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Emna Menif: Entre les populistes, les «tout Islam politique» et les «tout anti-Islam politique»
Publié dans Leaders le 13 - 01 - 2021

Par Emna Menif. Médecin, active dans la société civile
1 - Que retenez-vous le plus de ces dix dernières années?
Ce que je retiens avec amertume et regrets, c'est bien le ratage total des forces qui auraient pu être démocratiques et sociales. Elles ont d'abord péché par suffisance et naïveté. En effet, les oppositions traditionnelles au pouvoir ont trop préjugé de leur légitimité naturelle et par conséquents de leur inéluctable victoire. Elles ont méprisé ou sous-estimé les «nouveaux». Elles se sont fait avoir par les petits calculs du code électoral, «la proportionnelle aux plus forts restes». Finalement, elles ont tourné le dos à l'union. Ce fut la claque de 2011.
Certains l'ont alors joué à l'opportunisme, quoiqu'à ce jour théorisé et assumé, pour se dissoudre dans la Troïka. Quant aux autres…
S'en sont suivies ces terribles années où une bataille de survie s'est engagée, en majeure partie menée par la société civile. Les « démocrates » ont continué à faire de la politique d'alcôve, de salon, d'arrangements... Ils ont manqué deux éléments essentiels. Le premier est d'investir le terrain pour enfin prendre la mesure du gap abyssal qui sépare ces élites progressistes de la majorité du peuple et construire une légitimité populaire par le travail, le «corps à corps» indispensable jusque dans les régions les plus reculées où la société civile présente ne les rencontrait pas ou très peu. Le deuxième, qui va de pair, est de renouveler leur pensée politique, pour ceux qui étaient déjà dans l'arène politique, et faire preuve d'imaginaire pour les nouveaux venus, pour offrir un projet et une vision du monde qu'ils veulent et du devenir possible, en traçant les lignes clivantes et en affirmant une doctrine politique, économique et sociale en mesure de rassembler, rassembler et rassembler… un front démocratique élargi, enraciné au centre et débordant suffisamment à droite et à gauche, capable de convaincre pour créer une majorité de pouvoir à même de gouverner pour conduire les changements nécessaires à l'émancipation sociale, sans compromis ni compromission.
Au lieu de cela, les uns ont continué leur bonhomme de chemin comme si de rien n'était, en se débattant dans leurs contradictions et leurs éternelles batailles d'ego. Les autres, une majorité, se sont laissé aller à la facilité et se sont alignés derrière Béji Caïd Essebsi et Nidaa Tounes, dans un premier temps, puis se sont laissé bernés par les accords (compromis) de Paris et le Dialogue national, avant de se laisser rouler par le vote utile et, enfin, après avoir essayé de lui trouver mille justifications, se faire fourvoyer par le consensus. Ce fut la trahison de 2014.
La fin du sit-in de l'été 2013 puis l'issue des élections de 2014 ont conduit à une sorte de tétanie qui a paralysé ceux, nombreux, qui se sont investis dans la vie publique parce qu'ils considéraient que la révolution de 2011 (n'en déplaise à beaucoup) était une réelle opportunité de changement et d'envol pour le pays et son peuple. Ils se sont détournés de la chose publique.
La fin du sit-in de l'été 2013 puis l'issue des élections de 2014 ont réveillé, en revanche, les appétits politicards avec l'explosion de petites chapelles partisanes qui ne devaient leur existence qu'à quelques aspirants ambitieux et/ou opportunistes, et aux tribunes médiatiques. Ce fut la claque de 2019.
Une dynamique a vu le jour après le 14 janvier 2011. Des forces politiques se sont révélées. Certaines historiques d'opposition et de résistance, d'autres nouvelles et motivées. Aucune n'a réussi à être démocratique parce qu'aucune n'a réussi à s'émanciper du modèle autoritaire du parti unique et du leader absolu. Aucune n'a réussi à être sociale parce qu'aucune n'a réussi à créer le lien avec les réalités sociétales et sociales, aucune n'a réussi à élaborer un projet concret, chiffré, réaliste et sincère, tout en faisant rêver les plus jeunes et en donnant envie aux plus anciens de concéder encore des sacrifices pour un devenir collectif meilleur.
Le corps électoral des «progressistes » continue à se laisser bercer par l'illusion du vote utile contre l'Islam politique. Après Nidaa Tounes, il s'est laissé flouer par Qalb Tounes et n'hésite pas à se laisser berner par le PDL. Le reste de l'essentiel du corps électoral est partagé pour partie en inconditionnels de l'Islam politique, et en écrasante majorité qui n'y croit plus. Le parti des abstentionnistes est aujourd'hui de plus en plus majoritaire, largement majoritaire. Cependant, il sera à chaque échéance électorale plus difficile à mobiliser.
2 - Pensez-vous que la démocratie demeure la véritable voie d'avenir et à quelles conditions?
Bien évidemment, la démocratie demeure et demeurera la voie d'avenir. La démocratie ne se décrète pas. C'est un apprentissage long et périlleux, un processus complexe qu'il faut s'approprier. Elle ne se résume pas en la tenue d'élections, aussi transparentes et indépendantes soient-elles. Elle ne se limite pas à la liberté du dire et du faire. Elle s'incarne dans la Liberté. Elle s'exerce dans la Dignité et le respect de l'Autre dans sa différence et son altérité. Elle se réalise dans l'Egalité, la Justice et l'Equité.
La situation de délitement et de déliquescence de l'Etat à laquelle nous assistons aujourd'hui n'est ni le fait de la révolution ni celui de la démocratie. Elle est la conséquence du peuple, d'une part, dont il faut sans complaisance électoraliste avoir le courage de reconnaître l'inculture politique, le conservatisme, l'opportunisme dans une large mesure et l'indigence économique et intellectuelle pour une part non négligeable. Elle est, d'autre part, le résultat des arrangements politiques et de l'incompétence du personnel politique.
Il est indéniable que la transition démocratique est en situation d'échec et la poursuite d'un processus démocratique hautement menacée. La précarité économique, les menaces sanitaires et sécuritaires, l'instabilité politique nourrissent les populismes, d'une part, et les tentations nostalgiques de la restauration d'un régime (du régime) autoritaire, d'autre part. Les acteurs dans ce registre se nourrissent très bien les uns des autres, se légitiment réciproquement et offrent au quotidien le spectacle affligeant et stérile de leurs batailles acharnées pour le pouvoir.
A quelles conditions la démocratie pourra demeurer la voie de l'avenir ? Par la douleur et l'endurance, par l'engagement et le travail, par un vrai projet politique démocratique et social. La question est de savoir qui sera à même de le conduire. Je pense que tous les acteurs de la décennie passée jusqu'à cette date sont disqualifiés. La voie du salut ne peut venir, à mon sens, que de nouvelles figures, celles émancipées des logiciels fallacieux du bourguibisme et du Destour, périmé de l'opposition à Ben Ali, dépassé de la gauche traditionnelle, mensonger des populismes…
Finalement, la vraie menace qui pèse sur la démocratie et l'avenir du pays, c'est l'émigration massive des nouvelles élites. La condition nécessaire à notre réussite est de savoir retenir les meilleurs d'entre nous et leur donner envie de mener la bataille.
3. Êtes-vous confiant pour les dix prochaines années?
Je suis convaincue que nous allons poursuivre notre descente aux enfers jusqu'à la fin de cette mandature. Je ne me fais pas beaucoup d'illusions pour le prochain mandat électoral. Il va se jouer entre les populistes, les «tout Islam politique» et les «tout anti-Islam politique». Je ne sais pas si c'est un vœu pieux ou une hypothèse plausible. J'ambitionne que de nouveaux acteurs ancrés dans les valeurs d'humanisme, de liberté et d'égalité, et d'un imaginaire nouveau, soient déjà à l'œuvre pour fonder un nouveau projet politique démocratique et social.
Il est permis de rêver…
Tunisie, Dix ans et dans Dix ans
Ouvrage collectif sous la direction de Taoufik Habaieb
Editions Leaders, janvier 2021, 240 pages, 25 DT
www.leadersbooks.com.tn
Emna Menif
Médecin, active dans la société civile

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