Par le Pr Khalifa chater “Tant [que les Nord-Coréens] n'auront pas changé de direction, les Etats-Unis se tiendront fermement aux côtés du peuple et du gouvernement de la République de Corée. Nous continuons à transmettre ce message au Nord : il y a une autre voie” (Hillary Clinton mercredi 21 juillet 2010). Le discours d'Hillary Clinton, secrétaire d'Etat des Etats-Unis d'Amérique, à l'occasion d'une visite officielle en Corée du Sud, le 21 juillet 2010, s'inscrit dans le contexte de la crise entre Séoul et Pyongyang et le risque de confrontation entre les deux Corée. Hors conjoncture de la guerre froide et dans un contexte plus favorable au multilatéralisme, la crise actuelle tente de réactualiser la guerre de Corée (1950 à 1953), qui suscita la confrontation militaire entre les forces de la Corée du Nord communiste, soutenues par la République populaire de Chine et l'Union soviétique, et celles de la Corée du Sud principalement soutenue par les Etats-Unis. Depuis lors, des relations en dents de scie ont marqué les rapports intercoréens, où les tentatives de dialogue constituaient, il est vrai, l'exception. Suite à l'implosion de l'URSS et à la normalisation des relations entre la Chine et les Etats-Unis, un projet de réunification de la Corée, a été mis à l'ordre du jour. La déclaration, signée par Kim Jong-il et Kim Dae-jung, stipulait que “Le Nord et le Sud, reconnaissaient que la fédération minimale proposée par le Nord et le système de Commonwealth proposé par le Sud pour la réunification du pays sont similaires et ils se sont accordés à œuvrer ensemble pour la réunification dans cette direction à l'avenir”. Mais l'application a été renvoyée aux calendes grecques. Les tensions dans la péninsule coréenne sont particulièrement fortes depuis l'engagement de la Corée du Nord dans une politique nucléaire. Un accord ponctuel avait été réalisé, suite aux négociations engagées avec le groupe des six (Chine, Corée du Nord, Corée du Sud, Etats-Unis, Japon, Russie) qui avait réussi à obtenir l'arrêt du programme nucléaire de Pyongyang, en contrepartie d'aides alimentaires et au développement. Mais les négociations achoppent désormais sur les modalités de vérification de l'application de l'accord. Le torpillage de la corvette "Cheonan" qui a sombré le 26 mars, coûtant la vie à 46 marins sud-coréens, attribué par une enquête internationale à la Corée du Nord, a suscité un regain de tension. Séoul a qualifié cet événement de pire attaque militaire commise par Pyongyang depuis la guerre de Corée, entre 1950 et 1953. Les sanctions américaines contre la Corée du Nord et l'organisation d'exercices militaires conjoints entre les Etats-Unis et la Corée du Sud en mer Jaune et en mer du Japon (25-28 juillet 2010) assuraient le soutien de Washington à Séoul. Dans ce contexte de crise, Hillary Clinton avait déclaré, le 23 juillet, devant les délégués de l'ARF (Forum régional sur la sécurité) rassemblés à Hanoï que la Corée du Nord devait “changer fondamentalement son comportement” et “respecter son engagement de dénucléarisation” pris en 2005. Au cours de ce forum, Hillary Clinton avait exhorté les ministres des affaires étrangères asiatiques à demander aux dirigeants présents à Hanoï "de prendre les mesures nécessaires" afin de mettre un terme aux ambitions nucléaires de la Corée du Nord et de sceller un accord de paix entre les deux pays de la péninsule, autrefois unie. “La force d'une communauté de nations se mesure à sa capacité à répondre aux menaces qui visent ses membres, ses voisins et sa région”, a déclaré Hillary Clinton. Montée des périls ou simplement “guerre des mots”, la Corée du Nord a menacé samedi 24 juillet de recourir à une "puissante dissuasion nucléaire", face aux exercices militaires conjoints des Etats-Unis et de la Corée du Sud. Pyongyang annonce sa volonté de faire usage de son arsenal nucléaire, objet du contentieux international. Est-ce que le régime de Pyongyang veut faire monter les enchères, à la faveur du changement aux Etats-Unis ? Souhaite-il redorer le blason de son pays, face à une population aux prises avec des difficultés de vie inextricables ? Observatrice avertie, Martine Bulard constatait, dès le 6 novembre 2009, dans le Monde Diplomatique — que l'on ne peut accuser "d'américanisme" —, que “la Corée du Nord joue avec le feu”. Peut-être faut-il rappeler que la confrontation économique dans la région est essentiellement économique et sociale, en relation avec le projet de société et les attentes des citoyens. L'idéologie communiste a perdu la bataille à la suite des résultats sociaux et économiques catastrophiques des régimes qui la consacrèrent. Alors que Séoul a réussi son take off, qu'elle a réalisé une percée socio-économique spectaculaire, assurant la promotion de ses citoyens, la Corée du Nord reste handicapée, par une pesanteur idéologique et géopolitique qui conforte le statu quo d'antan. Face aux nouveaux grands acteurs de la région, la Chine, le Japon et la Corée du Sud, qui exercent des positions de leadership, “le dernier royaume rouge est resté figé dans le communisme des années 1950, malgré quelques concessions à la modernité” (reportage d'Arnaud de la Grange, envoyé spécial à Pyongyang, Le Figaro, 20/10/2009). Mais fût-elle dirigée contre Pyongyang, la démonstration de forces navales met en concurrence les ambitions des flottes américaines et chinoises dans cette aire. Nous y reviendrons.