L'Etat peine à asseoir son autorité au niveau central, comme aux niveaux régional et local. Une sorte de léthargie paralysante s'est installée parmi ceux qui ont la charge de faire respecter la loi et la faire appliquer. Sur nos routes, la situation est devenue intenable avec des conducteurs qui font fi de toutes les règles de conduite. Les plus dangereux sont les chauffeurs des poids lourds et des taxis collectifs ainsi que des louages. Ils croient que tout leur est permis, d'autant qu'ils se considèrent les «as» de la conduite. Ils sont en grande partie à l'origine des malheurs sur nos routes. Les motocyclistes constituent eux aussi un danger, mais surtout pour eux-mêmes. Ils payent le plus souvent un tribut lourd dû à leur inconséquence. Les particuliers, eux, ne sont pas non plus en reste, dans les villes comme dans les campagnes. Tout le monde — mis à part une infime minorité de gens sensés — y met du sien pour rendre nos routes et les artères de nos villes un champ d'incivisme souvent mortel. L'interdit n'existe plus, et l'on se permet d'enfreindre toutes les règles au vu et au su de l'autorité qui semble être dépassée ou avoir choisi de laisser faire. L'interdit n'existe plus ! Tunis, la capitale, est le parfait exemple de cette déferlante chaotique qui asphyxie la vie de ses habitants et de ses visiteurs qui sont eux-mêmes mis en cause parce qu'ils participent à cette gabegie qui y règne. Plus de sens interdit, ni d'arrêt obligatoire, ni non plus de feux de signalisation. La rue Mokhtar-Attaya est le parfait exemple du non-respect du sens interdit. On l'emprunte de sa sortie du côté de la rue de Rome jusqu'à la rue d'Alger, d'Ali Bach Hamba et parfois jusqu'à l'avenue de Paris. Dans ce périmètre réduit, les véhicules vont dans tous les sens sans être inquiétés le moins du monde. Pour les feux, allez voir du côté de l'horloge tout prés du ministère de l'Intérieur quel spectacle vous offrent les conducteurs avec au moins quatre ou cinq véhicules qui grillent les douze feux, qui s'y trouvent. Toutes les cinq minutes il y a entre cinquante et soixante voitures qui passent au rouge. Faites le compte par heure et par journée! Entre 8 heures et 18 heures, il y a au bas mot 5.000 conducteurs qui sont en infraction avec le Code de la route. La palme dans ce secteur revient aux taxistes qui, comme à leur habitude, s'illustrent par leur arrogance, et leurs gestes obscènes — pas tous certes, mais la majorité d'entre eux, surtout ceux ayant décroché leur permis de place ces quatre dernières années. Quant au stationnement, tout ce qu'on peut avancer à ce propos ne peut en aucun cas cerner tous les contours de la réalité de nos artères. Ajoutez à cela les étals anarchiques qui ont partout essaimé et allez voir quel paysage de désolation vous offrent notre chère capitale et nos grandes villes de l'intérieur! Sur les autoroutes, les poids lourds rivalisent de vitesse avec les petites cylindrées, ils les dépassent sans gêne en empruntant et en demeurant sur la voie gauche qui leur est interdite. C'est le cas notamment à l'entrée sud de la capitale où ils sont astreints selon le panneau indicateur à rouler sur la voie droite (elles sont trois). Sur le pont menant de la Z4 vers le sud aux heures de pointe, on s'évertue à créer trois voies alors qu'il n'y en a que deux! On n'en finira jamais avec de tels exemples d'incivilité devenue la règle dans notre pays. Devant un tel constat d'anarchie et de chaos, «que faire» comme disait Lénine? Et a-t-on vraiment l'intention et la volonté de faire quelque chose pour y remédier? Loin de nous l'idée de faire le procès d'intention de qui que ce soit ou d'incriminer une quelconque partie, mais nous ne pouvons nous empêcher de nous interroger sur ce déficit d'autorité qui règne parmi les décideurs et les exécutants et cette paralysie de l'administration qui risquent de rendre la tâche de remettre de l'ordre dans la demeure impossible le jour où on décidera de passer à l'action. Le temps de l'action ! Il est grand temps pour sauver un tant soit peu le pays de cette descente vers le gouffre. Et ce ne sont pas les petites mesures qui vont nous remettre sur la voie du salut. Avec un gouvernement à la légitimité incontestable, on avait espéré des signaux forts à l'encontre de ces hors-la loi et qui soient en même temps rassurants pour les citoyens respectueux de la loi. Mais nous n'avons assisté qu'à de petites démonstrations sans lendemain et sans véritables conséquences. A preuve cela fait plus d'un mois qu'on cherche à débarrasser les artères de la capitale des étals anarchiques pour décongestionner la circulation et donner aux piétons les moyens de se déplacer sans encombre. Cela fait plus d'un mois qu'on joue au chat et à la souris, sans le moindre résultat. Les descentes effectuées sont pour la plupart connues avant même d'être entamées. Et on le fait vraisemblablement sans conviction. Sinon comment expliquer qu'après la fuite des marchands avec leurs marchandises, on n'embarque pas sur les véhicules de la police affrétés pour cela, les tas de cartons laissés sur place et même des étals de fortune faits en bois ? Par ailleurs, comment expliquer, et cela jusqu'à ce jour, qu'aucune mesure d'interdire le stationnement des voitures à l'avenue Habib-Bourguiba, alors que la loi ne souffre aucune interprétation, particulièrement pour cette artère. Il y a deux semaines, des motards ont été chargés de faire la navette dans les deux sens pour signifier aux conducteurs de continuer la circulation et de ne pas s'arrêter. Rude tâche sans compter que pour cette seule voie, il faudrait tout un escadron d'agents de police. Quant aux grues qui sillonnent la ville, elles font leur boulot sans réelle conviction de ceux qui les conduisent. On le fait parfois à la tête du client, sans parler des accointances qu'ont certains avec ceux qui se sont improvisés gardiens des lieux de stationnement. Et ces grues sont souvent sources de problèmes pour la circulation. Elles aussi empruntent les sens interdits. Les sabots, quant à eux, bloquent la situation plus qu'ils ne la décongestionnent. On a l'impression d'après tout cela qu'on ne veut pas trancher sur le vif car les solutions alternatives ne manquent pas, pourvu qu'on se décide à en finir avec cette idée de privilégier le compromis, qui mène droit vers la compromission et une grosse perte de temps irrécupérable. Messieurs les décideurs, pour en finir, il faut des mesures qui cadrent avec les dangers que nous encourons. C'est un véritable défi à relever pour redonner à l'autorité sa place et à la loi sa primauté. Sur les routes, davantage de contrôle. Les nouveaux radars, qui seront bientôt fonctionnels, sont une partie de la solution pour lutter contre l'excès de vitesse, surtout qu'ils seront placés à des endroits qui vont surprendre tous les usagers de la route du moins pour quelque temps. Les contraventions avec des PV collés sur les pare-brise doivent remplacer les sabots et les grues qui encombrent les rues. Lesquels PV exemplaires en matière d'amendes qu'on devra régler auprès des recettes de finances. Et tant qu'elles ne seront pas payées, elle demeureront affichées et pourront coûter très cher aux contrevenants, une fois contrôlés ou en partance vers l'étranger. Débarrasser nos artères, surtout les principales et notamment l'avenue Habib-Bourguiba, a un autre volet non moins important. Il est d'ordre sécuritaire, car il n'est pas exclu avec le terrorisme qui cherche à déstabiliser le pays que l'on passe à un autre palier d'attentats avec des voitures piégées. Ce n'est nullement pour effrayer les gens, mais l'éventualité existe et on devra par conséquent agir pour prévenir. Cela dit, quant aux feux de signalisation, il y a lieu de penser à l'installation de caméras directement liées avec la direction générale de la Police de circulation et aux recettes de finances pour que les contrevenants n'échappent pas lors des contrôles et s'acquittent du montant de leur forfait. Pour les récidivistes, il faudra user des moyens forts pour les contraindre au respect de la loi et de leurs semblables. Cela fera de consistantes recettes supplémentaires pour l'Etat qui en a tant besoin par ces temps et permettra de remettre de l'ordre dans un pays qui souffre de l'incivisme d'une grande partie de ses citoyens.