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«Daech, la créature a échappé à ses créateurs»
L'occident et l'islam politique
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 11 - 2014

Presse, intellectuels, hommes publics et responsables gouvernementaux occidentaux ont sans cesse fait montre de sympathie, de complaisance, voire de complicité, en Tunisie et ailleurs, à l'égard de l'islam politique. Nous avons interrogé à ce sujet Fethi Benslama, psychanalyste, professeur à l'université, qui connaît bien l'intelligentsia et les médias européens et américains.
Pouvez-vous nous éclairer sur les rapports de l'Occident avec l'islamisme ?
L'Occident n'est pas un bloc homogène, même si l'islamisme politique et guerrier a accru dans les opinions publiques la détestation de l'islam et alimenté le racisme antimusulman. En retour, il s'est nourri du rejet auquel il a contribué, car la stigmatisation des enfants de migrants est devenue un ressort identitaire du ralliement de nombre d'entre eux à son idéologie. Dans les médias, l'islamisme fait vendre, parce que la communication se fonde prioritairement sur le mal : de quoi y parle-t-on, sinon des calamités, des méchancetés, des horreurs ? Les islamistes sont des fournisseurs réguliers sur ce plan, que ce soit à travers les mascarades identitaires ou les têtes coupées. Quant aux pouvoirs publics, à l'intérieur ils les surveillent, ils peuvent en faire les représentants des musulmans pour les contrôler, ils leur confient même une mission d'encadrement dans les quartiers difficiles, mais lorsqu'ils dépassent certains seuils de violence, ils les répriment.
A l'extérieur, c'est une force qu'on manie au gré de ses intérêts, d'autant que des pays alliés des Etats européens et américains sont les pourvoyeurs idéologiques, financiers et militaires de l'islamisme. Les intérêts autorisent le cynisme, le mensonge, le double discours. De fait, les islamistes sont à la fois ennemis et alliés des puissances occidentales, avec une zone à risque certes, car ça peut passer d'un côté ou de l'autre selon les circonstances. Les exemples abondent : le dernier en date est l'utilisation des jihadistes pour faire tomber le régime syrien. Au bout de la manipulation, vous avez Daech. La créature a échappé à ses créateurs, comme dans d'autres cas. Les islamistes ont une tactique virale, ils mutent vite et ils sont jetables. Ils servent le double jeu occidental avec l'islam : la reconnaissance et le rejet, l'islam et l'anti-islam. Ne pas oublier que le mot «islamisme» désignait auparavant la religion islamique proprement dite, comme le judaïsme et le christianisme.
Pourquoi la gauche européenne a-t-elle soutenu les Frères ?
Pour une partie de la gauche, les islamistes représentent les opprimés des quartiers pauvres et aussi ceux qui résistent à l'occidentalisation. Ils condensent les humiliés de la différence de classe et de la différence culturelle. Les aspects réactionnaires de leur idéologie, par exemple avec les femmes, sont amnistiés. Cette position est dictée par le lavage de la mauvaise conscience du dominant. En revanche, les démocrates musulmans éveillent la culpabilité et le soupçon, car ils incarnent aux yeux de cette gauche la réalisation de l'hégémonie occidentale. De plus, ils sont considérés comme indéfiniment minoritaires dans leur pays. Des chercheurs de cette mouvance ont écrit que les séculiers des pays musulmans sont culturellement au service de l'Occident, ils les traitent «d'islamophobes». L'invention «du musulman modéré» a eu du succès, parce qu'elle est le produit du relativisme absolu et du semblant chez une gauche dont le programme est de rater les trains de l'histoire. Pourquoi ne parle-t-on pas de « démocrate musulman», avec l'exigence qui va avec ? En fait, «le musulman modéré» est politiquement un radical qui a mis de la poudre aux yeux d'un social-démocrate européen, qui le veut bien.
Pourquoi la droite continue de soutenir les Frères ?
D'abord, il faut savoir que sur l'échiquier politique, il y a une large zone où gauche et droite se recouvrent, surtout quand ils gouvernent. Mais disons que pour une frange de la droite, les islamistes servent à radicaliser leur position et à se démarquer de la gauche. Il y a peu de sujets aujourd'hui qui leur permettent de se distinguer comme avec l'islam. Pour la droite radicale, les islamistes ne sont que les musulmans en tant que ennemis intra-muros. L'ennemi interne inassimilable constitue la menace immunitaire propre au nationalisme fascisant. D'autre part, l'intérêt stratégique de la droite conservatrice avec les islamistes est d'affaiblir les potentialités des pays musulmans en les engluant dans des conflits surannés qui les retardent. Le modèle de cette stratégie est le Hamas vis-à-vis de l'Autorité palestinienne. Au final, les démocrates des pays musulmans sont pris en étau entre la gauche et la droite des pays occidentaux.
En Tunisie, les puissances occidentales exercent-elles des pressions pour qu'il y ait entente avec le parti Ennahdha ?
La Tunisie est à la fois l'objet d'un enchantement et de déception ; ou plutôt d'«inception» et de déception. «Inception», comme dans le fameux film, car voici que la démocratie, une idée étrangère, s'avère implantée dans le subconscient du sujet tunisien, qui se réveille comme si elle était sienne ! C'est un beau présage pour le monde arabe. Mais d'un autre côté, c'est une déception pour les théoriciens du recyclage des islamistes dans l'expérience du pouvoir, étant donné que la démocratie est réputée irrecevable chez des peuples où la religion n'est pas réformée. Peu importe les dégâts dans ces pays, les affaires marcheront bien comme avec les amis du Golfe, et les islamistes recyclés arrêteront le terrorisme. Avec l'expérience égyptienne, ce calcul s'est avéré faux, même si on aurait aimé que ça se poursuive jusqu'à son terme, dût-on en crever. Avec la Tunisie restait la possibilité de la poudre de modération islamique, version Ennahdha. Nous savons que dans ce mouvement, il y a des musulmans sages en termes de foi, mais lorsqu'il s'agit du pouvoir, il n'y a pas de sagesse dans la religion. La base d'Ennahdha est majoritairement incandescente et ses leaders éclairés composent avec cela. Les puissances occidentales donnaient Ennahdha gagnante avec une sous-hypothèse ravissante : le partage du pouvoir avec les séculiers pour éviter le cas égyptien. Peu importe l'incohérence et ses conséquences sur le pays, mais la realpolitik ne recule devant aucune chimère. Mais «The little big country» (surnom que je donne à la Tunisie) a fait vite le tour de la question et renvoyé les islamistes dans leur laboratoire. Tant que «le démocrate musulman», et non le musulman démocratisant, totalement opposé à la terreur au nom de la religion, apte à gérer les affaires publiques, n'a pas vu le jour, ils resteront dans leur laboratoire.
Et si Ennahdha parvenait à se soulager du religieux et de la prédication pour se consacrer à la politique et représenter la droite conservatrice, frange constitutive de toutes les sociétés, à commencer par les plus modernes, cela pourrait être un cas d'école. Qu'en pensez vous ?
Ce changement ne viendra pas par une pure décision idéologique. Il n'est possible que si aux yeux de la majorité des électeurs d'Ennahdha, la religion cesse d'être une solution aux problèmes. Autrement dit, qu'ils ne pensent plus vivre dans une communauté de croyants mais dans une société de citoyens, fondée sur un projet social et politique. Bref, il faut que le pouvoir ne soit plus prenable au nom de Dieu, mais au nom d'un projet et d'une compétence humaine, éventuellement inspirée par des valeurs islamiques conservatrices. Et ça, ce sont les séculiers qui doivent en faire la démonstration dans l'exercice des responsabilités. A ce moment-là, n'ayant plus d'électeurs potentiels, la transformation du mouvement Ennahdha devient nécessaire pour survivre. Si Ennahda échoue aux prochaines élections municipales, certains de ses leaders commenceront à réfléchir sérieusement à la question.


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