PAR Khaled TEBOURBI Bon à savoir : c'est vendredi 19 et samedi 20 décembre à «Ennejma Ezzahra» qu'aura lieu la clôture du centenaire de Saliha. Bon, parce que, pour une fois depuis que nous célébrons des centenaires d'artistes, le programme proposé sera différent, utile et intéressant. Nous n'irons pas jusqu'à dire que les précédents n'étaient pas «à la hauteur», ni qu'ils aient été «bâclés».D'aucuns l'ont fait, en exagérant, bien sûr. Non !nos reproches allaient plutôt à la façon un peu « empressée» avec laquelle on a abordé ces événements. Méthodologiquement, d' abord, il ne fut jamais précisé ce que l'on devait entendre par «célébrer un centenaire». Sur la foi des exemples «entrepris» (Jouini, Jamoussi, Riahi), il semble que l'on se soit basé sur les seuls critères «quantitatifs» : un répertoire et sa durée dans le temps. Or l'expérience universelle (européenne et nord- américaine) se fonde, elle, sur le caractère novateur d'une œuvre, sur ce qu'elle vient ajouter à la connaissance et à l'humanité. De sorte qu'une fois apparue, il y a un «avant» et «un après ».Il y a eu un avant et un après Diogène. Un avant et un après Aristote. Il y eut Marx après Hegel. Et le cubisme après l'impressionnisme. Il y eut « le Dawr » du cheikh El Masloub en Egypte, et puis quand vint Sayyed Derouiche naquit la chanson arabe moderne. C'est sans doute cela qui a manqué à nos « centenaires ». C'est de vérifier, au préalable, à partir de vraies consultations d'experts, si les artistes musiciens et chanteurs célébrés ont été dans la rupture et l'innovation ou, tout simplement, dans la continuité et la popularité. Y eut-il, vraiment, un avant et un après Jamoussi, un avant et un après Jouini et Riahi ? Peut-être bien, mais qui, en l'occurrence et à l'occasion, s'est soucié de nous le démontrer ou de nous l'infirmer ? Ce dont on a, le plus, souvenir (et ceci date de la «veille»), c'est que ces précédents se sont, pour l'essentiel, limités à des concerts «à répétition», reprises des mêmes chansons de répertoire, en tout et pour tout, et partout ! On a parlé d'«empressement», là non plus, l'imagination n'aura pas été de mise. Les mélodies de Jamoussi, de Jouini et de Riahi méritaient bien un effort de relecture, de «réarrangement», nul n'y a vraiment pensé. Curieux, pour le moins. Le centenaire de Saliha (1914-2014) a démarré en mai dernier, après un long travail de commission et avec une tout autre disposition d'esprit. Vraisemblablement il y avait accord sur «la carrure unique d'une diva».On passait à «un tout autre calibre».Unanimité là-dessus. Mais avec «une volonté argumentaire», cette fois-ci. Il y a eu, bien sûr(inévitablement), «des concerts à répétition»,mais depuis la journée inaugurale de «la Kasbah» au Kef, archives, expos, documents et études ont plus ou moins suivi. Un site spécialisé s'est, surtout, mis en place ; un chant immémorial est en voie d'être pérennisé. Beaucoup le soulignent : ce sera sans doute, le meilleur acquis. Ce que propose le Centre de musiques arabes et méditerranéennes, vendredi 19 et samedi 20 décembre à Ennejma Ezzahra, ne vaudra pas moins, voire (on l'a dit)il s'agira d'une approche autrement plus pertinente de l'œuvre et de la carrière d'une artiste historique. Un « centenaire »,pour une fois, justifié, argumenté et démontré !Avec une journée d'étude entière, pour commencer :potentiel, apport et trace artistiques de Saliha, spécificités de répertoire et style de chant, implications culturelles et sociologiques, analyses musicologiques ;un lot de nos meilleurs spécialistes va y contribuer. Avec, surtout, une soirée de concerts (samedi) où deux jeunes groupes se relaieront dans des interprétations «revisitées» de quelques éternelles de la grande diva.«Saxophans Saliha»,idée et conception de Fakher Hakima, puis ,en second, un choix (les khalidates), idée et conception de Samir El Ferjani, plus classique (takht)mais en arrangement et distribution (Ouanass Khlighène, S. Ferjani, Sami Ben Saïed) de divers autres chefs-d'œuvre confiés à la voix de Raoudha Abdallah. Ça promet !