Par Abdelhamid GMATI Le Premier ministre désigné, Habib Essid, ne se hâte pas pour constituer son gouvernement. Tous les jours, il concerte les partis politiques, les organisations nationales, des représentants de la société civile, des personnalités. Que sera ce gouvernement? Tous s'accordent pour insister sur le consensus et les compétences. Un gouvernement d'union nationale comme le proposent certains? Qui pourrait y participer? Les partis politiques représentés à l'ARP? Il y en a 18. Ceux qui, par le nombre de leurs élus, peuvent former des coalitions? Les arguments des uns valent ceux des autres. On rappelle que le faible rendement des gouvernements de la Troïka est dû essentiellement aux nominations partisanes et aux compromis de complaisance. La question d'actualité que se posent actuellement les Tunisiens est de savoir si le mouvement Ennahdha participera au prochain gouvernement. Le mouvement pousse dans cette direction, et les déclarations de divers responsables laissent penser que les islamistes seront associés au pouvoir exécutif. Un ancien Premier ministre de la Troïka va jusqu'à prédire que, puisqu'on refuse le califat, on aura Daech «malgré nous». D'aucuns estiment qu'Ennahdha, 2e parti en nombre de sièges, est incontournable. Il s'agirait alors d'un compromis historique qui faciliterait le travail du gouvernement et lui permettrait de mener à bien les importantes réformes dont le pays a besoin. Les partisans de cette option affirment que cela amènerait le mouvement islamiste à réformer en profondeur et à abandonner son projet de califat. Est-ce bien sûr? Il n'y aurait donc pas une opposition de poids à l'Assemblée. Ce qui fait craindre une sorte de «dictature» de partis au pouvoir qui, à force de compromis et d'ententes, prendrait des mesures partisanes beaucoup plus que nationales. A l'inverse, il y a un fort courant opposé à cette éventualité. On soutient que le mouvement islamiste a prouvé son incompétence en 2 ans de pouvoir absolu. Que pourra- t-il apporter au nouveau gouvernement que l'on veut composé de compétences avérées? 70 députés de Nida Tounès sont opposés à la participation d'Ennahdha. De plus, nombre d'électeurs y voient un reniement des engagements de Caïd Essebsi. Ils font valoir que leur vote exprimait une volonté d'abandonner la politique politicienne des partis en coalition et un choix pour un renforcement de la modernité promise par les candidats de Nida. Il est regrettable de constater que la course au pouvoir prend le pas sur les véritables préoccupations des Tunisiens qui, jusqu'ici, n'ont rien vu de la concrétisation des objectifs de la Révolution. On nous parle de programmes, chaque parti ayant le sien, mais sont-ils proposés à la discussion? Que prévoit le programme du gouvernement Essid? Que veut-on faire de la Tunisie? D'aucuns parlent de libéralisme outrancier, obéissant aux diktats d'organismes internationaux. D'autres, comme la centrale syndicale, disent que si on ne met pas le social au centre du programme, la paix sociale sera difficile à instaurer. Le citoyen lambda ne se préoccupe pas de ces calculs et de cette joute d'hommes et de femmes politiques qui semblent complètement sourds aux dures réalités. Le président de la République et son parti ont su attirer les suffrages d'une majorité de Tunisiens. Les grandes lignes de leur programme qui promettent de faire face sérieusement aux problèmes des Tunisiens et de les résoudre, au moins en partie, durant les 5 prochaines années, ont été adoptées. Il faudra, donc, tenir les diverses promesses et se mettre au service des Tunisiens, tous les Tunisiens. C'est bien beau de tenir des discours prometteurs, mais pourvu qu'ils soient suivis de réalisations concrètes. Quelqu'un a dit que «l'action politique a une obligation de résultats». Et des résultats, on en attend dans tous les domaines: terrorisme, restauration du prestige de l'Etat, libertés, droits humains, économie, social, culture, jeunesse...Bien sûr, tout ne se fera pas en un jour mais au moins qu'on mette le pays dans la bonne direction. Ce quelqu'un, c'est M. Béji Caïd Essebsi. A lui de nous prouver la pertinence de sa réflexion.