Les produits en provenance de Chine proposés par les marchands ambulants à des prix imbattables envahissent les devantures des magasins à tel point qu'ils ont réussi à s'imposer et à fidéliser une clientèle assez hétérogène. La rue Charles De Gaulle et les rues adjacentes Jamel Abdenasser, Espagne, Allemagne et autres sont envahies par les commerces à la sauvette. Avant la révolution, ils étaient pourchassés par la police municipale et les passants les voyaient parfois courir avec leur carton cherchant un endroit pour se cacher et échapper à la confiscation de leurs marchandises par cette police aux méthodes musclées. Après la révolution, le phénomène a pris de l'ampleur à tel point qu'il fallait faire appel encore une fois à l'intervention des autorités publiques pour stopper les dégâts causés par ce commerce informel à celui organisé. Visiblement, les solutions radicales tardent à venir et comme on dit : «chasser les vendeurs ambulants, ils reviennent vite au galop». Taux de chômage en hausse, pouvoir d'achat en baisse, l'économie est dans un piteux état. Ce qui rend, pratiquement nécessaire ce genre de commerces parallèles qui envahissent les rues de la capitale, devenues le haut lieu du négoce, l'oasis de l'informel, des vendeurs à la criée et de la débrouille. Une ascension fulgurante A l'instar de la rue Boumendil du côté de Bab Jazira, la rue Charles De Gaulle et les rues avoisinantes sont devenues le centre de la grande distribution à ciel ouvert, qui n'a rien à envier aux hyper marchés, puisque le client trouve tout à des prix défiant toute concurrence... sauf la qualité qui est complètement défaillante. Les produits en provenance de Chine proposés par les marchands ambulants à des prix imbattables envahissent les devantures des magasins à tel point qu'ils ont réussi à s'imposer et à fidéliser une clientèle assez hétérogène. L'implantation de ce commerce a connu, en quelques années, une ascension fulgurante. Sans charge, ni impôts à payer, tout ce qui se vend ne dégage que du bénéfice. Au niveau des articles, on trouve de tout : des vêtements accrochés à des cordes, de la vaisselle, en passant par les chaussures, les faux bijoux, les produits de maquillage, les jouets, les articles scolaires, etc. Résultat: des attroupements qui culminent aux heures de sortie de bureau : nuisance sonore et atmosphérique, reflux d'odeurs nauséabondes, difficulté à se faufiler entre les étals. Enfin, un cortège de maux et d'ennuis subis par les riverains de ces quartiers. La pacotille à des prix modiques Un groupe de femmes se bousculent devant un étal de produits de maquillage. Elles s'arrachent un fond de teint dont l'une d'elles vante les mérites. Ces fonctionnaires avouent trouver leur bonheur dans ce commerce à la portée de leur bourse. Au plan de la qualité des articles proposés, elles sont convaincues qu'il n'y a pas de différence entre ces produits et ceux vendus dans les magasins sauf au niveau des prix. Ce cas n'est pas isolé, d'autres pensent la même chose. En raison de la modicité des prix de leur marchandise, les vendeurs à la sauvette ont réussi à attirer une clientèle dont le pouvoir d'achat est laminé et, surtout, à la fidéliser, et ce, au grand dam du commerce organisé. Bien que ce soit de la pacotille, les gens semblent bien l'apprécier en raison de son prix modique. «Je ne peux pas m'offrir des chaussures à 50 ou 60 dinars. Ici, sur les étals je trouve presque les mêmes chaussures à 10 dinars. Je peux même m'offrir deux paires»,explique une dame. Une autre mère de famille dit avoir trouvé son bonheur lors de la rentrée scolaire. «J'ai acheté les sacs et les fournitures scolaires de mes deux gosses à moitié prix dans ce commerce. Dans les librairies ou les grandes surfaces, les prix sont inaccessibles», admet-elle, reconnaissant, par ailleurs, la piètre qualité des produits mais «nous n'avons pas le choix», renchérit-elle. «Quoiqu'on pense de nos produits, ils sont à la portée de la bourse des Tunisiens moyens. Sans nous, il y aurait peut-être eu une autre révolution», lance un jeune vendeur. Un autre vendeur de cigarettes bon marché abonde dans le même sens: «ce n'est pas de la bonne qualité mais les prix sont abordables. De nos jours, les gens n'ont pas les moyens pour acheter des produits de qualité». Le modèle tiers-monde Un autre vendeur de faux bijoux s'invite à la conversation : «Vous savez qu'en Chine, il existe trois modèles de produits : le modèle G8, le modèle asiatique et le modèle tiers-monde. C'est ce dernier, le moins cher, que nous importons», précise-t-il. Certains consommateurs trouvent leur compte dans ce genre de produits dits de «mauvaise qualité». Un consommateur révèle qu'il s'est procuré, il y a trois ans, une radio dans un étal et qu'elle fonctionne encore. «Le commerce organisé est en chute libre», indique un commerçant de magasin de vêtements pour enfants. «Nous faisons du coude à coude avec ces vendeurs à la sauvette. Certains de mes collègues sont obligés d'exposer leurs marchandises dans les marchés hebdomadaires pour pouvoir assurer leur compte», ajoute-t-il. En fin de journée, le paysage est désolant dans les rues de la capitale. Une fois leur boulot fini, les vendeurs ambulants laissent derrière eux cartons, sachets, cordeaux. Une présence polluante dont se plaignent les riverains impuissants.