• Ville mythique regorgeant d'une richesse archéologique fabuleuse et remarquable, El Jem, également ouverte sur le monde grâce à la musique symphonique et à son festival qui, depuis 28 ans, se déroule dans le cadre sublime de son Colisée, témoin du riche patrimoine culturel de la Tunisie, a su dynamiser sa singularité historique en développant des activités liées à la mosaïque et aux musées. Avec la reconstruction de la villa Africa, la muséographie, trop souvent rébarbative, est entrée dans une ère nouvelle. Une ère qui considère la culture comme un outil déterminant dans la promotion des hautes valeurs civilisationnelles. A titre de rappel, elle est classée, depuis 1979, par l'Unesco patrimoine mondial de l'humanité. A la veille du coup d'envoi de la 28e édition du festival international de musique symphonique d'El Jem qui, plus que tout autre festival tunisien, concentre sur lui toutes les attentions et centralise l'intérêt et la curiosité des médias d'Europe et d'ailleurs, spécialisés dans ce genre de musique, il serait indiqué de s'intéresser de plus près à la considérable richesse de Thysdrus ou El Jem qui, avec la reconstruction de la villa Africa, a fait un formidable bond de 19 siècles... dans le passé. Le parc archéologique d'El Jem Si le site de l'antique Pupput, la «civitas puppitana» couvrant la zone hôtelière d'Hammamet, abrite la plus grande nécropole romaine d'Afrique portant sur plus de deux mille tombes, ce qui constitue une moisson scientifique sans précédent, il en est un autre, le parc archéologique d'El Jem. Il comprend le musée de la mosaïque, un bâtiment imposant, et la villa Africa. Si donc le site Pupput se distingue par des rites funéraires qui racontent la vie, la villa Africa, elle, nous restitue l'ambiance d'une somptueuse demeure romaine du IIe siècle. L'histoire de la reconstruction de la villa Africa a commencé par une découverte fortuite, à la périphérie immédiate d'El Jem, l'antique Thysdrus, la cité rebelle qui a fait chuter l'empereur Maximien et d'où est partie une révolte qui a changé la face de l'Empire romain. A la suite d'une tentative de construction anarchique, des fouilles ont révélé l'existence d'une riche demeure aristocratique, datant des années 170 a.p. J.-C. Par sa taille, plus de 3.000 mètres carrés, elle est la plus vaste résidence privée de toute l'Afrique romaine. La présence d'un jardin et d'un bassin dans une région où l'eau était rare, ainsi que la découverte de restes d'amphores ayant contenu du vin provenant de Grèce, alors qu'à l'époque la région produisait cette boisson, démontrent dans quel luxe vivait son propriétaire. Mais c'est surtout l'exceptionnelle richesse du décor de ses sols qui impose la villa Africa comme un joyau archéologique. Outre des pavements d'une grande variété iconographique et d'une finesse d'exécution digne des plus grands maîtres, on y a trouvé, parfaitement conservée, l'unique mosaïque de la déesse Africa, connue jusque-là par des monnaies, des sculptures ou des peintures. Dispensatrice de richesse et de fertilité, objet de culte dans toute l'Afrique romaine, la déesse Africa a donné son nom à la villa. Selon Pline l'Ancien, du premier siècle de notre ère, «personne, en Afrique, ne prend de résolution sans avoir invoqué Africa». La villa abritait aussi une très rare représentation de Rome et de ses six grandes provinces symbolisées par des personnages aux attributs différents, ainsi que des natures mortes de fruits, de gibier et de poissons, des figures d'animaux et une naissance de Vénus. Plutôt que de déposer ses mosaïques pour les accrocher aux murs du musée de la ville d'El Jem, un magnifique établissement où est conservée et exposée une splendide collection de statues et de mosaïques du plus grand intérêt archéologique, l'idée s'est imposée de reconstruire la villa dans un autre espace et de présenter ses mosaïques dans leur cadre originel, seuls le péristyle et quelques pièces de réception ont été bâtis, les autres pièces étant suggérées par des murets marquant leur superficie. Ni véritable musée ni site archéologique à part entière, la villa Africa permet au visiteur de visualiser l'ambiance d'une riche demeure d'époque romaine, avec une juste perception des volumes, des élévations et du décor précis des sols. A ce titre, et bien qu'elle ait fait grincer des dents quelques puristes pour certaines approximations, la villa Africa mérite donc un sérieux coup de chapeau. Le plateau en mosaïque polychrome représente la déesse Africa en femme au teint basané, au nez épaté et à la chevelure crépue couverte d'une dépouille d'éléphant. Ce plateau a été découvert à El Jem en 1992 grâce aux soins d'un brillant archéologue,Hédi Slim, historien, spécialiste de l'Antiquité tardive et de la période punique, ancien directeur de la recherche et du recensement du patrimoine, qui, aux côtés de Aïcha Ben Abed, spécialiste de la mosaïque africaine et codirigeante de fouille de Pupput et de Dougga, a été pour beaucoup dans l'exhumation des trésors de l'Afrique romaine. El Jem, pôle touristique, culturel et économique Sur la ville qu'il administre, M. Abdelhamid Bouzayène, médecin et maire d'El Jem, nous confiait récemment.«Le but que nous poursuivons et auquel nous nous employons tous est de faire d'El Jem, malgré la modicité de nos moyens, un Bayreuth méditerranéen, africain, une entité symphonique qui puisse se poser en contrepoids à ce qui se fait de mieux à l'échelle européenne. Notre volonté pour y parvenir est à la dimension de nos aspirations. «Depuis 1979, El Jem est classée par l'Unesco patrimoine mondial de l'humanité. Thysdrus fut une des plus importantes cités du monde romain. «Son Colisée, le plus majestueux d'Afrique, est mieux conservé que celui de Rome. Au centre, de nombreux vestiges dont des villas patriciennes, deux amphithéâtres superposés, ainsi qu'un hippodrome, il est le troisième plus grand Colisée du monde par les dimensions et le mieux conservé par l'architecture. «Ces précieux legs constituent l'une des attractions principales de la ville. El Jem a su les préserver et les mettre en valeur en créant un musée de la mosaïque qui recèle aujourd'hui des pièces rarissimes, absolument merveilleuses. C'est pourquoi l'accent a été mis sur un tourisme culturel plus proche de la vocation première de la ville. Aux côtés de la villa Africa, notre grande fierté, il y a aussi les ruines des trois maisons patriciennes, le site Birzid avec ses tableaux de mosaïque extraordinairement bien conservés. «Le Colisée a reçu en 2009 près d'un million de visiteurs; ce qui le place en 3e position des sites fréquentés après Carthage et le musée du Bardo. Nous sommes en train de développer un tourisme culturel très intense axé sur un circuit touristique judicieusement bien étudié en réfléchissant sur les moyens adéquats pour retenir les touristes plus longtemps à El Jem. L'agenda 21, ce formidable outil de développement durable, nous offre un large éventail de ce qui peut se faire dans ce sens. «El Jem, pôle touristique, culturel et économique, dispose encore d'un patrimoine archéologique d'une très grande importance. Des fouilles ont été entreprises dans le but d'exhumer ces richesses. Par ailleurs, El Jem dispose de cinq festivals qui se déroulent tout au long de l'année:‑- Le festival national de la chanson enfantine au mois de juin de chaque année. - Le festival Découvertes Tunisie 21 ou Musiques du monde, au mois d'août - Le festival de l'Olivier, de fin décembre à janvier - Le festival international de la mosaïque qui se tient en alternance avec celui de la soie de Mahdia, un festival bisannuel - Le festival de la musique symphonique «En conclusion et dans le cadre de la valorisation des produits du terroir, nous sommes en voie de créer un espace artisanal consacré essentiellement au terroir. Il sera appelé «Dar El Jem», situé non loin de la Maison Africa. Ainsi, nous aurons, peut-être, contribué à modifier la réputation de Souk Libya qu'elle traîne depuis quelques années».