Pays-Bas-Espagne pourrait officiellement marquer la fin de l'hyper-réalisme, qui ferait place à la libre expression artistique... Si Villa est bien souvent à la finition des actions espagnoles, c'est avant tout grâce à l'activité au milieu du terrain de Xavi et d'Iniesta. Un duo d'orfèvres qui, grâce à sa technique et son sens inné du collectif, dicte le tempo d'une rencontre quel que soit l'adversaire. L'Allemagne s'en est aperçue en demi-finale, les Pays-Bas pourraient subir le même sort ce soir...Certes, ils ne font pas beaucoup parler d'eux, en tout cas moins que David Villa ou Fernando Torres mais ils sont toujours aussi précieux. Xavi Hernandez et Andres Iniesta, les deux discrets métronomes de l'Espagne, ceux qui décident du rythme d'une rencontre et l'imposent à l'équipe adverse, constituent les deux chevilles ouvrières de la Furia Roja. Leur complicité sur le terrain et leur relation technique permettent aux Ibères de maîtriser leur sujet, l'endormir, et le punir dès que l'occasion se présente! Depuis le début de cette Coupe du monde, les hommes de Vicente Del Bosque ne sont pas aussi impériaux que lors des éliminatoires mais ces deux-là (Xavi et Iniesta) ont toujours été au rendez-vous. Ce n'est pas parce que leurs prestations n'ont pas autant marqué les esprits que celles de Wesley Sneijder qu'elles ne sont pas de très haut niveau. Les deux Barcelonais n'ont rien à envier techniquement au génial meneur de jeu des Pays-Bas. Tactiquement non plus. Pour les avoir laissés trop libres de leurs mouvements en demi-finale, l'Allemagne s'est logiquement inclinée. Une citadelle imprenable... Au delà de ses individualités qui font la différence, l'Espagne éblouit aussi par son fameux "toque", jeu à passes courtes fondé sur une grande possession du ballon, mais le cheminement jusqu'en finale du Mondial fut aussi rendu possible par le concours d'une défense de combattants, rarement prise à défaut. Face à l'Allemagne, la Roja a aligné un troisième match d'affilée sans encaisser de but et a ainsi battu son record d'invincibilité en Coupe du monde, soit 313 minutes contre 282 au Mondial de 1950. Elle n'a pour l'instant encaissé que deux buts en Afrique du Sud, lors de la phase de groupes. Le premier a fait très mal, marqué par la Suisse (1-0) contre le cours du jeu sur une contre-attaque éclair conclue par Gelson Fernandes dans une partie de billard. Le second a été sans douleur, inscrit par le milieu chilien Millar (2-1), d'une frappe détournée du genou par Piqué. C'est dire que seul un cheval de Troie permettrait de briser l'hermétisme défensif de la Roja. Il y a pourtant eu du beau monde en face, comme le Portugais Cristiano Ronaldo, Ballon d'Or 2008, en 8e de finale, et l'Allemand Klose, auteur de 14 buts en Coupe du monde, en demi-finale mais leurs efforts respectifs ont été annihilés. Autre spécificité de l'arrière-garde espagnole, elle présente une grande solidarité. Lorsque Piqué a provoqué un penalty pour le Paraguay en quart de finale, Casillas l'a arrêté. Le gardien avait profité des conseils de son remplaçant, Reina, qui connaissait la façon de tirer du Paraguayen Cardozo! Le capitaine, Iker Casillas, a aussi effectué un double arrêt en toute fin de match contre les Guaranis, puis a sauvé son camp contre l'Allemagne en demi-finale alors que Kroos était seul devant lui. L'impression de solidité défensive espagnole se confirme aussi par les statistiques. Selon un indice de la Fifa (mêlant efficacité sur chaque passe, tacle et geste technique), les meilleurs joueurs du tournoi sont dans l'ordre: Sergio Ramos, Puyol, Piqué et Capdevila. Les quatre défenseurs de la Roja ! Championne d'Europe en titre, la Furia Roja mise sur une génération exceptionnelle pour inscrire enfin son nom sur le socle du trophée le plus convoité. Un succès lui permettrait d'égaler l'Allemagne, seul pays à avoir soulevé la Coupe du Monde deux ans après un sacre européen. "Football total" contre "football spectacle". Cette finale de la Coupe du monde pourrait bien marquer le début d'une nouvelle ère. Comme dans la peinture, le ballon rond a ses époques. La mécanique Oranje en héritage... Ce premier rendez-vous en Afrique pourrait officiellement marquer la fin de l'hyper-réalisme, qui ferait place à la libre expression artistique. Wesley Sneijder et Arjen Robben sont les dignes héritiers des "Oranges mécaniques" des années 70. Sauf qu'ils ont ce petit grain de folie en plus qui permet les initiatives les plus audacieuses, celles qui font se lever un stade comme un seul homme. L'Espagnol Xavi, l'homme aux 100 passes par match, est lui un métronome par la régularité et la justesse de ses orientations. Il n'a que l'embarras du choix pour distribuer ses caviars à des feux follets qui se démultiplient sans cesse à l'image d'Andrés Iniesta, David Villa et Pedro. Que dire de la générosité d'un Carles Puyol, énorme contre l'Allemagne, ou de la rage de vaincre d'un Mark van Bommel qui joue les gros bras pour libérer Robin van Persie et autres des tâches ingrates ? Les deux équipes disposeront de toutes leurs forces vives. Et si elles arrivent à oublier l'importance de l'enjeu et à se lâcher, le spectacle sera au rendez-vous.