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De l'échec de la Troïka à la nécessité d'un gouvernement d'union nationale
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 10 - 2012


Par Hatem M'rad
La Troïka, alliance constituée par trois partis, en partie avant, en partie après les élections de l'Assemblée constituante du 23 octobre 2011, et conduite principalement par Ennahdha, ne peut être considérée comme une alliance politiquement porteuse pouvant diriger un gouvernement de compromis, même si cette alliance était absolument nécessaire après les élections de la Constituante et en cette phase historique.
Cette alliance n'a pas eu l'effet politique escompté. Béji Caïd Essebsi dit parce qu'elle est contre-nature, mais toutes les alliances sont contre-nature, toutes sont difficiles à faire durer. En fait, d'une part, les rapports ne sont pas équilibrés entre Ennahdha (41% des sièges à lui seul) et les autres partis, le Congrès Pour la République (13,36% des sièges) et Ettakatol (9,21% des sièges) qui, à eux deux font la moitié d'Ennahdha et, d'autre part, cette alliance gouvernementale (60% de l'électorat ) exclut quasiment l'autre moitié politique du pays de tout compromis. D'ailleurs, aujourd'hui, il faut le dire tout haut, les concessions d'Ennahdha sont redevables moins à la Troïka qu'aux pressions d'un ensemble constitué par la société civile, l'opposition et l'Ugtt.
Cette alliance entre islamistes et laïques est venue peut-être prématurément. Après la révolution et avec l'apparition soudaine de la démocratie, les partis de l'alliance, nouveaux ou anciens, cherchent tous à afficher leurs conceptions et résolutions. Ils ne sont pas encore prêts à tenir compte de l'avis des autres partis de la Troïka.
Par ailleurs, cette alliance n'est encore ni durable, ni structurée par plusieurs élections successives. Elle est loin d'être enracinée dans les convictions et programmes de ces partis eux-mêmes. A l'intérieur de ces partis, et à l'exception d'Ennahdha, les militants sont divisés sur l'opportunité d'une telle alliance (au CPR et au Ettakatol). Pire encore, le CPR a été abandonné par la moitié de ses représentants à l'Assemblée constituante qui ont créé le 9 mai 2012 un autre parti, Al-Wafa, autour de Abderraouf Ayadi, tandis que d'autres ont rejoint Nida Tounès, et Ettakatol connaît également des dissensions internes de la part de ceux qui refusent toute alliance avec Ennahdha. Certains d'entre eux, pourtant au pouvoir, ont même rejoint l'opposition et atterri à Nida Tounès.
Par ailleurs, les dirigeants de ces partis n'ont jamais cessé en parallèle de négocier séparément d'autres possibilités d'alliances avec d'autres partis. Ennahdha a négocié avec le groupe Ayadi dissident du CPR pour qu'il retourne au bercail. Il n'est par ailleurs pas exclu que Marzouki soit derrière l'union des 12 partis de gauche, constituée par plusieurs de ses amis, une sorte de scénario B en quelque sorte sans Ennahdha et contre Nida Tounès, au cas où.
Bref, la Troïka, censée conduire un gouvernement de compromis et veiller aux destinées de la Constitution est chancelante. Des rapports conflictuels entre ces partis et leurs positions respectives sur les évènements et les questions d'actualité sont étalés au grand jour dans les médias (sur la remise de Baghdadi, sur les droits de l'Homme, les salafistes, les mosquées, les Rcdistes, les femmes, la sécurité, les déclarations des conseillers du président sur Ennahdha, etc). D'après un dernier sondage réalisé par l'Institut 3C Etudes auprès de 1.009 citoyens et citoyennes entre le 17 et le 20 septembre 2012, le CPR ne recueillerait plus aujourd'hui en cas d'élection que 6,5% des voix et Ettakatol ne recueillerait plus que 4,1% des voix. Une autre enquête téléphonique réalisée la même période par un sondeur Emrhod, du 19 au 23 septembre fait ressortir un sévère déclin de la cote des trois représentants de l'Etat et membres de la coalition. Et c'est Béji Caïd Essebsi qui passe en tête dans les cotes de popularité (14,7% ,alors que Marzouki chute à 9%, Ben Jaâfar à 3% et Jebali à 6,2%).
D'où le recours à l'idée de gouvernement d'union nationale, qui a en réalité attiré les faveurs d'Ennahdha, avant comme après les élections du 23 octobre, et qui a été toujours en filigrane dans les débats politiques post-électoraux. Cette idée est aujourd'hui remise au goût du jour à la suite de son acceptation (tardive) par Al Joumhouri, Al Massar et Nida Tounès pour constituer l'étape devant gérer la prochaine phase transitoire postérieure à l'adoption de la Constitution. Ce type de gouvernement, accepté maintenant par Ennahdha, est susceptible de constituer un véritable gouvernement de compromis.
Ce type de compromis est une des recettes possibles pour faire sortir la Tunisie du gouffre. Le gouvernement d'union nationale, établi du moins jusqu'aux prochaines élections législatives, sera d'autant plus important qu'un consensus devrait prévaloir sur les divergences en raison du caractère exceptionnel de la phase actuelle. Et Ennahdha n'ignore pas qu'un tel gouvernement de compromis peut la sauver de ses difficultés politiques, même si elle peut craindre que ses alliés d'aujourd'hui (CPR et Ettakatol) risquent de fondre dans une alliance nationale globale, voire risquent d'être détournés par d'autres partis tendant à isoler Ennahdha au sein même du gouvernement d'union nationale. Car ici le jeu, les perspectives et les rapports de force entre les uns et les autres ne seront plus les mêmes. Ennahdha risque même de perdre son autorité sur ses alliés actuels, qui peuvent toujours s'appuyer dans un tel gouvernement élargi sur les autres partis en cas de difficulté avec Ennahdha.
En tout cas, un gouvernement d'union nationale aura beaucoup d'avantages. Il va tout d'abord inspirer confiance aussi bien au niveau interne qu'au niveau externe. Il va envoyer des messages forts aux citoyens, à nos partenaires étrangers, aux institutions internationales, aux touristes, aux investisseurs. Il va également calmer les agitations collectives, marginaliser les courants extrémistes et fanatiques, justifier l'utilisation résolue de la force publique pour maintenir l'ordre public, montrer que la démocratie n'est pas la faiblesse et qu'elle est capable de se défendre, et surtout faire cesser l'indétermination des islamistes par l'influence des autres partenaires.
Ce gouvernement va permettre de prendre des décisions audacieuses, importantes et sérieuses et les faire accepter sans que personne ne puisse rétorquer que le gouvernement agit d'une manière unilatérale. Parce que ce gouvernement est en lui-même un concentré de compromis national. Il va aussi conférer un certain pouvoir à l'opposition associée, qui sera en mesure de négocier toutes les décisions qui vont être prises et sur lesquelles elle ne manquera pas d'avoir une influence. L'opposition restera libre de quitter à tout moment le gouvernement d'union nationale. Ce gouvernement, faut-il le rappeler, est juste un accord politique.
Un gouvernement d'union nationale peut également associer l'Ugtt, à l'instar du «gouvernement de l'union sacrée», conçu et dirigé en France par Raymond Poincaré durant la 1ère Guerre mondiale et qui fut suivi également dans la même période en Angleterre, Russie et Allemagne.
Reste que des problèmes procéduraux peuvent être rencontrés dans la mise en place d'un gouvernement de ce type. Le premier concerne le leadership. Sur la base de quels critères le leader de ce gouvernement doit être choisi (charisme, représentativité dans l'ANC, décision du parti majoritaire, Ennahdha, ou consensus, sacrifices, nombre d'années en prison) ?
Le deuxième problème se posera au niveau de la constitution même de ce gouvernement. Comment doit-on procéder? Est-ce suivant le système du quota? Est-ce qu'on va limiter le nombre des ministres actuels voulu par Ennahdha, comme le réclament beaucoup de partis de l'opposition et qui, pourtant, doivent savoir que dans les gouvernements de coalition , il y a toujours augmentation, et non restriction, des portefeuilles ministériels. Il faudrait en effet accorder des places à tous les partis? Comment doit-on en ce cas définir la représentativité de chaque parti dans ce gouvernement? Sur la base de la représentativité à la Constituante (qui ne veut plus rien dire en raison des transferts quotidiens d'un parti à l'autre à la Constituante) ou aux sondages d'opinion (qui font monter de nouveaux partis comme Nida Tounès)?
Le troisième gros problème se pose au niveau du programme. Les partis qui vont intégrer ce gouvernement d'union nationale ne vont, bien entendu, pas accepter le programme de la Troïka ou d'Ennahdha qu'ils n'ont pas cessé de critiquer. Ils vont négocier un nouveau programme et une nouvelle feuille de route. Ce qui signifiera une perte de temps supplémentaire. C'est pourtant l'hypothèse la plus probable.
Morale de l'histoire : les compromis démocratiques qui ont et auront lieu dans le pays en cette difficile phase transitoire ne dépendent pas systématiquement d'Ennahdha, même si elle est majoritaire, comme on a tendance à le croire. Les autres acteurs sociaux, politiques et même civils, anciens ou nouveaux, peuvent aussi avoir leur mot à dire. Et ils l'ont eu.
(Professeur de science politique)


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