Pratiques à organiser... Faute de pouvoir les bannir «Je vous ai compris». En prononçant ces mots et en promettant l'instauration de la démocratie, et la cessation des tirs à balles réelles contre les manifestants, lors d'un discours télévisé le jeudi 13 janvier à 20 heures, Zine Bel Abidine Ben Ali pensait désamorcer la colère des Tunisiens et reprendre le contrôle de la situation. Une situation qui lui a échappé progressivement depuis le déclenchement des protestations après que Mohamed Bouazizi s'est immolé par le feu, parce que des agents municipaux lui avaient signifié l'interdiction d'exercer son activité de commerce ambulant… Les événements se sont accélérés. Après avoir été informé de la réaction de la rue et du refus de l'armée de tirer sur les manifestations, Ben Ali s'est enfui dans l'après-midi du 14 janvier, dans des conditions qui restent encore à expliciter.
Un vendeur ambulant diplômé a eu le pouvoir de faire chuter un régime de 23 ans de règne. Une équation invraisemblable entre un Chef d'Etat et un jeune vendeur ambulant. Un mois après la Révolution tunisienne, un phénomène commence à se propager dans les rues, particulièrement dans la capitale: l'apparition de vendeurs à la sauvette représentant la cause principale de la Révolution d'un peuple désarmé. Mais ce phénomène doit être nuancé.
Ce modeste métier peut être une solution provisoire pour vivre pour certains jeunes et familles, mais aussi, il est un danger pour l'économie de la Tunisie et particulièrement les commerçants.
Après la révolution, l'avenue Habib Bourguiba, à titre d'exemple, devient le lieu préféré pour ce genre de vendeurs. A côté de l'embouteillage des artères, la paralysie de la circulation, ces vendeurs sont dans tous les coins des rues. Ils sont partout, des jeunes, des femmes et même des enfants. Ils exercent en toute impunité au vu et au su des agents municipaux.
Les marchandises qu'ils exposent, sont généralement des marchandises contrefaites. Elles sont de marque chinoise généralement et libyenne. Elles vont des écharpes multicolores, aux objets d'art de mauvais goût, tabac, vêtements, sous-vêtements, tenues de sport et chaussures. Mais cette camelote constitue l'unique ressource pour beaucoup de ces jeunes étant donné le taux de chômage élevé en Tunisie. Plusieurs vendeurs affirment qu'ils ont besoin de vivre et de subvenir à leurs besoins en attendant du trouver du travail au sein d'établissements qu'ils soient étatiques ou privés.
Il y a aussi, des points stratégiques où s'entassent ces vendeurs: les stations de métro, comme «Barcelone» et «le Passage». Ces deux stations constituent des nœuds routiers névralgiques à Tunis. Ces vendeurs vont au devant des clients et ils les trouvent là-bas. Ils veulent profiter du nombre élevé d'utilisateurs du métro pour rentrer avec plus de profit et de rentabilité. Oui, ils ont droit de travailler et de gagner de l'argent pour vivre et pour atteindre un standard de vie acceptable et respectueux.
Par contre, l'économie tunisienne et surtout le commerce tunisien est touché par ce marché parallèle.
Avant tout, ces vendeurs ambulants avec leurs camelotes représentent une source de nuisance dans la capitale, dans les stations du métro, où se frayer un chemin s'apparent à un parcours du combattant du fait de leur nombre élevé. En plus, il y a un volume important de détritus, dans les rues de la capitale après le départ de ces vendeurs à la sauvette. L'emplacement de façon anarchique de leurs étalages bouleverse le visage de la Tunisie. Le plus grave est que ces marchandises représentent une concurrence déloyale et une menace pour le commerce légal. Ce commerce se tient actuellement sans paiement d'aucune taxe, alors que les boutiques et les marchés sont vides.
Plusieurs commerçants de la capitale, ont fait une grève mercredi dernier. Ils se sentent lésés par ce marché informel, car il leur occasionne un manque à gagner flagrant.
Sans hésitation, le client va choisir, inconsciemment, la marchandise bon marché ce qui risque de porter préjudice au secteur commercial formel et delà à toute l'économie tunisienne.
La contrefaçon en matière commerciale touche tous les produits destinés à la consommation et constitue un fléau dangereux et nuisible tant pour le consommateur que pour le commerçant lui-même. Elle est tout d'abord une violation d'un droit de propriété et surtout une escroquerie, étant un moyen pour arnaquer le consommateur.
Devenue un fléau mondial, la contrefaçon fait partie du grand banditisme.
Notre propos concerne cependant les marchands ambulants proposant ouvertement des produits soi-disant de marque, à des prix alléchants, mais qui s'avèrent être des imitations grossières des marques, que ce soit dans le domaine des produits cosmétiques et de beauté ou encore dans les chaussures ou les vêtements. Prenons par exemple les parfums, ou les shampoings que ces marchands exposent à la vente. Outre le fait qu'il s'agit d'une contrefaçon flagrante, le risque est de taille pour le consommateur, car il peut s'agir de produits périmés, comme les shampoings ou les produits de rasage qui peuvent avoir un effet négatif pour l'hygiène et la santé en général.
Le législateur tunisien est intervenu par la loi du 12 août 2009 relative au commerce de distribution, afin de réorganiser et de réglementer le commerce de distribution et mettre fin à certains abus à haut risque, notamment pour le consommateur. Le commerçant de détail ambulant, qui avant ladite loi n'avait aucune réglementation appropriée, est astreint désormais à certaines formalités qu'il doit respecter à la lettre. S'il ne possède pas de local, il doit par contre posséder une carte, dont les conditions d'obtention sont fixées par arrêté du ministre du commerce. Le non-respect de cette formalité expose le contrevenant au payement d'une amende allant de 500 à 3 mille dinars. La police municipale est chargée de procéder au contrôle de ces commerçants afin d'éviter certains abus.
Or à l'occasion d'un contrôle de ladite carte, l'agent en question peut également contrôler le produit exposé à la vente. En fait, les commerçants à la sauvette qui changent souvent d'emplacement, craignent surtout une saisie de leurs marchandises par la police municipale, notamment pour défaut d'obtention de la carte exigée par la loi. Cependant, il arrive que les agents municipaux qui ne cessent de redoubler de vigilance saisissent une marchandise constituée de produits toxiques ou périmés, tels que des shampoings dont le coût initial est de 10 ou 15 dinars et qui sont vendus à 1 dinar. Une mise en garde doit être faite en permanence par l'Association de la Défense du Consommateur contre l'achat de ces produits contrefaits. Il y a eu en effet des cas où une personne qui croit avoir fait une affaire en achetant un shampoing assouplissant de marque, constate fort étonnée qu'elle était victime de chutes de cheveux après quelques lavages, avec ce shampoing de marque, si convoitée.
Exercer un métier libre et indépendant dans le commerce est on ne peut plus légitime. Mais que dire des droits du consommateur et de la collectivité nationale? Il faut bien baliser les limites de chacun.