Si ton champ n'est pas pour bercer tes blés Mais pour ameuter le coassement des corbeaux Si son bord n'est pas une valse de coquelicots Mais un épouvantail pour les oiseaux Si ton olivier perd ses feuilles de tristesse Ses rameaux ne retiennent pas leurs bourgeons Si ta saison n'est plus à la saison Ses merles disparus depuis longtemps Si ton bois n'est pas pour caresser ton violon Mais pour soutenir la crosse du fusil Si tes cordes ne bouleversent pas ton archet Mais enchaînent rêves et utopies Si ta musique n'est pas pour remuer tes notes Mais pour obéir aux cadences des bottes Si ton fer n'est pas pour consolider un mur d'école Mais aligner barreaux cellules et prisons Si ta braise n'est pas nourrir ta passion Explose fracas d'obus blessant la nuit Si ton cri n'est pas pour inviter la joie festive Mais pour pleurer blessés et corps ensevelis Si ton nuage n'enfante pas l'eau douce Crache la pluie acide pour empoisonner le puits Si ta montagne n'a pas la tête dans les étoiles Mais le ventre grotte pour les sombres reptiles Si ta vallée n'est pas la résonance des chants Mais un amas de pierres immobiles Si ta rivière ne coule pas de source Ne se remplit que de vase et de boue Si ta forêt n'est pas pour nourrir tes arbres Elève potences et vautours sur les cimes Si ton ciel est une arène pour les fusées Leurs têtes pour anéantir la voie humaine Si ta ville est emmurée dans la solitude L'asphalte lui soude les pores Si le ciment est ta tour de gloire Et toi sur le fil comme un funambule Si tes plaines ne sont que mines éventrées Les minerais avides pour engraisser la bourse Si ton feu n'est pas un brûlis pour la terre Mais incendies et guerres à l'infini Comment peux-tu aimer l'humanité ?