C'est l'événement de la saison à la galerie Violon Bleu (Sidi Bou Saïd) qui accueille les œuvres de Samir Triki, peintre qui n'a pas exposé depuis 15 ans. «Tatryssètt» est une exposition assortie d'un beau catalogue réunissant les nouvelles créations de l'artiste-plasticien Samir Triki ainsi que des textes expliquant sa démarche. Intitulée «Tatryssètt» (Palimpsestations), cette exposition, qui a démarré le 14 mai, se poursuivra jusqu'au 30 mai. L'année 2015 marque le retour de Samir Triki dont le parcours artistique est aussi fragmenté que sa peinture. Universitaire et chercheur, Triki ne connaît pas de répit. Il se consacre entièrement à l'enseignement et à différentes autres responsabilités car, pour lui, l'aspect pédagogique est essentiel dans la formation d'une nouvelle génération de pédagogues qui prendront la relève lorsque les aînés partiront à la retraite. Dans le même et dans le différent Après 15 ans, Samir Triki s'est autorisé une trêve qu'il consacre à ses premières amours : la peinture. S'enfermant dans un atelier de 100 m2, il travaille sans relâche depuis une année sur une dizaine de tableaux de grand format 2mx2m, notamment des dyptiques donnant sens au volume dans une mise en mouvement de l'espace de la toile. Une démarche formelle où le processus de production prend plus de valeur que le résultat final d'où, d'ailleurs, l'utilisation par l'artiste-peintre du néologisme «Palimpsestations», désignant dans la langue arabe «Tatryssètt». Il s'agit d'un ensemble de travaux fondé sur le processus qui consiste à construire, effacer, peindre, repeindre, etc. C'est un fait dominant dans l'exposition. La dimension pédagogique, à laquelle l'artiste ne peut échapper, est fortement présente. Samir Triki incarne sa vision du monde dans ce qu'il appelle la réplétion qui est une qualité permanente de sa peinture. Les titres donnés aux tableaux définissent ce concept : «Dynamisme serein», «Camaïeu en bleu», «Réplétion», « Palimpsestations émeraudes», «Hybridation», «Raoussed» ou graphème, etc. Des surfaces planes agencées par des formes et des couleurs selon un code géométrique rigoureux. Acte d'amour charnel Il n'est pas adepte de la frontalité; «La peinture n'est pas de la boxe, mais un acte d'amour charnel que je travaille de tous les côtés», explique le peintre. La rigueur est de mise, ce qui nécessite de longs mois de travail. Un travail acharné pour trouver la juste cadence, à l'instar du «luthier qui cherche l'harmonie dans les notes», révèle-t-il. Une vibration chromatique qui consiste à lier et séparer. Une séparation qui peut être une dissonance. Il n'y a pas d'absolu, tout est dans la relation d'une couleur par rapport à une autre. Les motifs sont les mêmes inlassablement répétés, fragmentés, re-fragmentés et réinventés, comme ce flux de «anaânet» qui s'est imposé à lui et dont les origines renvoient à la culture arabo-musulmane, notamment dans le «fiqh». Cette correspondance est un point d'appui pour Triki qui s'attache à instaurer un jeu de couleurs et de lumière dans ses compositions en acrylique qu'il faut savoir déchiffrer. «L'art est un langage qu'il faut connaître. Je ne fais pas d'art pauvre pour les pauvres», souligne-t-il. Une forte émotion esthétique se dégage de ces tableaux qui interpellent notre intellect. Une exposition à ne pas louper sous aucun prétexte.