sommes des partenaires de l'Isie Mehdi Limam, membre de l'équipe centrale du réseau Mourakiboune, tient à préciser : «Nous ne sommes pas les concurrents de l'Isie. Nous sommes, plutôt, ses partenaires et elle écoute nos propositions et leur donne suite. La preuve, lors de la campagne en vue de l'inscription sur les listes électorales, elle a accepté notre suggestion sur l'opération de changement du bureau de vote par la méthode Ussd (agents mobiles). Notre ambition est qu'elle continuera à donner suite à nos propositions». «Encore une nouveauté, ajoute-t-il, puisque l'Isie nous a permis d'annoter nos observations sur les procès-verbaux qui seront dressés par les présidents des bureaux de vote, à l'issue du scrutin du 26 octobre». Mais comment vont opérer les observateurs du réseau pour dresser les irrégularités et comment vont-ils en informer et l'opinion publique et l'Isie ? «Nous disposons d'une équipe de 526 superviseurs (à raison de 2 superviseurs par délégation) qui sont sur le terrain pour constater les irrégularités et en faire état à ce que notre réseau appelle les observateurs à long terme (OLT) qui agissent par groupe de trois pour chaque circonscription électorale. Ces observateurs, dont le travail a démarré avec l'opération d'inscription sur les listes électorales en juin 2014, dresseront des rapports qui seront soumis aux différentes Irie. Pour ce qui est de l'opinion publique, elle sera alertée via des rapports hebdomadaires. Ils contiendront toutes les données collectées par nos superviseurs et seront mis à la disposition de tous les moyens d'information, à temps. Le premier rapport sera prêt d'ici la fin de la semaine en cours. Le citoyen lambda peut également participer à notre action puisque tout un chacun peut nous contacter et nous fournir ses observations et nos superviseurs se chargeront d'en assurer le suivi», indique-t-il. «Pour le moment, conclut-il, nous avons l'impression que la campagne n'a pas encore pris son envol et les dérapages ne sont pas très graves puisqu'ils se limitent à des affiches collées à des endroits qui ne leur sont pas réservés ou au déchirement de certaines déclarations électorales mais l'opération ne semble pas programmée. Toutefois, il faudrait faire remarquer aux saccageurs que contrairement aux élections du 23 octobre 2011, cette fois ils risquent de lourdes peines (prison ou amendes) comme le prévoit la loi électorale». Une première expérience Du côté de l'initiative «Ntalbek wa Nhasbek», il ne s'agit pas d'observer le déroulement de la campagne électorale durant ses différentes phases. «Notre projet, révèle à La Presse Alaâ Talbi, membre du comité de pilotage de l'initiative et directeur exécutif du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, a pour objectif d'assurer le suivi des promesses électorales faites par six partis (Ennahdha, Nida Tounès, Ettakatol, Alliance démocratique, Al Massar et Front populaire) dans huit gouvernorats (Bizerte, Béja, Sfax, Kairouan, Monastir, Gafsa, Kasserine et Médenine). Notre initiative a procédé à la consultation des citoyens de ces régions qui nous ont fait état de leurs demandes à caractère purement régional (santé, accès à l'eau, infrastructure, éducation) que nous avons soumises à ces partis, sous la forme d'un rapport général et de rapports spécifiques à chaque région. Et les partis touchés jusqu'ici nous ont promis de les prendre en considération». A la question de savoir si les requêtes exprimées par les citoyens des régions touchées par l'initiative figurent dans les programmes révélés par les partis en question, Alaâ Talbi réplique: «Honnêtement, notre première impression est qu'ils nous ont écoutés, et nous attendons pour voir s'ils vont réaliser leurs promesses au cas où ils accéderaient au pouvoir. L'expérience se poursuivra lors des prochaines élections municipales que nous considérons comme les plus proches du citoyen». «Nous n'avons pas l'intention de supplanter l'Isie» La magistrate Leïla Bahria, présidente de l'observatoire Chahed pour le contrôle des élections et le soutien des changements démocratiques, considère que «les associations de la société civile ont un rôle important à jouer en tant que force de proposition et de pression. Toutefois, nous n'avons nullement l'intention de supplanter l'Isie ou de prétendre apprendre à ses responsables comment ils doivent accomplir leur mission. Mais cette position de principe ne nous empêche pas de relever les erreurs et d'en informer l'instance en souhaitant qu'elle agisse en conséquence». Pour ce qui est de l'action que vont entreprendre les 270 observateurs à long terme (OTL) de Chahed, on apprend qu'ils dresseront un rapport chaque semaine, soit trois rapports couvrant la campagne, et l'Observatoire publiera un rapport général à l'issue de la proclamation des élections. «Ce rapport, précise Leïla Bahria, comprendra tout sur les dysfonctionnements relevés par nos observateurs. Il y aura également nos recommandations afin que les erreurs commises soient évitées lors des prochaines élections, en premier les municipales que les Tunisiens attendent avec impatience».