Par Wafa KAMMOUN Le grand éducateur républicain "Charles Péguy" (1873-1914) qui a milité, mené un rude combat, et consacré une belle décennie de sa vie à défendre la cause et à faire le plaidoyer de l'école républicaine devant assurer la victoire de la démocratie, les objectifs et les idéaux de 1789, avait écrit une belle phrase qui résume bien les ambitions de l'école républicaine : "Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple, s'il ne l'est pas aujourd'hui, il le sera demain"… - En effet, c'est dans les bonnes institutions éducatives qu'on peut former les bonnes générations… Les Suisses sont fiers d'appartenir à l'école Pestalozzi. Les Allemands s'honorent d'être sortis de l'école "Kerschensteiner" (Die Arbeitsschule)… - Un bon nombre de nos maîtres et de nos professeurs sont fiers d'avoir fait leurs études au "Collège Sadiki", institution phare du savoir au sein de laquelle les innombrables personnalités nationales ont été formées et qui ont contribué à la construction de l'Etat moderne… Trouvant l'Empereur "Napoléon Bonaparte" soucieux et fort préoccupé de la situation des prisonniers et de leur nombre qui ne cesse de croître d'un jour à l'autre, Victor Hugo (1802-1885) s'adressait au souverain en lui disant : "Veuillez Sire bâtir des écoles pour fermer ces prisons"… Victor Hugo parie qu'il n'y a qu'un seul remède pour barrer la route aux malfaiteurs, pour corriger le comportement des individus, … c'est l'enseignement. En effet, on accepte comme vérité incontestable que l'éducation est un vecteur de changement social... Confucius (550 Av.J.C) disait : "Qui pense en semaines, laisse pousser de l'herbe. Qui pense en années, plante des arbres. Qui pense en siècles, éduque les hommes…". On peut donc affirmer que l'éducation est le seul remède efficace pour l'éradication de la corruption, pour promouvoir une société nouvelle… Si l'on opte pour le progrès, la modernité, le développement, il faut emprunter la voie de l'éducation, de l'enseignement et du savoir… Jean Fourastié disait : "qu'un pays sous-développé est un pays sous éduqué". Et c'est vrai, comme l'a dit Ahmed Chabchoub, car si nous comparons la Suède à tel ou tel pays arabe aux ressources minières et pétrolières, nous trouverons une adéquation entre le niveau de vie global et le niveau de développement scolaire : - La Suède, pays surdéveloppé socialement et économiquement, dispense à ses enfants une scolarisation généralisée et obligatoire jusqu'à 17 ans… - De l'école sortent des citoyens qui redynamisent la vie sociale et économique… c'est ce qui fait qu'en Tunisie, nous avons misé sur l'éducation comme facteur de développement économique et social. Mais l'expérience des deux dernières décennies a montré que l'école n'avait pas réalisé les espoirs qu'on attendait d'elle, malgré les sacrifices économiques consentis, et ce, pour plusieurs raisons… On peut citer notamment l'inadéquation "formation/emploi". Un effort est nécessaire à ce propos, en vue d'apporter des solutions adéquates à ce problème, à savoir que les jeunes exigeront que le système éducatif les prépare mieux à ce qui les concerne, à savoir leur devenir : - Le système éducatif devrait donc apprendre à établir ou à discuter des modèles d'avenir (perspectives, plans de développement, projets de société). Un effort considérable est nécessaire, à ce propos, en vue de renouveler notre système éducatif dans sa globalité… Il s'ensuit, du point de vue pédagogique, qu'il faut développer la capacité "d'apprendre à apprendre", en créant des habitudes de travail personnel et en rendant plus aisé l'accès et l'utilisation d'institutions pédagogiques adaptées et adaptables : laboratoires "ouverts", centres de documentation, banques de données, enseignement programmé, etc.… L'éthique nouvelle de l'éducation tend à faire de l'individu le maître et l'auteur de son propre progrès culturel. – L'autodidaxie, notamment l'autodidaxie assistée, a une valeur irremplaçable dans tout système éducatif… Ne perdons pas de vue que le système d'éducation est le produit d'une société mais qu'il peut néanmoins contribuer à l'avènement d'une société nouvelle, s'il dispose de l'autonomie nécessaire à l'analyse critique, à l'invention et à l'innovation… L'analyse critique et l'invention concernent le système éducatif proprement dit: il est donc nécessaire de procéder à son évaluation globale et de mettre en œuvre des mécanismes de rétro-information… Cette évaluation peut conduire à dénoncer les insuffisances de la recherche pédagogique, de l'esprit expérimental et de l'innovation, par suite d'un blocage institutionnel ou socio-politique, et à élaborer et à mettre en œuvre de nouvelles méthodes et moyens envisagés par rapport aux objectifs d'une nouvelle société démocratique juste et équitable en devenir… Le sous-développement n'est pas seulement un état économique et matériel : il est aussi le produit d'un complexe sociopolitique et culturel caractérisé par une faible capacité à produire et par des formes de gestion et d'organisation semi-archaïques ou traditionnelles. L'éducation est à la fois le produit de la société et un instrument de transformation sociale : il existe des rapports dialectiques entre l'éducation et la société, et le développement social et le devenir éducatif qui sont indissociables. Une vision nouvelle de l'éducation exige que le système éducatif soit envisagé sous l'angle de son adaptation aux besoins d'une Tunisie en profonde mutation. Georges Washington (1732-1799), le héros de l'indépendance américaine disait : "L'éducation est la seule voie qui mène au développement et au progrès de la Nation". Notre poète "Abul Kacem Chebbi" avait dit :" Lorsque le peuple, un jour, aspire à la vie, force est au destin d'exaucer sa volonté " Allah dit dans la Sourate "Ar-Râad" (le tonnerre) verset 11 : "qu'il ne changera pas le destin de la communauté tant que la communauté n'aura pas tenté de le faire elle-même".