Les 36 heures supplémentaires que se sont accordé les participants au Dialogue nation pour convenir du choix d'un chef de gouvernement seront-elles probantes ? Le délai fixé au samedi dernier à minuit est en effet prorogé au lundi à 13 heures, avec de multiples promesses de concrétisation, cette fois-ci. Samedi toute la journée, les concertations menées au siège de l'ancienne Chambre des Conseillers au Bardo n'ont fait que cristalliser les positions, avec Ennahdha qui s'attache à faire passer son « préféré » Ahmed Mestiri, soutenue en cela par Ettakatol et Al Jomhoury et, le reste des partis, acquis à Mohamed Ennaceur. En appui à son parti, Hamadi Jebali monte au créneau sur France 24, puis Mosaïque Fm, pour expliquer le choix de Mestiri, balayer la notion de l'âge avancé et multiplier les arguments en sa faveur. Le même Jebali qui en décembre 2011, lors de la formation de son gouvernement voulait y adjoindre Mohamed Ennaceur, alors ministre sortant des Affaires sociales, sous le gouvernement Essebsi, en qualité de Conseiller, avec rang de ministre, tout comme Habib Essid. Prompte à l'attaque, la galaxie médiatique d'Ennahdha, presse écrite, TV et réseaux sociaux, s'est déclenchée pour disqualifier les nominés de l'opposition, ciblant particulièrement Ennaceur et Nabli. Comme au temps du Sovient Suprême et de la Pravda. Plus que des garanties, un homme de confiance A présent, le clivage est clair entre deux conceptions du futur gouvernement : un gouvernement juste pour préparer les prochaines élections, ce que demande Ennahdha ou un gouvernement certes pour expédier les affaires courantes et préparer les élections, mais aussi, jouer pleinement son rôle dans cette phase délicate de la transition vers la démocratie, comme le conçoit l'opposition. A la clef, les craintes d'Ennahdha sont multiples, surtout quant à la révision des nominations effectuées et l'engagement d'affaires en justice au sujet de certains faits accomplis. Au-delà des engagements et garanties qui peuvent être apportés, c'est une personne de totale confiance qui prime aux yeux du parti islamique au pouvoir. Tout est là. Le blocage devient total : Mestiri, d'un côté, et Ennaceur de l'autre. Lorsque samedi peu après 13 heures, Béji Caïd Essebsi lança l'idée de laisser les deux nominés, Mestiri et Ennaceur, se rencontrer et se mettre d'accord sur une formule de compromis, nombre de participants au Dialogue national y ont vu une bonne sortie de crise. Cette initiative était soutenue par la convivialité qui avait marqué la rencontre vendredi soir Essebsi, Ennaceur et Mestiri, à l'Ambassade d'Algérie, à l'occasion de la célébration de la fête nationale. Alors qu'Ennaceur était resté dans le grand patio de la chancellerie parmi les centaines d'invités, un jeune s'improvisant chargé de protocole d'un parti de l'opposition est venu lui demander de rejoindre le salon d'honneur où se trouvaient Essebsi et Mestiri. Le tour était ainsi joué pour les prendre en photo en toute convivialité. Mais est-ce suffisant pour sceller un partenariat politique solide entre Mestiri et Ennaceur pour un mandat commun. Un ticket harmonieux ou une cohabitation respectueuse? Certains ont vu dans la proposition d'Essebsi, un ticket harmonieux à l'américaine avec Mestiri comme Président du Gouvernement et Ennaceur en qualité de vice-président. D'autres, la prennent pour une cohabitation respectueuse, à la française (Mitterrand – Chirac ou Chirac – Jospin). En fait, l'idée d'un vice-président, voire de deux, était déjà gardée en poche, chez certains partis et les noms de Mustapha Kamel Nabli et Jalloul Ayed étaient fréquemment cités, en plus de celui de Mohamed Ennanceur. Véto contre certains nominés, comme des dirigeants d'Ennahdha entendent l'exercer contre Mustapha Kamel Nabli « pour avoir déjà été limogé », droit absolu de candidat unique, comme pour ce qui est réitéré en faveur de Mestiri, remise en cause du vote vendredi après midi accordant 14 voix à Ennaceur contre 4 à Mestiri, retour à l'Assemblée nationale constituante pour un vote sur tous les nominés, et bien d'autres manœuvres : rien n'a été épargné. Pourtant, l'impératif de concorde n'a jamais été aussi fort. Béji Caïd Essebsi continue à garder bon espoir d'y parvenir, laissant un peu du temps au temps et espérant que le weekend portera conseil. Les traits tirés par le stress des négociations et le poids de la responsabilité, nombre de dirigeants des deux camps ont réel besoin de décompresser, de revenir en toute sérénité à leurs partis et se retrouver lundi autour de la table du Dialogue avec un réel esprit de concorde. Les portes de l'espoir restent ouvertes, affirme-t-on dans les rangs de l'opposition qui s'attend à une sage flexibilité d'Ennahdha.
T.H.
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