Réfléchir, entre autres, sur la possibilité d'enseigner les mathématiques et les matières scientifiques soit en arabe ou en français à partir du cycle primaire jusqu'à la fin du cycle supérieur Malgré les nombreuses réformes qui se sont succédé pour améliorer le rendement du système éducatif au cours des deux dernières décennies, les mauvaix choix qui ont été faits sont responsables des failles du système et de la baisse du niveau des élèves. A commencer d'abord par le choix de la langue utilisée pour l'enseignement des matières de base : suite à la politique de l'arabisation conduite dans les institutions et les administrations au début des années quatre-vingt-dix, l'enseignement a également été arabisé dans les établissements éducatifs. La majorité des matières dans les écoles et les collèges sont enseignées en langue arabe.Au collège, les élèves étudient les mathématiques, les sciences physiques et les sciences naturelles dans la langue d'El Jahedh et d'Ibn Khaldoun.Les bases sont enseignées en arabe de la septième à la neuvième année de l'enseignement de base. Or, le passage au lycée est déstabilisant, dans la mesure où la continuité n'est pas assurée dans le choix de langue. Après s'être familiarisé et avoir mémorisé les bases en arabe, les élèves étudient les mathématiques et les matières scientifiques en langue française à partir de la première année secondaire, ce qui revient à comprendre et à assimiler en français les théorèmes et les équations appris en arabe . Une situation perturbante pour beaucoup d'élèves qui ont recours aux cours particuliers pour pouvoir suivre et assimiler les notions enseignées en cours. Le problème se pose également pour l'enseignement de l'informatique dans les collèges pilotes. Cette matière est enseignée en anglais en septième, huitième et neuvième année de base et en français à partir de la première année secondaire. Quant aux sciences physiques, alors que cette matière est enseignée en arabe dans les collèges normaux, les élèves l'étudient en français dans les collèges pilotes et ne disposent pas de parascolaire dans cette matière. «Le fait d'enseigner les matières scientifiques en arabe puis, par la suite, en français dans le secondaire est perturbant à plus d'un titre et a pour conséquence une régression du niveau des élèves, note la mère d'une élève inscrite au collège pilote. Ce changement dans le choix de la langue n'est pas justifié. Il faut au contraire s'inscrire dans la continuité afin de permettre aux élèves de bien maîtriser telle ou telle matière. Prenons le cas de la France. Les mathématiques sont enseignées en français du primaire jusqu'au supérieur, c'est ce qui explique que les élèves aient un bon niveau». Et de poursuivre : «Concernant les collèges pilotes en Tunisie, citons l'exemple de l'informatique qui est enseigné en anglais. Ce n'est déjà pas évident pour les élèves d'assimiler les notions d'informatique dans cette langue. Après avoir eu tant bien que mal à comprendre et à assimiler ces notions en anglais, ils se retrouvent à l'étudier en français au lycée. Ils vont automatiquement oublier ce qu'ils ont appris au collège ce qui revient à une perte de temps et d'énergie. Je trouve qu'il s'agit d'un choix aberrant». Suppression progressive du passage automatique au primaire Du côté du ministère de l'Education on apprend que, dans le cadre de la prochaine réforme nationale du système éducatif, la réflexion sera engagée sur la nécessité d'assurer la continuité de la langue dans l'enseignement des matières, et ce, du début du cycle primaire jusqu'à la fin du cycle supérieur, afin d'éviter la rupture linguistique d'un cursus scolaire à un autre (primaire, collège, secondaire), à l'orgine du faible niveau des élèves. «Dans le cadre de la consultation nationale sur la réforme du système éducatif, qui vient d'être engagée, plusieurs milliers de directeurs, d'instituteurs et d'enseignants du collège et du secondaire sont appelés à donner leurs avis sur des questions touchant à l'éducation, note un responsable du ministère. Un des volets de la réflexion relatifs les dysfonctionnements du système actuel de l'éducation porte sur la langue utilisée pour l'enseignement des matières scientifiques. Il s'agira non seulement de réfléchir sur la possibilité d'enseigner les matières scientifiques dans la même langue au collège au secondaire et au supérieur, et pour cela nons comptons nous concerter sur cette question avec le ministère de l'Enseignement supérieur, mais il faudra, par ailleurs, réfléchir sur la langue à choisir, à savoir l'arabe ou le français». Par ailleurs, la participation des élèves tunisiens à des concours internationaux, ainsi que les évaluations réalisées par le ministère de l'Education ont révélé les lacunes du système qui se reflètent à travers le faible niveau des élèves non seulement dans les matières scientifiques, mais également dans les langues. Outre le fait que la plupart de ces derniers ne savent ni lire ni écrire convenablement à la fin de la sixième année de base, ils sont également faibles dans l'apprentissage des langues enseignées au primaire et au secondaire. «La conjugaison de plusieurs facteurs est à l'origine de cela, poursuit le responsable au ministère de l'Education. Au début de l'Indépendance jusqu'à la fin des années quatre-vingt-dix, nous avions un système éducatif reconnu dans le monde arabe qui a donné de très bons résultats. La loi d'orientation de 2002 qui a été adoptée est considérée comme étant l'un des meilleurs textes dans le domaine éducatif. Mais les choix éducatifs effectués sous l'ère de Ben Ali et dictés par des motifs politiques, à l'instar des 25% et du passage automatique au primaire ont contribué à la baisse du niveau des élèves». La prochaine réforme du système éducatif devra permettre de pallier les diverses lacunes de ce dernier afin d'en améliorer le rendement et de lui redonner son aura. Au primaire, l'approche par compétences a montré ses limites, conduisant à l'adoption d'une première mesure consistant à supprimer progressivement le passage automatique et à restaurer l'évaluation classique, à travers le calcul de la moyenne annuelle qui doit être égale ou supérieur à dix sur vingt. Afin d'améliorer le niveau des langues chez les élèves du collège et du secondaire, des conventions ont, en outre, été signées avec des institus internationaux d'enseignement des langues, à l'instar du Britsh Council pour organiser des «connecting room» dans les collèges et les établissements secondaires. Enfin, le ministère continue d'organiser, chaque été, des villages de langues afin de permettre aux enseignants d'améliorer leur niveau dans les langues.