Monsieur le ministre, nous savons tous — tous les Tunisiens — que notre système éducatif est déficient et n'a plus la capacité méthodologique et scientifique nécessaire à la formation de vrais cadres dont le pays a vraiment besoin. Nelson Mandela, l'icône de l'Afrique libre, disait : «Aucune nation n'a d'avenir si elle ne forme pas sa jeunesse» et depuis une belle lurette nous avons tous consciemment et inconsciemment cessé de former notre jeunesse. Je me rappelle bien que depuis l'arabisation voire la vulgarisation de la philosophie par Mohamed Mzali, notre système éducatif a reçu le premier coup dur et mortel qui l'a paralysé dans la formation de l'intelligence, et depuis les coups se succédaient pour le harceler et le faire tomber K.O. Voilà sa vraie réalité aujourd'hui, il est un corps inefficace et ne produit que ses semblables. Alors votre tâche à la tête de ce ministère — notre tache tous ensemble — n'est pas de tout repos, elle est rude certes, mais elle est plus que nécessaire. Elle est vitale parce que le système que nous devons établir doit être spécialisé dans la formation de l'intelligence. Un enseignement qui ne s'efforce pas de contribuer à la pleine et entière intelligence du monde n'est pas digne de ce nom. L'école a une et unique raison d'être, à savoir : la formation intellectuelle, l'aptitude à penser. Le peuple tunisien est incapable aujourd'hui de penser voire de rêver. Et vous savez Monsieur le ministre que les individus et les peuples qui ne pensent plus et ne rêvent plus sont aussi les individus et les peuples qui n'ont plus d'avenir et sont déjà des morts vivants. Voila où nous en sommes Tunisiens d'aujourd'hui ! Dans les conditions de vie actuelle, la règle est absolue : le peuple qui fait fi de la formation de l'intelligence est condamné. Notre système éducatif actuel a amené la jeunesse tunisienne au bord du précipice. Il faut rebondir et au plus vite pour que notre pays, celui de Magon, Hannibal et Ibn Khaldoun... rallume le phare de l'intelligence et l'innovation. Rappelez-vous bien que Carthage est toujours capable de renaître de ses cendres. Quel genre d'homme voulons-nous former ? Monsieur le ministre, il paraît que la nouvelle Constitution est rétrograde dans sa vision de l'homme de demain. (article 39 deuxième §). Elle cherche à créer des sujets ligotés par un passé culturel solidifié et stérile. Alors que le vrai objectif est d'aider chacun à ne pas toujours chercher à ressembler, à imiter, à être à la suite, mais à «être soi», à devenir lui-même. J.J. Rousseau disait : «Le grand problème est d'être soi»; de là nous ne devons pas Monsieur le ministre réformer l'école, mais la repenser entièrement, repenser l'accès à l'instruction, à l'éducation, à la culture. Repenser l'école pourquoi? Vous savez Monsieur le ministre que l'enseignement, et dans toutes ses étapes, est devenu «bourrage de crânes». Repenser l'école c'est instaurer de nouvelles méthodes qui montrent aux gens comment apprendre et «plus encore apprendre à comprendre». Or comprendre ne consiste pas à accumuler des connaissances toutes faites, mais savoir les découvrir, voire au besoin les inventer et les réinventer. J.J. Rousseau disait encore: «Rendez votre élève attentif aux phénomènes de la nature... Qu'il n'apprenne pas la science, qu'il l'invente». Monsieur le ministre, l'intelligence n'est pas innée, elle est construite. Alors cessons de ressembler, soyons nous-mêmes et inventons la science. Voilà le vrai et unique rôle de l'école, elle doit produire l'intelligence pour inventer la science, la vraie (ce n'est pas haram). Bon travail Monsieur le ministre.