Les avis sont partagés quant à la création d'un musée d'art contemporain Les plasticiens réunis, les samedi et dimanche derniers, au Centre culturel de Sousse, dans le cadre d'un colloque organisé par la Fédération tunisienne des artistes plasticiens (FTAP), l'Union des artistes plasticiens tunisiens (UAPT), le Syndicat des métiers des professions artistiques (SMPA) et la délégation régionale de la culture de Sousse, ne sont pas tous d'accord sur la création d'un tel projet. Les partisans, plus nombreux, estiment qu'une telle démarche est importante dans la mesure où elle permet de sauvegarder le patrimoine artistique tunisien d'une éventuelle détérioration. Le Dr Sami Ben Ameur, plasticien et enseignant en Beaux-arts, revendique dans son intervention intitulée « Pour un musée ici et maintenant » la création d'un musée qui mettra en valeur la mémoire artistique tunisienne noyée dans un monde globalisé: « Qui de la jeune génération connaît Habib Chebil ou Zoubeir Turki, ce dernier dont le musée qu'il a créé lui-même est transformé en salle de mariage ? » s'interroge-t-il. Faut-il vendre la Cité de la culture ? D'autres intervenants à l'instar de notre collègue journaliste Bady Ben Naceur ou encore les artistes Khalil Gouia, Brahim Azzabi, Mohamed Ayeb, les enseignants Karima Ben Saâd et Hafedh Jedidi abondent dans le même sens. Dans sa communication « Le musée comme espace interactif de la mémoire», Hafedh Jedidi propose la création d'un musée comme « seul remède » contre l'oubli. « Il faut s'emparer de la Cité de la Culture et en faire une cité des arts qui abriterait l'espace muséal que cherchent les plasticiens dans une conception nouvelle, dynamique et interactive, en somme un lieu d'agitation constructive des lettres et des arts ». Dans le même ordre d'idée, le Dr Habib Bida, peintre et universitaire, propose la vente purement et simplement de la Cité de la Culture à un investisseur privé et l'utilisation de l'argent au profit de projets éclatés dans différentes régions du pays. Une proposition qui n'a pas visiblement trouvé écho auprès des participants. Un musée comptant pour rien ? Les contestataires comme le Dr. Naceur Ben Cheikh, peintre et professeur émérite en Beaux-arts et Moez Safta, maître de conférence à l'ISBAT, sont à contre courant de la mouvance partisane. Dans son intervention « Quel musée voulons-nous ? » Naceur Ben Cheikh conteste l'idée même de musée qu'il qualifie de « temple funéraire » et va encore plus loin en remettant en cause l'existence même du ministère de la Culture. « Le musée se mérite. Il s'imposera de lui-même le jour où les œuvres artistiques gagneront l'estime d'un large public » fustige-t-il. Son avis tranchant émane de son constat d'enseignant déçu. « J'ai vu les étudiants jeter leurs travaux de diplôme de fin d'études dans les poubelles de l'Institut, parce que ce qui importe pour eux est la note ». Pour sa part, Moez Safta dont la participation à la conférence est intitulée « Un musée d'art moderne et contemporain, pourquoi, pour qui ? » s'interroge sur la nécessité d'une telle institution. Sa crainte est que « les musées risquent fort de retourner à la situation du siècle passé, de redevenir une institution culturelle avant tout élitiste». Même les étudiants en Beaux-arts restent indifférents à l'égard des musées : « En près de deux décennies d'enseignement, j'ai pu constater le même échec car chaque année, je pose la même question à mes étudiants, qu'un nombre restreint d'entre eux a été ou a l'intention d'aller visiter un musée comme celui du Bardo, qui renferme la plus grande collection au monde de mosaïques antiques. A chaque fois, j'ai ce sentiment d'impuissance vu que rien n'y fait ! ». Au-delà des appréhensions des uns et des autres, au terme de deux jours de débats, la conclusion finale des participants est leur attachement à ce projet de sauvegarde et de valorisation du patrimoine artistique qu'ils souhaitent placer au cœur des priorités de la politique culturelle nationale. Dans tous les cas de figure, il ne faudrait pas que ce futur musée d'art contemporain soit un musée « comptant pour rien » comme disent certains de ses détracteurs.