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Béji Caïd Essebsi : Les raisons d'un départ
Publié dans Leaders le 17 - 11 - 2014

Un document qui mérite d'être lu (ou relu pour certains), la tribune publiée par Béji Caïd Essebsi, sur le journal Le Monde, le mercredi 12 juin 1972, expliquant les raisons de son départ du gouvernement :

On ne rendra jamais assez hommage à Bourguiba pour avoir, depuis l'indépendance, su, à la tête du parti et de l'Etat, être le chef omniprésent qui a assumé sa haute mission avec la clairvoyance, la compétence et l'envergure qui ont accrédité dans le monde cette image privilégiée d'une Tunisie stable, sagement gouvernée et maîtresse de ses destinées.

Mais il se trouve que la situation dans le pays a, depuis, évolué d'une manière décisive et irréversible. Trois faits, importants entre tous, en ont transformé fondamentalement les données :
* Tout d'abord, les résultats d'une politique suivie pendant une quinzaine d'années et visant avant tout la promotion de l'homme; résultats tangibles qui ont permis à certains observateurs de parler de l'avènement d'une Tunisie nouvelle : une jeunesse plus instruite et plus exigeante, une prise de conscience plus affermie des masses, une ouverture plus large sur le monde, et des structures sociales plus moderne;
* La maladie du président, ensuite, et le ralentissement forcé de ses activités, qui ont révélé, à la pratique, les imperfections d'un système fait à la mesure d'un homme exceptionnel, d'un " homme de l'histoire ", comme dirait Malraux. En effet, tant que Bourguiba était là, le système fonctionnait, mais chaque fois que sa présence se faisait moins sentir aux leviers de commande les rouages grinçaient et la mécanique se grippait;
* La crise enfin, résultant de la mauvaise application de l'expérience des coopératives et qui s'analyse, en dernier ressort, comme une crise de confiance, dans les méthodes suivies.

Ces éléments, à l'évidence, appelaient d'une manière urgente une reconsidération de notre système politique et de nos méthodes de gouvernement et imposaient une organisation du pouvoir qui soit naturellement adaptée à l'évolution générale du pays. Bourguiba comprit à temps, et ce fut encore lui qui, le 8 juin 1970, appela les Tunisiens à s'engager dans cette voie du salut : " En ce qui nous concerne, l'expérience vient de démontrer que la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul responsable, si intègre, si dévoué soit-il, comporte des risques... L'édifice ne doit pas s'écrouler du seul fait que je ne serai plus là... "

Répondant à son appel, le congrès du parti, qui s'est tenu à Monastir au mois d'octobre 1971, a fait sienne cette analyse et a adopté des recommandations de nature à assurer aussi bien aux structures du parti qu'à celles de l'Etat un fonctionnement démocratique et sûr, en préconisant notamment le principe de l'élection comme seul mode de désignation des responsables au sein du parti, et le dépôt rapide d'un projet de réforme de la Constitution.

Malheureusement, prenant prétexte d'une déclaration faite à un journaliste français, au lendemain du congrès, par un membre du nouveau comité central, une très violente campagne de presse fut déclenchée à travers les journaux, la radio et la télévision, chauffant à blanc l'opinion publique, brandissant le spectre de la catastrophe et créant ainsi une atmosphère artificielle de crise.

L'ACTION atteignit-elle son but ? Ou le président crut-il voir son autorité ou son prestige mis en cause ? Toujours est-il que le comité central, réuni pour l'élection du bureau politique conformément aux nouvelles résolutions du congrès, se vit présenter un mode de constitution du bureau politique qui était en fait le retour à la pratique antérieure. C'est ainsi que, sur les cinquante-huit nouveaux membres élus, trente-sept n'avaient pas la possibilité de poser leur candidature.

Par respect pour Bourguiba et devant la menace de l'ouverture d'une crise que personne ne pensait pouvoir accepter ni envisager, j'ai préféré quant à moi m'abstenir, non sans avoir exposé clairement mon point de vue, et présenter au chef de l'Etat une démission de mes fonctions d'ambassadeur de Tunisie à Paris.

JE demeure personnellement convaincu, et les entretiens que le président a bien voulu m'accorder par la suite m'ont confirmé dans cette idée, que d'aucuns avaient démesurément exagéré auprès de lui les risques de je ne sais quels dangers qui menaceraient la Tunisie.

Force nous est cependant de constater que, par réaction à un danger supposé, Bourguiba semble, pour la première fois de sa carrière, hésiter devant l'avenir : lui qui avait pour devise d'aller toujours de l'avant par l'apport d'idées-forces et le choix d'hommes nouveaux a, comme dans un réflexe d'autodéfense, accepté la reconduction de méthodes et de pratiques qu'il a lui même réprouvées; lui qui a toujours été le grand rassembleur d'hommes et qui a été le symbole de l'" unité nationale " accepte d'assister à la dangereuse réapparition d'un régionalisme chauvin que nous pensions à jamais disparu.

Telle est la situation. D'aucuns parlent déjà de l'impasse. Je pense, quant à moi, qu'il y a toujours moyen de redresser une situation et d'éviter le pire.

Il s'agit tout d'abord d'éviter que le débat ne s'instaure autour d'un malentendu : l'idée que certains veulent limiter les pouvoirs de Bourguiba alors que d'autres veulent au contraire les préserver, voire les renforcer.
La question véritable à laquelle il est nécessaire d'apporter une réponse claire et sans équivoque est la suivante : le régime fondé par Bourguiba est-il appelé à lui survivre ou doit-il au contraire disparaître après lui ? Je ne peux pour ma part que faire mienne la réponse nette formulée par Bourguiba dans son discours du 8 juin 1970.
IL est en effet indéniable que le régime ne saurait lui survivre que dans la mesure où la stabilité qui a été réalisée par la fidélité à un homme sera relayée par une stabilité fondée sur des institutions démocratiques qui, seules, sont susceptibles d'assurer la permanence de l'Etat et de préserver les acquis de l'oeuvre de Bourguiba.
Il importe également de méditer le mot de Léon Blum selon lequel " en dix ans les révolutions se vident de leur substance ". Après quinze années de pouvoir, le régime tunisien, comme tout autre régime, a besoin d'être réformé en tenant compte d'" évolutions nécessaires "... Faute de quoi, nous risquons d'être irrémédiablement déphasés par rapport à l'époque que nous vivons et au degré de maturité de notre peuple, par rapport à notre jeunesse, qui doit certes être instruite des vertus de notre passé, mais à qui il faut surtout offrir un idéal et des méthodes d'action qui soient en harmonie avec ses aspirations profondes et légitimes... " Les révolutions que l'on ne fait pas soi-même, ce sont les autres qui les feront ", soulignait fort justement un grand écrivain français.
Il est indéniable enfin que toute réforme dans ce domaine, pour avoir quelque chance de succès dans l'immédiat et dans l'harmonie, doit être soutenue par le président Bourguiba, qui aura encore une fois à mettre tout son prestige et tout son talent au service d'une telle entreprise.

Puisse-t-il, dans l'intérêt supérieur du pays et de l'unité nationale menacée, saisir une occasion prochaine pour s'affirmer devant l'histoire comme l'homme qui a su non seulement édifier son pays, mais également et surtout comprendre les évolutions inéluctables et prendre les devants pour assurer à son oeuvre la pérennité par le progrès et l'harmonie.

(Journal le Monde, mercredi 12 juin 1972)

(*) Bèji Caïd Essebi vient de quitter le poste d'ambassadeur de Tunisie en France, à la suite de la démission qu'il a donnée au mois d'octobre à M. Bourguiba, et dont il explique ici les raisons.


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