Bafouer la loi, c'est se détruire. C'est ce qui se passe de nos jours avec l'incivisme et l'incivilité qui gagnent toute la société Aujourd'hui, il y a lieu de s'alarmer sérieusement sur l'avenir de la Tunisie. Le mal qui ronge la société et l'expose aux plus graves dangers ne vient pas de l'extérieur, il est de chez nous. Et au rythme où vont les choses, on doit craindre le pire dans les quelques années à venir. Il est déplorable de constater que les Tunisiens, dans leur majorité, sont devenus des ennemis jurés de la civilité et du civisme à la fois, sinon comment expliquer ce qu'on observe comme comportement partout où on se déplace dans le pays. Ce n'est pas une rébellion contre un certain ordre établi, c'est plutôt un élan destructeur qui détruit tout sur son chemin. En milieu urbain comme en mileu rural, c'est le même phénomène qui s'observe, que rien n'arrête depuis quelques années et qui a pris de l'ampleur ces derniers temps. En sillonnant le pays, on ne peut que déplorer ce paysage de désolation que sont devenues nos villes et nos campagnes. Les constructions anarchiques ont envahi tous les espaces, on a empiété sur les trottoirs, voire sur la voie publique, pour gagner quelques mètres carrés qu'on rattache à sa maison ou pour construire ces monstrueuses guérites appelées kiosques où l'on pratique toutes sortes d'activités. Dans certains quartiers, il n'y a plus d'espace où le piéton puisse se déplacer. Certains commerces ont occupé et le trottoir et une partie de la chaussée pour dissuader les automobilistes de se garer devant leurs boutiques ! Des villas entières ont été refaites, leurs propriétaires, profitant de l'absence de l'autorité municipale, ont intégré les espaces réglementaires les séparant de leurs voisins dans leurs constructions, pour en faire des studios à louer ou des locaux commerciaux. De l'anarchie, rien que de l'anarchie! Ce constat est valable aussi pour nos villages complètement défigurés par toutes sortes de constructions de fortune où on étale du n'importe quoi et n'importe comment, faisant fi de toute règle élémentaire d'esthétique et d'hygiène. Et le soir, après la fermeture, allez voir quel spectacle offrent nos rues et ruelles ! Détritus, amas de légumes et fruits pourris, cartons d'emballage, sachets de plastique jonchent le sol partout où on passe. Les services municipaux chargés de la propreté sont vraiment débordés devant cette déferlante de saleté que rien n'arrête. Tableau sombre, certes, mais nullement inventé ou exagéré, tellement c'est notre vécu quotidien. Un vécu qui souffre de bien d'autres maux encore plus graves et démontrent que le degré d'incivisme les Tunisiens ont atteint ces dernières années : sur les routes, ceux qui respectent la réglementation régissant la circulation automobile se comptent sur les doigts de la main. D'ailleurs, tellement qu'ils font l'exception que les autres usagers (la majorité écrasante) les prennent pour des débiles mentaux ou, dans le meilleur des cas, des gens d'une autre époque, dépassés par le temps. Celui qui ne grille pas un feu, n'emprunte pas un sens interdit, s'arrête à un stop ou cède une priorité, c'est quelqu'un qui fait partie du passé ! Etre au diapason de l'époque aujourd'hui, c'est tout d'abord bafouer les lois, enfreindre les réglementations en vigueur, faire preuve d'incivilité et d'incorrection. Ce sont là les nouvelles valeurs sociétales de la Tunisie de cette deuxième décennie du troisième millénaire. La liste des griefs à l'encontre de nos comportements est encore longue, dans la mesure où tout un équilibre ayant jusqu'ici existé s'est volatisé pour céder la place à un désordre en passe de tout balayer sur son passage. L'incivilité, mal le plus dangereux qui puisse gagner une société, touche tous les secteurs et tous les acteurs; ainsi, on se rappelle, avec nostalgie, le taxiste, le chauffeur de bus, l'épicier, le boucher et tout prestataire de service des dernières décennies du siècle passé. Le problème est d'une gravité telle qu'il faudrait de l'énergie et de la volonté pour essayer de trouver des explications, afin que, par la suite, on puisse imaginer des solutions, car il y va de l'avenir du pays et de sa population — grisée encore par le vent de liberté qui souffle sur nos contrées — qui, malheureusement, ne parvient pas à faire la différence entre anarchie et liberté et croit qu'on peut tout se permettre, alors que la première est destructive et autonomique de la seconde qui est constructive, et obéit à des règles qui sont l'essence même de notre présent et ce notre devenir.