Patrouiller et saluer les gens ne suffit pas pour rassurer les populations civiles : il faut les écouter, les informer et mériter leur confiance (Album photos)    La France fait don de vingt véhicules militaires à l'armée tunisienne    Netanyahu propose une trêve pour désarmer Gaza… ou l'écraser    Macron plaide pour une reconnaissance commune de l'Etat de Palestine avec Londres    En vidéos - Tempête de sable impressionnante à Tozeur    Tébourba : la piscine municipale reprend vie après 15 ans d'abandon    Le Tunisien Wajih Rekik nommé VP de l'organisation nord-américaine de l'huile d'olive    Tabarka : lancement d'une formation tuniso-algérienne en plongée    L'initiative Michael Cracknell, un héritage traduit en actes de solidarité    Quatre hôpitaux universitaires par an : ce que coûte la subvention du pain    Baccalauréat 2025 : un taux global de 52,59 %    Oued El Hejar, décharge à ciel ouvert : Kaïs Saied dénonce une catastrophe écologique    Galaxy Z Flip7 : le smartphone pliable nouvelle génération révélé lors du Galaxy Unpacked à Brooklyn    Commerce tuniso-émirati : 350 millions $ d'échanges non pétroliers en 2024    Retrait de confiance d'un élu à Mahdia : une première en Tunisie, relève Mansri    Libye - Tripoli au bord de l'embrasement : l'ONU appelle au retrait des forces armées    CS Sfaxien : Trois renforts étrangers pour renforcer l'effectif    Juin 2025 : la Tunisie parmi le top 10 africain selon le classement FIFA    Para-athlétisme : Rouay Jebabli s'impose à Rennes et bat son record sur 800 m    Ooredoo Tunisie donne le rythme et annonce son partenariat officiel avec le Festival International de Carthage pour la quatrième année consécutive    Données personnelles : Le ministère de l'Enseignement supérieur réagit à l'affaire de la fuite d'informations    Conseillers fiscaux : une profession à part entière et non une simple qualification, rappelle Dhouha Bahri    Festival de Carthage : Mekdad Sehili dénonce l'utilisation de son nom sans accord    UNESCO : Trois sites africains retirés de la Liste du patrimoine mondial en péril    Le ministère du Tourisme Tunisien interdit les restrictions vestimentaires et les pratiques abusives dans le secteur touristique    Abdelaziz Kacem: Vulgarité, mensonge et gangstérisme    Salsabil Houij, première Tunisienne sélectionnée pour une mission spatiale orbitale en 2029    Hamdi Hached : l'Onas manque de moyens pour faire face à la pollution    Distribution des médicaments : la Tunisie mise sur une gouvernance rigoureuse et sécurisée    La piscine du Belvédère revoit ses prix : jusqu'à -50 % sur les locations pour mariages    Nader Kazdaghli : les chauffeurs de taxi travaillent à perte depuis 2022    Météo en Tunisie : Ciel peu nuageux, pluies éparses l'après-midi    Kaïs Saïed : ceux qui manquent à leurs obligations doivent en assumer pleinement la responsabilité    De fortes secousses ressenties dans le nord de l'Inde    Les festivals doivent s'inscrire dans le cadre de la lutte pour la libération menée par la Tunisie, selon Kaïs Saïed    Attijari Bank signe la plus belle publicité qui touche le cœur des Tunisiens de l'étranger    Flottille maghrébine « Soumoud » : une mobilisation maritime pour briser le blocus de Gaza    Festival de Carthage 2025 : le concert d'Hélène Ségara annulé    59ème édition du festival de Carthage : Des couacs de communications inacceptables !    La Tunisie s'apprête à organiser son premier festival international de rap    Habib Touhami: François Perroux, l'homme et le penseur    Mercato : Le Club Africain renforce sa défense avec Houssem Ben Ali    Nor.be et l'Orchestre de Barcelone font vibrer Dougga entre tradition et création    Rana Taha, nouvelle coordonnatrice-résidente des Nations unies en Tunisie    Tunisie Telecom félicite Walid Boudhiaf pour son nouveau record national à -118 mètres    Tunisie Telecom félicite Walid Boudhiaf pour son nouveau record national à -118 mètres    Tunisie - Walid Boudhiaf établit un nouveau record national à -118 mètres    Diogo Jota est mort : choc dans le monde du football    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Abdelaziz Kacem - 3 juillet 2013 : Le jour où tout a basculé
Publié dans Leaders le 03 - 07 - 2020

Par Abdelaziz Kacem - Mercredi, 17 juin dernier, à l'ARP, les députés takfiristes exhibent le portrait de Mohammed Morsi, emporté, il y a juste un an, par une foudroyante crise cardiaque, en pleine audience de son procès, pour haute trahison. La photo est légendée : « Président martyr, les lions demeurent des lions ». L'homme, paix à son âme, n'avait rien de léonin. Mais quand on manque de référence, on s'enfonce dans la jungle.
L'année dernière, à la même époque, les islamistes et satellites imposèrent à l'ARP la récitation de la Fatiha pour le repos de l'âme de leur « héros » et le pleurèrent à chaudes larmes, à travers la Tunisie. La chaîne Al Jazeera, les Tunisiens s'en souviennent, a diffusé les longs sanglots de notre inconsolable ex-président provisoire, toujours dévoué au bon patron qatari.
Protestant contre cette violation du sens national et de cette parcelle de notre souveraineté qu'est l'ARP, Abir Moussi tint à interpeler Mme Samira Chaouachi, vice-présidente de l'Assemblée. Celle-ci justifie : Vous, personne ne vous a empêché de brandir votre portrait (sous-entendu celui de Bourguiba). Cette mise en parallèle des deux hommes est, à tout point de vue, scandaleuse. Le comportement des salafistes ne m'a guère étonné ; ils ont toujours clamé leur obédience à l'Internationale ikhwanjiste. En revanche, la confusion des genres, chez Mme Chaouachi, mérite correction.
D'abord, Bourguiba est au-dessus de toute comparaison. Mohammed Morsi, lui, quelle que soit la sympathie que d'aucuns lui portent, n'a en aucun cas sa place à l'ARP. Homme bourru et irrémédiablement rustique, rien ne le prédestinait à la magistrature suprême. Déclaré élu à l'issue d'élections aux résultats dument contestés par son rival Ahmed Chafiq, Mohamed Morsi n'était que le délégué des Frères musulmans à la Présidence. Les vrais pouvoirs étaient détenus par le Guide suprême Mohammed Badi‘e, en personne.
Arrêtons-nous plutôt sur ce 3 juillet, date fatidique où, il y a sept ans, tout a basculé en Egypte, avec d'insoupçonnables répercussions sur le monde en général et sur la Tunisie en particulier. Rappelons aux oublieuses mémoires ce que fut l'expérience du pouvoir islamiste dans le pays où l'idéologie qui le sous-tend est née.
Fin juin 2012, Mohammed Morsi s'installe au Palais de la République, il reçoit, il déclare, il menace, il se gratte là où il ne faut pas. Mais l'armée n'est pas sûre. D'autant moins sûre que le nassérisme n'y est pas tout à fait mort. Elle est déjà incontournable, du temps du vice-roi Mohammed Ali Pacha (1769-1848), fondateur de l'Egypte moderne. C'est lui qui, sur le modèle bonapartiste, décrète la conscription, et crée l'armée de métier, une force d'intervention qui garde le souvenir de ses premières victoires contre le premier royaume wahhabite. C'est sur elle que s'est appuyé Nasser pour démanteler la féodalité terrienne et mettre au pas les velléités califales des adeptes de Hassan el Banna.
Morsi décide de mettre à la retraite le maréchal Hussein Tantawi, patron de l'armée tout au long du règne de Moubarak. Mais par qui le remplacer ? Si restreint que soit le choix, il est vite fait : en voilà un général discret, directeur des Services des Renseignements militaires, de son état, homme pieux, sachant le Coran par cœur. Il est sans tache, à l'exception du rond noir qui orne le haut de son front, sans cesse frotté aux nattes des mosquées. Grâce à cette médaille-là, Abdelfattah al-Sissi trouva grâce aux yeux méfiants de la Confrérie.
Bien qu'elle ait reconnu Israël, l'Egypte continue de jouer un rôle-clé dans la région. À Hillary Clinton, qui s'en inquiète, Mohammed Morsi jure de respecter les accords de Camp David. Pour étayer sa bonne foi, il écrit une lettre célèbre à son « Ami le Grand (sic) » (Sadîqi al-Adhim) Shimon Perez, président de l'Etat hébreu. Il rencontre Mahmoud Abbas pour lui faire part et le convaincre de sa contribution à résoudre le conflit « Palestine-Israël », à savoir l'octroi d'une partie du Sinaï aux Ghazzaouis, en compensation des substantielles concessions territoriales revendiquées par l'entité sioniste sur les territoires occupés en 1967. Le Président de l'Autorité palestinienne rejette cette première mouture du « Deal du siècle ».
Mais les affaires intérieures se corsent. Gérer un pays pauvre de plus de quatre-vingt-dix millions d'âmes exige des compétences introuvables dans la sphère intégriste. Alors, il faut faire vite, rendre le système irréversible. Le TAMKIN devient une tâche cruciale, vitale, urgente. Il nomme des gens incompétents mais fiables aux postes disponibles. Il met à la retraite anticipée nombre de responsables pour libérer des places, gèle les activités de la Haute Cours constitutionnelle, remplace le procureur de la République, homme réputé intègre. Magistrats et avocats se rebiffent.
En novembre 2012, pour avoir les mains libres, il tente d'obtenir les pleins pouvoirs, par le biais d'une réforme constitutionnelle lui permettant de légiférer par décret, d'annuler « des décisions de justice en cours » et d'aller vers l'instauration de la Charia. L'opposition s'en émeut, la colère gronde. Le ministre de la Défense tente une médiation entre le président et l'opposition. Peine perdue, la fuite en avant s'accélère. Pendant ce temps, les redoutables Moukhabarat observent le manège, consignent et procèdent à des écoutes téléphoniques. Au procès de Mohammed Morsi, l'irréfutable documentation fournie par les Service constituera l'essentiel des charges.
Le 15 juin2013, débordera le vase. Au stade couvert du Caire, devant des milliers de fanatiques, Morsi annonce la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie et, brandissant le drapeau à trois étoiles des insurgés islamistes, il s'écrie: « Labbayki ya Souriya ! » (Syrie, nous voilà !), ajoutant : « l'Egypte, peuple et armée, vole à ton secours ». Abdelfattah El-Sissi est estomaqué. L'insubordination est nette et sans appel. Non, l'armée n'ira pas en Syrie !
L'Egypte dispose de deux armées, respectivement, la Deuxième et la Troisième. Qu'en est-il de la Première ? Elle est en Syrie. En 1958, sous le nom de République arabe unie, le Caire et Damas fusionne pour divorcer, trois ans plus tard. Mais l'ordre numérique des armées n'a pas changé et jamais, foi de Saladin, la 2ème et la 3ème armées n'attaqueront la 1ère ni celle-ci les deux autres. Mais ce pacte non écrit entre les frères d'armes est d'une subtilité inaccessible « Frères » tout court.
À partir du 28 juin, outre Le Caire et Alexandrie, toutes les grandes villes sont convulsionnées par de déferlantes manifestations. Le 30 juin, celles-ci totalisent, quelque trente-trois millions de mécontents. Plus de 22 millions de signatures dument identifiées ont déjà été collectées à l'appui d'une demande populaire de nouvelles élections.
Les supporters pro-Morsi ripostent à Nasr City, là où, en 1963, Nasser fit construire la Mosquée dédiée à Rabi‘a al-‘Adawiya. L'esplanade d'en face prit le même nom. Elle est littéralement investie par des barbus de tout poil, au grand désagrément du voisinage. Contraints à une telle promiscuité, les habitants doivent mettre, des semaines durant, leurs WC à la disposition de légions gavées de kefta et de taamiya, victuailles à base de fèves et autres féculents productifs. De leurs balcons, les assiégés assistent, impuissants et effrayés, à des lynchages à mort d'hommes soupçonnés d'être des flics. C'est sous des estrades rudimentaires dressées pour la TAKBIR, que leurs cadavres sont dissimulés.
Eduqués à la haine des chrétiens, les « Frères » s'acharnent sur les Coptes. Selon Amnesty international, une cinquantaine d'églises sont incendiées et des magasins sont saccagés. On déplore aussi des morts.
Le 1er juillet, l'armée décide de sauver la République. Un ultimatum de quarante-huit heures est lancé au Président. Il est sommé de rétablir la Constitution et de renoncer à toutes les décisions prises au mépris des lois. Il tergiverse. Le 3 juillet au soir, il est destitué. Un président par intérim est désigné, Adli Mansour, Président de la Cour constitutionnelle, la plus haute instance judiciaire du pays, que Morsi avait démise de sa fonction de contrôle des décrets présidentiels.
Les islamistes se mobilisent, les petites natures de la démocratie dénoncent le « coup d'Etat » et Hillary Clinton est désemparée…En Tunisie, la rédaction de la Constitution s'accélère grâce à de réelles concessions islamistes de circonstance.
Entre temps, les habitants à l'entour de la Place Râbi‘a lancent des appels de détresse aux autorités. Ce n'est que le 15 août, soit près d'un mois et demi après la déposition de Mohammed Morsi, que la police décide de siffler la fin de la récréation. Les barbus refusent d'évacuer. Force devant rester à la loi, les agents de l'ordre chargent. Le bilan est lourd.
Telle est la tactique islamiste : obliger l'Etat à se salir les mains. C'est aussi ainsi qu'il faut comprendre les menaces, trois fois proférées, à la place même de Râbi‘a par un virulent prédicateur, Safwat Hegazi : « Celui qui asperge Morsi avec de l'eau, nous l'aspergerons avec du sang ». Depuis lors, le sang n'a pas arrêté de couler. Depuis lors, les fanatiques, Erdogan, en tête, font le salut de Râbi‘a, en levant la main, parfois les deux, pouce replié et les quatre doigts dressés en dents de râteau. Cheikh Rached y sacrifie volontiers.
Râbi‘a ! Qui donc est cette femme dont le nom s'est prêté à une symbolique aussi primaire ? Râbi‘a, littéralement « La Quatrième ».Son père l'a ainsi appelée parce qu'elle vint s'ajouter à trois sœurs. Née en 717 à Bassora, en Irak, elle y décède à l'âge de quatre-vingts ans. Poétesse soufie, elle consacre à Dieu des quantiques éthérés. Elle fonde la doctrine de « l'Amour divin ». À la question : Aimes-tu Dieu ? ̶ Profondément, répond-elle. Autre question :Détestes-tu le Diable ? Elle rétorque : L'amour de Dieu me remplit si bien que je n'ai pas le temps de penser à la détestation de quiconque.
N'est-ce pas un sacrilège inqualifiable que de faire de cette femme-amour un symbole trivial pour des gens bourrés de haineux anachronismes ?


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.