Environ 20.000 élèves poursuivent des études dans des établissements pilotes. Ils constituent la future élite qui donnera à notre pays sa force de frappe. Mais le scepticisme de certains a de quoi étonner. Chaque année, nos institutions d'enseignement forment des milliers et des milliers de jeunes. Parmi eux nous comptons des élites et des lauréats. Mais ce côté flatteur de notre système est, souvent, occulté ou passé sous silence. Certains préfèrent se plaindre et déplorer les échecs. D'autres, tels des Cassandre, nous prédisent des jours sombres où nos régions de l'intérieur seront vidées de leur jeunesse et de leurs compétences. En ces temps médiocres il est normal qu'il n'y ait de place qu'à la médiocrité. Pendant ce temps, nos jeunes, à tous les niveaux, continuent leur chemin et gravissent une à une les marches du Savoir. Beaucoup d'entre eux monteront sur le podium et pourront prétendre à une place au soleil parmi les élites mondiales. Pourquoi nous refuser ce droit d'avoir des élites et des surdoués ? Pourquoi des voix s'élèvent-elles pour demander qu'on «desserre un peu l'étau» autour des lauréats et des méritants ? Tirer vers le haut Paradoxalement, il y a eu un grand nombre de Tunisiens qui avaient revendiqué le droit à cette catégorie de jeunes de s'épanouir dans un cadre approprié. La création de collèges et de lycées pilotes vient répondre à cette exigence. Une fois cette structure de prise en charge mise en place, on observe qu'il y a des voix discordantes qui appellent à éviter à nos jeunes ce type de formation « stressante » et « déstabilisante » au niveau psychologique. Qui a tort, qui a raison ? Pourtant, on constate qu'il existe des parties qui soutiennent tout et son contraire. Des fois elles sont «pour» et d'autres fois «contre». Dès que les choses bougent au niveau du système éducatif, on voit des réactions controversées et contradictoires. On crie, alors, à la sélection et à l'élitisme. On s'apitoie sur le sort des enfants du peuple qui vont être broyés par cette machine. Ils seront rejetés du système et se retrouveront sur le pavé. Pour les observateurs de la scène éducative, ce disque n'a que trop servi. Les conditions actuelles d'apprentissage et l'adaptation à l'évolution rapide de l'acquisition des connaissances plaident en faveur de la création d'un enseignement sélectif. Sans trop forcer et sans négliger le reste. Chaque pays a besoin d'une élite pour assurer ses besoins et répondre à ses attentes. Même si nos élites (dont beaucoup sont formées à l'étranger) ne reviennent pas toutes au pays, du fait de l'exode des cerveaux, le profit est toujours possible. Ce n'est pas un hasard, donc, que nos institutions sortent des promotions, par milliers, d'élèves, d'étudiants et de diplômés avec des niveaux élevés. Ne se plaint-on pas tout le temps de la chute des niveaux scolaires de nos élèves et de nos étudiants ? Alors, où est le mal si on cherche à améliorer leurs performances ? Ce débat est devenu d'actualité surtout après l'annonce du rétablissement de l'examen de la «sixième » sous sa forme obligatoire. Des parents redoutent des taux d'échec et de redoublement élevés à ce niveau. D'autres craignent une pression sur les élèves qui entraînerait des blocages psychologiques et pèserait lourdement et négativement sur les résultats. Collèges et lycées pilotes De l'autre côté de la barrière, des défenseurs du retour de la « sixième » considèrent qu'il ne s'agit là que d'un retour aux sources. Le passage au cycle préparatoire ne sera plus automatique mais par le biais d'un « filtre ». Cette comparaison, en réalité, ne devrait pas être de nature à faire peur. C'est un moyen de permettre une évaluation beaucoup plus objective des capacités réelles des écoliers. En même temps, c'est une garantie supplémentaire quant au niveau. Et, à ce propos, il faut noter que le passage en septième année jusqu'à aujourd'hui se faisait automatiquement avec un taux de réussite qui avoisine les 88 %. Quelque 3.000 élèves sont admis annuellement dans les collèges pilotes. D'ailleurs on compte, actuellement, plus de 8.550 élèves inscrits à ce niveau. Leurs camarades dans les lycées pilotes sont au nombre de 9.500 environ avec l'admission d'un millier chaque année. Quant aux lauréats du bac, eux aussi, ils bénéficient de la manne des grandes écoles tunisiennes ou étrangères. On estime leur nombre à plus de 25.000 répartis dans le monde. 60 % d'entre eux sont inscrits dans des universités françaises. Est-ce un handicap de former des élites ? A-t-on le droit de refuser qu'on instaure un enseignement destiné aux élèves doués et disposant de réelles capacités ? Bien sûr, le débat ne peut que se poursuivre et les avis n'en seront que plus diversifiés. Toutefois, on peut se poser une autre question plus légitime : qu'a-t-on fait pour les lauréats dans les sections qui ne sont pas des sections scientifiques ? Les élèves brillants dans les disciplines littéraires ou dans celles des sciences humaines (histoire, géographie...) ont-ils des débouchés dignes de leurs prestations ? Ce n'est pas très évident. Toujours est-il que le taux des étudiants tunisiens qui suivent des études en France dans les lettres et les sciences humaines représente près de 18 %.