Une scène agitée, le chaos total... révèlent les tréfonds de l'être humain, son côté animal, sa cruauté, le tout dans un cadre comique qui met en évidence le paradoxe et la complexité de l'Homme. Vendredi dernier, vers la fin de l'après–midi, le quartier de Beb Dzira , un quartier populaire situé au cœur de la ville de Tunis, a été animé par une manifestation artistique et citoyenne. Pour casser la monotonie de la vie, animer et raviver ce quartier, une prestation musicale, de la danse, des performances de cirque, de l'art urbain et du graffiti ont été au rendez-vous à la place Mdak el Halfa. Cette manifestation artistique intitulée «kherb'art» est organisée par le Centre arabo-africain de formation et de recherches théâtrales (Araf). Le public passager et les habitants des rues avoisinantes ont eu droit à une belle performance du percussionniste Jihed Khemiri qui a mis en valeur les spécificités de la musique africaine, du tag et du graffiti sur les murs réalisés par Jawhar Soudani simultanément avec un jeu de cirque de Mohammed Amine Ben Taher. Rien à voir avec les festivités partisanes de la campagne électorale, c'est, en fait, une action citoyenne et culturelle qui vient clôturer le 61e atelier de formation du Centre arabo-africain de formation et de recherches théâtrales d'El Hamra. Le centre existe déjà depuis une dizaine d'années à l'initiative du metteur en scène Ezzedine Gannoun et le théâtre el Hamra, qui a pour vocation de former les jeunes professionnels: acteurs, metteurs en scène, dramaturges et costumiers arabes et africains afin de les encadrer dans les métiers de la scène. Des ateliers de formation Le 61e atelier a démarré au début du mois d'octobre et a pris fin vendredi dernier avec une monstration de clôture dans laquelle le public a suivi le résultat de longues semaines de travail ardu. Vingt-cinq jeunes arabes et africains, venus du Sénégal, de Bénin, de Djibouti, de la Côte d'Ivoire, d'Egypte, du Liban, d'Irak, du Maroc, de Libye et de Tunisie, ont présenté leurs projets devant une assistance nombreuse de professionnels et d'amateurs du 4e art. On a eu alors droit à de mini-pièces qui résument le fruit d'un travail de la 6e promotion du jeu d'acteurs, la 5e promotion de dramaturges et la 3e promotion de costume théâtral, des travaux dirigés respectivement par Ezzeddine Gannoun, Leila Toubel et Besma Dhaouadi. La première démonstration relative à la formation du jeu d'acteurs mettait en relief le problème d'identité: on se trouve devant quatre personnages de différentes nationalités, habillés en costumes colorés, de différentes formes, un roi de carreau, une coccinelle , des capuches ... ils échangeaient des répliques et répondaient à des questions philosophiques, ils émettaient des sons, se déplaçaient en groupe ou en solo, des corps tout en mouvement, c'est une rencontre de plusieurs cultures et civilisations, mais qui partagent le même vécu, se posent les mêmes questions sur la jeunesse, la vieillesse, la démocratie et la liberté.... Au pays des aveugles La seconde prestation, celle de la dramaturgie, avait pour thème la liberté. C'est la grande question qui tourmente l'esprit de l'être humain : un Africain sur une estrade, un micro à la main, présente son discours politique à son auditoire, bourré de mensonges, il utilise des expressions figées, dans sa bouche, de grandes idées comme la liberté, la dignité et l'égalité sonnaient faux. Confronté à trois autres personnages porteurs de visions différentes, le chaos et le flou prenaient alors place. La tension dramatique monte ; chacun d'entre eux définit la notion de liberté selon ses propres besoins, certains se refugient dans la religion, d'autres dans la lutte et le combat... Un passage de quinze minute qui se révèle un texte très suggestif basé sur un jeu de mots et des situations dramatiques, satiriques et comiques. Le troisième et dernier projet consistait, quant à lui, en une scène où l'on découvrait la vraie nature de l'être humain, égoïste, égocentrique et cruel. Le jeu est axé sur la gestuelle : on oscille entre le comique du geste et le drame. Un aveugle qui devient roi, une femme qui accouche, deux autres jeunes s'entredéchirent, s'entretuent pour avoir le dernier mot, pour avoir le pouvoir entre les mains. Des voix qui crient, des personnages symboliques, la scène se transforme en un champ de bataille, agité. On est dans le chaos et l'on découvre dès lors, les tréfonds de l'être humain, son côté animal, sa cruauté... le tout dans un cadre comique qui met en évidence le paradoxe et la complexité de l'Homme. Très symbolique, la pièce nous montre l'éternelle dualité du bien et du mal qui sommeille dans chacun de nous. Ces trois échantillons de travaux résument bel et bien toute la vie de l'être, de l'humanité, de la paix et de la guerre. La soirée s'est clôturée avec la remise des attestations de fin de stage aux participants. Bravo aux formateurs et aux jeunes acteurs prometteurs.