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L'épouvantable drame de Nice: gare aux amalgames!
Publié dans Leaders le 22 - 07 - 2016

La fête nationale française du 14 juillet a été affreusement gâchée à Nice par un horrible et criminel massacre de gens de tout âge et de toute condition venus admirer, sur la Promenade des Anglais, le feu d'artifice traditionnel en cette journée historique. On déplore 84 victimes dont quatre ressortissants tunisiens parmi lesquels un enfant de 4 ans, Kylan Mejri et sa mère Olfa Khalfallah.
C'est malheureusement un de nos concitoyens qui a perpétré cette insensée cavalcade mortelle. Inédite et folle. Un crime.
Cet individu au profil tourmenté, instable, violent et détenteur d'un casier judiciaire ne saurait jeter l'opprobre sur notre pays.
Il s'agit d'un malade relevant de la psychiatrie aux dires de son propre père.
Deux poids, deux mesures
Quand, aux Etats Unis et ailleurs, des individus armés tirent sur les clients d'un cinéma, d'une église ou d'une école, on les classe immédiatement dans la catégorie « loup solitaire » et, inévitablement, ce sont les problèmes psychologiques, les difficultés sociales et humaines qui sont mises en avant. Par contre, si l'individu a des attaches arabes ou musulmanes, on colle instantanément l'étiquette « terroriste » regrette Peter Beaumont (The Guardian, 18 juillet 2016).
Or, s'agissant du massacre d'Orlando en Floride ou de celui de Nice en France, cette distinction est on ne peut plus farfelue, car en réalité, « terroriste » est devenu un code pour dire « musulman ».
Même si le criminel a une vie et des mœurs qui ne correspondent nullement à celles, disons, d'un « musulman standard », si on peut dire.
On désigne ainsi à la vindicte publique tous ceux ayant de près ou de loin un background musulman (un prénom par exemple) ainsi qu'une panoplie de pays allant du Maroc à l'Indonésie en passant par le Bangladesh et l'Afghanistan. La stigmatisation est ainsi devenue banale. Aux Etats Unis, Donald Trump, candidat du Parti Républicain, est un héraut braillant cette contre-vérité à longueur de campagne et, en France, avec les Le Pen, les Finkielkraut, les Zemmour, la philosophe Elisabeth Badinter et bien d'autres, on s'est « décomplexé », on éructe son islamophobie même sur les ondes de la radio publique, à une heure de grande écoute. On va même jusqu'à organiser des ratonnades en Corse comme au bon vieux temps des colonies en hurlant « Arabi fora » (Les Arabes dehors)(Lire sur le site de Leaders du 11 janvier 2016)… suite à la mort d'un chien ! Pour ne rien dire des sorties de Sarkozy, Copé et consorts semant à tout vent la haine et le soupçon!
Certains théoriciens affirment que l'islamophobie a pris la place du répugnant antisémitisme responsable notamment de l'affaire du capitaine Alfred Dreyfus, comme le prouve les propos de Marine Le Pen et ses désaccords avec son géniteur sur « Durafour crématoire » ou sur l'ignoble « détail de l'Histoire » s'agissant des camps de concentration allemands. Le sociologue Laurent Muchielli affirme « qu'en amalgamant musulmans pratiquants et terroristes potentiels, des politiciens à l'esprit lepénisé sont les pires fossoyeurs de notre République, et qu'ils ne valent pas mieux que les extrémistes qu'ils dénoncent » et pour ce directeur de recherche au CNRS, « il faut affirmer haut et fort qu'être français n'est ni une couleur de peau ni une religion ».
On notera que, lorsque le pilote allemand Andreas Lubitz a précipité l'avion de ligne A320 de Germanwings sur les Alpes de Haute Provence en mars 2015, entraînant dans son trépas les 149 personnes à bord, on a parlé « des démons intérieurs » de ce co-pilote, « dépressif », « suicidaire » mais nullement de « terrorisme ». Nul n'a évoqué sa religion ou ses origines. The Guardian relève : « Bouhlel n'est pas plus terroriste que Lubitz. Lui décerner ce titre est, pour rien, un soutien à la cause terroriste ».
A cet égard, les politistes Djordje Kuzmanovic et Théophile Malo mettent en garde quant aux méthodes de Daech et contre tout amalgame aux visées politiques extrémistes revanchardes : « La question est ici presque secondaire de savoir si Daech a commandité le meurtre de masse commis à Nice ou si la revendication n'a été opérée qu'à posteriori. La stratégie de cette organisation…. peut aussi s'appuyer sur le recyclage opportuniste de toutes sortes de pulsions morbides animant tel ou tel individu sujet à tel ou tel trouble psychologique, n'ayant aucune revendication idéologique clairement exprimée, et trouvant dans la propagande de Daech une occasion de mettre en scène leur propre mort. Il n'en reste pas moins que l'effet premier recherché par ces revendications est toujours le même : diviser et créer un fossé entre musulmans et non musulmans. Alors même que se multiplient dans le pays les déclarations ouvrant encore plus la porte aux mesures liberticides et discriminatoires, il est vital pour la République de s'opposer à ces objectifs. » (in « Mémoires des luttes », 19 juillet 2016). C'est en provoquant un fossé entre les frères immigrés et les habitants des pays hôtes que Daech espère récupérer des soldats pour ses funestes projets d'un islam fondamentaliste qui n'a jamais existé ou d'un utopique califat.
Medias et valeurs occidentales
Il y a lieu de signaler ici que de nombreux médias étrangers ont pratiquement passé sous silence la visite solennelle rendue par M. le Président de la République dès le 15 juillet à l'ambassadeur de France en Tunisie dans sa résidence de la Marsa pour présenter ses condoléances et partager la peine des Français au nom de tout le pays. A Paris, la colonie tunisienne - avec ses nombreuses et actives associations et à sa tête l'ambassadeur de Tunisie en France - était place de la République le 18 juillet 2016 pour condamner ce crime odieux et exprimer sa peine et sa solidarité. La Croix (18 juillet 2016, p. 6) note « les réactions musulmanes très rapides » à cette attaque « odieuse et abjecte ». Pourtant, des affirmations en boucle veulent pousser les gens à croire que Daech s'attaque au mode de vie occidental et à ses sacro-saintes « valeurs ». On occulte ainsi le fait que les pays arabes et les musulmans sont les premières victimes de ces bains de sang insensés. Pas plus tard que le 3 juillet 2016, Bagdad a subi une horrible attaque qui s'est soldée par 292 morts. Faut-il rappeler ici les attentats perpétrés dans notre pays à trois reprises et qui ont fait 75 morts, au Liban (43 morts en novembre 2015), en Arabie Saoudite (6 morts le 4 juillet 2016) et à Charm Cheïkh (avion russe et 224 victimes le 31 août 2015) ? Mais il n'y pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
En réalité, Daech n'a que faire « des valeurs » occidentales ou d'un quelconque et fallacieux « choc de civilisation », ce qui lui importe au plus haut point, ce sont les puissances engagées dans la coalition et qui lui font la guerre. La preuve, avance Farhad Khosrokhavar (The New York Times, 19 juillet 2016), la France est bien plus souvent frappée par le terrorisme que « la Belgique - frappée récemment mais moins souvent. En Angleterre et en Espagne, il n'y a pas eu d'attentat faisant plus de dix morts depuis une décennie. En Allemagne, il n'y a pas eu d'attentats de grande envergure du tout… La politique étrangère française musclée… semble privilégier pour cibles des pays musulmans comme la Libye, la Syrie ou le Mali ». A l'heure actuelle, « la guerre contre le terrorisme » se poursuit mais bien des voix s'élèvent pour dire que l'on voit mal la stratégie qui la dicte d'autant que Deach n'est pas un Etat dans l'acception classique du terme. Ce qui conduit Ali H. Soufan, un ancien agent spécial du FBI (International New York Times, 18 juillet 2016, p. 8) à s'interroger : «Pouvons-nous arrêter la terreur du camion-bélier ? » et de constater l'échec de « la promotion de la démocratie » des Occidentaux. Il rejette la proposition de soumettre « des communautés marginalisées et vulnérables à des tests de loyauté suggérés par certains politiciens ». Il propose plutôt un bien vague programme de « travail avec les pays du Moyen-Orient et au-delà pour mettre fin aux conditions sociétales qui encouragent l'extrémisme ».
Nice et les élections présidentielles
L'attentat survient dans une ville cosmopolite qui n'a été rattachée à la France qu'en 1860. Mais il n'y pas que la Promenade des Anglais ou Cimiez dans cette ville. Il y a aussi des quartiers périphériques – Ariane, Les Moulins- coincés entre incinérateurs et autoroutes, habités par des laissés pour compte et des chômeurs. C'est une cité marquée par des maires de droite comme Jacques Médecin qui se disait d'accord avec le FN à 99% et qui a dû fuir en Uruguay la justice de son pays. Aujourd'hui, l'ancien maire de droite Christian Estrosi - champion motocycliste - est connu pour sa gestion critiquée par la société civile (Anticor) et pour son interdiction des drapeaux algériens aux balcons lors de compétitions sportives**. De même il est fréquent dans cette ville de voir des lieux de prière profanés, comme en Corse du reste. Le terrain niçois voit la féroce compétition que se livrent Christian Estrosi, le député (LR) Eric Ciotti - qui demande « une rétention de sûreté » pour les individus dangereux - et est un chaud défenseur « des racines chrétiennes » de la France et candidat à la primaire des présidentielles de son parti (Libération, 18 juillet 2016, p. 9) ainsi que la députée FN Marion Maréchal-Le Pen dont le discours identitaire et pro-entreprises plaît à ceux qui fréquentent la Promenade des Anglais et ses luxueux commerces et à tous les aigris et les rapatriés d'Algérie. Tous ces politiciens de droite - qui n'ont pas encore digéré la décolonisation - veulent introduire en France les techniques ignobles de l'armée israélienne dans sa lutte contre « le terrorisme » ! Il faudrait peut-être qu'ils se rappellent que Mandela et de Gaulle étaient aussi terroristes que les Palestiniens le sont aujourd'hui ! Tout ce beau monde est d'accord avec Sarkozy pour critiquer le gouvernement et surenchérir quand l'ancien président affirme que « la main de Hollande tremble » face au terrorisme… car Nicolas Sarkozy redoute que le FN ne progresse dangereusement à la faveur de cette terrible attaque. Morte et enterrée l'union nationale qui avait été de mise un certain temps après les attentats de septembre et de novembre 2015 car les candidats à la présidence rivalisent dans la surenchère avec l'extrême droite. Ce qui ne présage rien de bon pour les populations immigrées.
Il est clair qu'il faut mettre fin à une nouvelle montée de haine. La France - pays qui compte la première population musulmane en Europe - est frappée pour la troisième fois en 19 mois. Cependant, quel que soit le malheur, aussi malfaisant que soit son but et lourd son tribut, la réponse ne saurait être le reniement des droits humains, l'égalité et la raison. Il faut préserver la culture démocratique de ce pays et son unité. Malheureusement, le risque zéro n'existe pas. Il n'en demeure pas moins que la réponse ne saurait être un déni des libertés démocratiques ni un amalgame injuste dans les communautés.
Gardons à l'esprit en cette période troublée le mot de ce grand Français, Victor Hugo, qui disait : « Je dis que l'Humanité a un synonyme : Egalité ».
Mohamed Larbi Bouguerra
** Notons cependant avec plaisir qu'en dépit de ces graves évènements, le 22 juillet 2016, une équipe de foot niçoise jouera un match amical avec l'ESS à Sousse.


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