Ainsi donc, les élus de la Nation se proposent de recréer la roue. Régime parlementaire, régime quasi parlementaire, régime présidentiel, régime quasi présidentiel : les commissions y vont de leur couperet bien préparé, comme si ce pays était coupé de ses racines républicaines depuis Carthage et comme si la Constitution de 57, dans sa lecture au premier degré n'avait pas mis en place les réquisits d'une réelle République. Rappelons un fait cependant : la Tunisie regorge d'éminents constitutionnalistes et, déjà, lors des années 70, Sadok Belaïd et Abdelfattah Amor ne se gênaient pas pour expliquer à leurs étudiants comment, à la faveur de l'article 51, remodelé par Bourguiba, le régime se retrouvait taillé sur mesure pour « le combattant suprême » qui devait ensuite devenir président à vie grâce à une parodie de plébiscite lors du congrès du Parti à Monastir. Le danger ne vient pas en effet intrinsèquement de la Constitution elle-même mais de ce que peuvent en faire les hommes. Avertissement proclamé par Montesquieu, le théoricien de la séparation des pouvoirs, dans son monumental « l'Esprit des lois » et dans lequel il en arrivait à la conclusion que « tout homme qui a du pouvoir est appelé à en abuser » et que ce de fait, par la disposition des choses « le pouvoir doit arrêter le pouvoir » Il est tout à fait logique qu'une nouvelle ère de démocratie doive être drapée d'une constitution garantissant cette séparation des pouvoirs, l'harmonie entre les institutions de l'Etat, la délimitation rigoureuse des prérogatives du Président de la République, celles du gouvernement et celles du parlement. Sans doute, la frénésie avec laquelle se déploient les rédacteurs de la future constitution soulève-t-elle des controverses autour du régime dont elle accouchera. Et il n'est pas indifférent qu'un régime présidentiel, pour la future Tunisie, fasse resurgir, le spectre de l'absolutisme présidentiel depuis l'indépendance. Mais par ailleurs il y a aussi le spectre de l'instabilité gouvernemental dans un régime parlementaire, comme ce fut le cas durant la 4e République française et comme c'est et ce sera toujours le cas pour l'Italie. Yadh Ben Achour, un adulte de notre époque, préconise un régime parlementaire panaché. C'est-à-dire que les textes peuvent s'y prêter. Mais attention, un régime parlementaire peut lui aussi être absolutiste et consacrer le diktat de la majorité. Tout comme un régime présidentiel démocratique peut générer des dérives. Regardez De Gaulle : par quel subterfuge a-t-il détourné la Constitution ? N'a-t-il pas inventé le plébiscite déguisé en référendum ?