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La réconciliation économique et financière: vraiment profitable pour l'économie ?
Publié dans Leaders le 31 - 08 - 2015

Il ne fait aucun doute que la situation économique en Tunisie n'est pas au beau fixe. En effet, avec un taux de croissance en recul (-0.2% au premier trimestre et -0.7% au second semestre de cette année) et un taux de chômage en augmentation (passage de 15 à 15.2% sur la même période)[1], la machine productive semble être bloquée et l'économie dans son ensemble menacée.

Le projet de loi organique sur la réconciliation économique et financière proposé par le président de la république, adopté en conseil des ministres et soumis pour adoption à l'ARP est probablement venu pour éviter le précipice. En effet, on lit dans l'article 1 de ce projet que l'objectif étant de tourner la page du passé et encourager le processus de justice transitionnelle afin de favoriser les investissements et remettre sur les rails l'économie tunisienne.

Un tel projet a suscité plusieurs interrogations : S'agit-il d'un coup de génie du président ou d'un danger menaçant? Combien ça rapporte au pays en général et à l'économie en particulier ? Les gains engrangés dépassent-ils les coûts supportés et comment ?, etc.

Sans entrer dans les problématiques institutionnelles et constitutionnelles de ce projet, nous essayons ici de montrer si ce dernier est économiquement rentable et si, dans le cas contraire, il existe des projets alternatifs plus profitables ?
La réconciliation économique et financière : un instrument efficace de relance économique?
Visiblement, toute relance économique suppose un environnement sain et stable où la confiance entre tous les acteurs économiques est assurée. Par acteurs économiques, il est souvent entendu toutes les forces vives du pays créatrices de richesse : hommes d'affaires, salariés, syndicalistes, administrateurs, intellectuels, associations…
L'idée de réconciliation est à priori attractive dans la mesure où elle permet l'apurement d'un climat social tendu et le rapprochement des acteurs économiques concernés. Or, la lecture du projet montre qu'il est exclusivement conçu pour une certaine catégorie d'acteurs, notamment les hauts fonctionnaires et les hommes d'affaires.

A ce niveau, il est tout à fait légitime de se poser des questions genre : pourquoi s'échiner à faire croire qu'une minorité d'hommes d'affaires ou quelques hauts fonctionnaires sont les seuls à pouvoir créer de la valeur et relancer la machine économique ? Le principe de réconciliation avec ces derniers est-il l'instrument unique de politique économique ? Mais surtout, combien ça rapporte in fine aux caisses de l'Etat?

La lecture du projet de loi montre que les règles imposées sont assez mous et que les montants potentiellement récupérables sont tentaculaires. En effet, l'article 5 du projet de loi stipule qu'une « simple déclaration » permet l'amnistie à condition de payer une somme égale à la valeur de l'argent public détourné à la quelle il faut ajouter une majoration de 3% pour chaque année, à compter de l'année où les faits sont commis. L'article 8, quant à lui, précise que les évadés fiscaux sont tenus de rapatrier tous les fonds détenus à l'étranger en payant une somme forfaitaire équivalente à 5% du montant rapatrié.
Visiblement, l'Etat espère récupérer la bagatelle de 20 milliards de dollars ou presque (19.6)[2]. Or, ce système déclaratif est-il vraiment efficace ? croit-on encore à des gens malhonnêtes liés directement ou indirectement à des clans mafieux ? Combien vont-ils déclarer et comment s'assurer que leurs déclarations sont justes ? Y-a-t-il des mécanismes de vérification associés à ce système déclaratif ? Et puis, où sont les biens immobiliers et les actifs financiers ? Pourquoi le projet de loi reste silencieux sur cette richesse considérable ? Mais surtout, y-a-t-il d'autres projets alternatifs plus rentables ?
Quelles alternatives plus profitables?
L'observation de quelques expériences passées des pays souhaitant réussir leur transition économique montre que la réconciliation est souvent inscrite dans un cadre beaucoup plus large où des réformes de grande ampleur sont menées. Autrement dit, cette initiative figure dans un package de mesures économiques et institutionnelles.

L'exemple du voisin marocain qui a inscrit dernièrement un projet de réconciliation dans la loi des finances après avoir réalisé des avancées notables dans l'amélioration du climat des affaires, de la lutte contre la corruption et l'évasion fiscale est révélateur. Seulement pour 2015, ce pays confrère a en effet gagné 16 places dans le classement « Doing Business » de la banque mondiale contre une perte de 4 places pour la Tunisie.

Il va donc falloir mener les réformes requises favorisant un environnement incitatif aux investissements plutôt que d'encourager le blanchiment d'argent et d'enraciner une culture d'impunité destructrice à tout processus de paix social et de développement économique.

Il est intéressant de signaler dans ce cadre que, rien que des mesures limitant l'ampleur de l'économie informelle permettent à elles seules d'engranger un montant dépassant les 15 milliards de dollars[3].
D'un autre côté, plusieurs expériences des pays ayant vécu une transition politique montrent que le recours à la confiscation et la récupération des avoirs et des biens détournés illicitement est une procédure de longue haleine qui porterait ses fruits dans la durée.

Les exemples de Peru et des Philippines sont éloquents. En effet, le recours à la confiscation et au recouvrement des biens et des avoirs a non seulement renforcé les principes de transparence et de responsabilité, mais a permis de récupérer 174 millions de dollars dans moins de 5 ans pour le premier pays et 680 millions de dollars pour le second[4].

Manifestement, la Tunisie devra suivre la voie la plus sûre et la plus efficace en dépit des difficultés confrontées plutôt qu'instituer les solutions de facilité. Les mécanismes offerts par la convention internationale de lutte contre la corruption signée en 2004 peuvent aider le pays à récupérer une bonne partie de la richesse détournée. Un scénario pessimiste consistant à récupérer seulement un quart de l'argent et des biens confisqués permet en effet d'encaisser l'équivalent de 5 milliards de dollars.
Clairement, le déverrouillage du blocus économique ne passe guère par un « blanc seing » des corrompus et une banalisation de l'impunité. Les expériences passées montrent en effet que ce type d'initiative ou de projet est un jeu à somme nulle, sauf si des préalables économico-institutionnelles sont mises en place. Au contraire, le renforcement de l'Etat de droit et l'instauration d'un environnement incitatif sain sont éthiquement souhaitables et économiquement plus rentables (surtout à moyen et long termes).
Il est vrai qu'en cette période très difficile, des forces actives de tout acabit sont appelés à multiplier les initiatives socioéconomiques. Patronat, syndicats, administration, associations, hommes politiques et intellectuels sont tous concernés et sont conviés à s'impliquer à tour de bras dans le sauvetage de l'économie et faire réussir la transition politique et économique souhaitées. Mais, cette implication doit se faire dans un respect complet des institutions et une considération totale de l'Etat de droit.
[1] Derniers chiffres de l'INS;
[2] Calcul fait sur la base des chiffres de l'association tunisienne de la transparence financière et le Consortium international pour le journalisme d'investigation;
[3] Calculs fait à partir des chiffres de la Banque Mondiale et en fonction du seuil de tolérance de l'économie informelle;
[4] Chiffres du Centre international pour la justice transitionnelle;

Dr Aram Belhadj


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