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Réformer ou mourir (V) La réforme de la politique de développement
Publié dans Leaders le 17 - 05 - 2011

Réformer ou mourir, tel est le thème d'une vaste étude où l'auteur, Habib Touhami passe en revue les différentes réformes qui devront être engagées par le gouvernement qui sera nommé par la constituante. Leaders a déjà mis en ligne les quatre premières parties de cette étude. Nous vous en présentons la cinquième qui porte sur la réforme de la politique de développement
Pour bien situer les choses, distinguons d'abord entre freinage et blocage du développement. Le freinage signifie en substance le ralentissement de la croissance, c'est-à-dire la baisse du taux d'accroissement du PIB ou du produit par tête (encore que la hausse du produit par tête peut résulter de la baisse de la natalité). Le blocage se réfère à l'atteinte d'un seuil au-delà duquel aucun développement n'est possible. En dépit de tout ce qui a été écrit sur les « performances » relatives de l'économie tunisienne par rapport à ses concurrents et ses voisins, la situation dans laquelle se trouve la Tunisie s'apparente davantage au blocage qu'au freinage du développement. Nonobstant la problématique de l'extraversion, du niveau du taux d'intégration industrielle ou encore de la stagnation relative de la productivité des facteurs, la Tunisie souffre du décalage entre les mentalités, les attitudes et les habitudes sociales d'une part, l'évolution de la technique et de l'environnement économique intérieur et extérieur d'autre part. L'ouverture à l'étranger a ancré des aspirations de consommation qui correspondent très peu aux contraintes économiques du pays. Tous les spécialistes du développement s'accordent en effet à dire que les formes les plus répandues et les plus pernicieuses de blocage sont engendrées par un milieu institutionnel défavorable donnant libre cours à l'économie souterraine au détriment de l'économie institutionnelle: concurrence déloyale, fraude fiscale, marché noir, corruption, vol de biens publics, exportation de capitaux. Il ne fait aucun doute que sous cet angle, le régime Ben Ali a été à l'origine du blocage de notre processus de développement.
Le déblocage ne peut se réaliser au seul moyen de l'assainissement des finances publiques, de la correction active des quasi-mécanismes du marché, etc. Cela veut dire que l'on doit viser l'élimination de l'économie souterraine et des interférences parasitaires, mais que l'on doit aussi procéder à la rénovation de ce que les marxistes appellent la superstructure, c'est-à-dire les rapports de production. Il s'agit en l'occurrence, de faire évoluer les mentalités et les canons sociaux afin qu'ils puissent répondre favorablement à l'emballement de l'appareil productif. Après tout, la consommation, l'investissement, l'épargne, le travail et les innovations sont le fait des hommes, et ce sont eux qui décident finalement.
Pour apporter du crédit à ce type d'assertion, plaçons-nous dans un schéma où l'altération du processus de développement résulte de la combinaison de trois facteurs essentiels: les agents, les buts et les moyens. Dans ce cas, c'est la combinaison de ces paramètres qui déterminera la nature du changement prévisible ou à apporter. Pour ce faire, nous partons de la définition de Rudolf BICANIC selon laquelle le changement est conçu comme le remplacement du modèle de développement existant par un nouveau modèle de développement.
Agents, buts, moyens et nature du changement
Agents
Buts
Moyens
Nature de changement dans la politique de développement
Sans changement
Sans changement
Sans changement
―›Conservatisme
Sans changement
Sans changement
Changement
―›Libéralisme
Sans changement
Changement
Sans changement
―›Gradualisme
Changement
Sans changement
Sans changement
―›Dictature, régime militaire
Changement
Changement
Sans changement
―›Réformisme
Sans changement
Changement
Changement
―›Révisionnisme
Changement
Changement
Changement
―›Révolution
Ce schéma explique aisément ce qui s'est passé en Tunisie. Le régime de Ben Ali a changé les agents (son clan et ses affidés se sont substitués aux agents légitimes), mais pas les buts et les moyens de la politique du développement. Cela ne pouvait conduire qu'à la dictature.
Qu'en est-il maintenant pour l'avenir ? A l'heure actuelle, trop d'éléments manquent pour le prédire : carte politique de la future constituante, nature du régime adoptée, degré de cohésion et de détermination des « agents », composition du futur Gouvernement, etc. On peut toutefois considérer que trois perspectives sont envisageables (j'exclus les autres, en particulier la dictature). La première, la plus plausible dans les conditions actuelles, consiste en l'utilisation des mêmes moyens qu'auparavant, mais avec de nouveaux agents pour atteindre de nouveaux buts. On versera alors dans le réformisme. La seconde pourrait voir une utilisation d'autres moyens par les mêmes agents afin d'atteindre de nouveaux buts. Dans ce cas, c'est le révisionnisme qui prévaudra. La troisième consistera évidemment en un changement tout à la fois des agents, des buts et des moyens. C'est ce qu'on peut appeler une révolution. En dépit de tout ce qui se dit, nous en sommes loin actuellement. Car dans ce cas, c'est une autre politique de développement qu'il faut adopter, différente en tous points de la précédente, dans ses moyens, ses objectifs, sa philosophie générale, etc.
Outre l'instabilité politique et ses effets paralysants sur l'action publique, le régime des partis qui nous attend par suite de l'adoption d'un mode de scrutin qui lui est favorable ne constitue évidemment pas la meilleure solution institutionnelle pour réaliser les réformes structurelles urgentes que le pays attend.
Développement, Productivité, Revenus
Le développement en tant qu'action et résultante de la même action requiert invariablement la dynamisation du triptyque Productivité―›Revenus―›Profil de la demande. Autrement dit, l'amélioration de la productivité, toutes les productivités, constitue une condition nécessaire à la pérennisation de tout processus de développement. Curieusement, cette problématique n'a jamais été posée comme il convient dans notre pays. L'amélioration de la productivité n'a été évoquée par le Gouvernement ou le Patronat que pour refuser des augmentations de salaires. Chacun sait pourtant que l'amélioration de la productivité dépend, outre le facteur travail, de plusieurs autres facteurs ainsi de leur combinaison : accroissement du capital par travailleur, taux d'encadrement, utilisation rationnelle du stock de capital, formation, organisation du travail, progrès technique. Autant dire que l'erreur commise, méthodologique, psychologique et politique, a été grandement préjudiciable.
Sur le long terme, l'amélioration du pouvoir d'achat des salaires et des revenus dépend essentiellement de l'évolution de la productivité. C'est ce qui explique que les prix des produits et services du tertiaire varient peu dans le temps alors que ceux du primaire et du secondaire baissent (avec des rythmes différents). Plus simplement encore, l'artisan-tailleur ou le coiffeur ne passent beaucoup moins du temps à coudre un costume ou à couper des cheveux parce qu'entre-temps, les aiguilles et le ciseau sont devenus plus modernes. Rapportés au niveau général des prix par pays, le prix d'une coupe de cheveux est à peu près le même dans tous les pays et par tous les temps. Par contre, le prix (relatif) d'une cuisinière ou d'u téléviseur est nettement plus élevé il y a quarante ans que maintenant et il l'est davantage encore dans les pays moins développés que dans les pays très développés. Quant au prix d'un kilo de pommes ou de farine, il a lui aussi baissé relativement dans le temps, mais à un rythme inférieur à celui du téléviseur par exemple. Toutefois, ce prix a plus baissé aux USA qu'en France et davantage encore en France par rapport à la Moldavie ou le Pakistan. La raison est toujours la même : la productivité.
Prix réels de divers biens et services par pays en 1960
Pays
Salaire horaire du manœuvre en monnaie locale

Prix réels




Quintal de blé
Kg de sucre
KWh d'électricité
Poste radio
Place cinéma
Coupe cheveux
USA
2
4
0,15
0,02
7,5
0,6
0,8
Grande-Bretagne
2,5
5
0,27
0,02
37
0,6
0,7
France
2,5
16
0,45
0,13
50
0,8
1,1
Allemagne Fédérale
2,5
17
0,40
0,03
32
0,6
0,8
Hongrie
7,2
31
1,45
0,15
110
0,8
0,7
Côte-d'Ivoire
40
50
1,60
0,90
190
1,2
1,2
Source : J/J Fourastié (Pouvoir d'achat, prix et salaires)
Quelques commentaires s'imposent. Les pays à haut niveau de productivité (USA) se distinguent par des prix des « primaires et secondaires » bas par rapport à des pays moins développés qu'eux (France par exemple) et nettement plus bas encore par rapport aux pays en voie de développement. Par contre, le prix salarial des produits et services à faible effet de progrès technique est pratiquement constant. A l'inverse, le prix des produits à fort effet continu de progrès technique baisse dans le temps. Globalement donc, c'est la productivité qui détermine l'évolution du pouvoir d'achat sur le long terme. Cependant, la plupart des biens et services ne sont exclusivement ni d'originaire primaire, ni secondaire ou tertiaire. En fait, l'on se trouve assez souvent devant des situations intermédiaires où le produit ou le service contient des doses variables allant du primaire vers le secondaire, tels certains produits des IAA (concentré de tomates par exemple). Cela est évidemment du au progrès technique. Il ne faut pas non plus mésestimer les effets de l'action publique et de l'inflation. Dans les pays où les prix sont plus au moins fixés ou encadrés par l'Etat, la relation prix-productivité peut être grandement altérée. Mais sur le long terme et nonobstant l'impact des effets exogènes ou extérieurs, la productivité constitue le facteur prépondérant de l'évolution des prix des produits et services, de la baisse des prix réels (ou salariaux, c'est-à-dire le rapport du monétaire d'un produit ou d'un service à la valeur monétaire du salaire) et de la hausse du pouvoir d'achat (c'est à dire le rapport de la valeur monétaire du salaire au prix monétaire d'un produit ou service).
Quoi qu'il en soit et aux termes des seules rares études connues, il s'avère que les productivités partielles des facteurs aient connu au cours de la période 1983-1993 une évolution en dents de scie. Selon les constats de l'IEQ, il y a eu un avant et un après PAS. En effet, l'évolution de la PGF (Médiane de la productivité globale des facteurs) montre que celle-ci a connu une période décroissante entre 1983 et 1987 et une période globalement croissante entre 1988 et 1993. Au total, la PFG s'est accrue de 2,24% en moyenne annuelle lors de la période. La raison est que la valeur ajoutée n'est devenue régulièrement croissante qu'à partir de 1988 alors que le stock de capital a évolué irrégulièrement et que l'emploi a globalement fléchi, d'où une évolution de la productivité du travail et du capital presque identique.
Croissance du produit, des facteurs de production et de la productivité (1983-1993)*
Secteurs
Produit Y
Capital K
Travail L
Productivité du capital Y/K
Productivité du travail Y/L
K/L
PGF**

IAA
-4,90%
-0,31%
+0,05%
-2,25%
-2,09%
0,55%
-2,33%
IMCCV
4,44%
2,17%
0,15%
5,05%
5,24%
1,97%
5,25%
IME
4,63%
0,63%
0,43%
3,64%
3,54%
0,95%
3,60%
Chimie
13,76%
1,78%
4,45%
13,65%
13,81%
0,65%
13,78%
THC
3,33%
0,98%
6,06%
3,28%
-0,69%
-3,58%
-0,17%
IMD
5,22%
-1,50%
-0,73%
5,15%
5,76%
0,15%
5,39%
Industries manufacturières
4,27%
0,28%
2,12%
3,29%
2,50%
0,13%
2,59%
BTP
-0,98%
-7,73%
-1,70%
4,00%
0,07%
-2,76%
1,13%
Transport-Communication
0,49%
-5,45%
-1,46%
5,95%
0,26%
-3,31%
0,77%
Tourisme
3,02%
-4,23%
-1,96%
7,34%
3,95%
-3,57%
4,16%
Ensemble de l'économie
1,91%
-0,87%
0,66%
3,08%
1,91%
-0,30%
0,77%
Source : IEQ
*Croissance moyenne calculée par régression sur la période 1983-93, ** PGF=Médiane de la productivité globale des facteurs.
On remarquera que les secteurs ou branches qui se caractérisent par une plus forte progression de l'intensité capitalistique sont ceux qui ont connu la plus forte progression du produit et de la productivité des facteurs et qu'en l'absence de cette interrelation, l'amélioration de la productivité du travail se fait au détriment des revenus salariaux. Il y a lieu de constater aussi que sur ce plan, ce qui se passe dans les industries manufacturières ne s'éloigne pas beaucoup de l'évolution de ces mêmes grandeurs dans l'ensemble des activités économiques.
Venons-en maintenant à la seconde partie du triptyque. L'augmentation des revenus réels conduit, par palier, au transfert des dépenses de consommation de la satisfaction des besoins primaires (alimentation) à la satisfaction des besoins secondaires (logement, habillement...), de la satisfaction de ceux-ci à la satisfaction des besoins en loisirs, culture, etc. Cette « translation » se traduit par une certaine évolution des coefficients budgétaires (ou le rapport de dépense consacrée à un bien ou service particulier, comme l'alimentation, par exemple, à la dépense totale).
Manifestement, l'évolution des coefficients budgétaires en Tunisie a été incohérente, et même régressive. En effet, la part des dépenses consacrées à l'alimentation dans le total des dépenses de consommation reste élevée (35% en 2005) en dépit de l'intervention de la Caisse Générale de Compensation. Ce coefficient budgétaire a d'ailleurs connu un retournement de la tendance très significatif entre 1985 et 1990 suite à la baisse progressive des revenus salariaux en termes réels et aux effets spécifiques du PAS. On peut remarquer aussi qu'à la différence de ce qui s'est passé ailleurs, les coefficients budgétaires affectés au logement ou à l'habillement par exemple n'ont pas du tout évolué dans le sens d'une modification remarquable du profil de consommation des ménages. Quant au coefficient budgétaire affecté à la culture, les loisirs et l'enseignement, on ne peut pas dire qu'il ait évolué dans le sens de la dynamisation du processus de développement.
Evolution des coefficients budgétaires 1975-2005

1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
Alimentation
41.7
41.7
39.0
40.0
37.7
38.0
34.8
Habitation
27.9
29.0
27.7
22.0
22.2
21.5
22.8
Habillement
8.8
8.5
6.0
10.2
11.8
11.1
8.8
Hygiène et soins
5.4
5.7
7.0
8.7
9.6
10.0
10.3
Transport
4.7
4.9
9.0
7.7
7.8
8.6
10.7
télécommunication
-
-
-
0.5
0.9
1.1
3.7
Enseignement
8
7.7
8.9
2.3
2.7
2.9
2.8
culture et loisir
-
-
-
6.2
6.2
5.8
5.6
Autres dépenses
3.5
2.5
2.4
2.4
1.1
1.0
0.5
Total
100
100.0
100.0
100.0
100.0
100.0
100.0
L'évolution sur vingt ans (1985-2005) des coefficients budgétaires par tranche de dépenses de consommation rend le tableau plus inquiétant. On constate en effet que même pour la tranche supérieure des dépenses, l'alimentation continue à accaparer près du quart des dépenses en 2005 et que 52,2%des dépenses de la tranche inférieure concerne encore l'alimentation en 2005 contre 60,6% en 1985. On ne peut dire alors que les parts réservées à l'alimentation et à l'habillement même pour les tranches supérieures se sont réduites, au profit du logement, des transports, de la santé, des dépenses de communication et de loisirs comme on aurait pu l'attendre. Plus que la productivité ou d'autres référentiels, cette évolution des coefficients budgétaires, globalement régressive, traduit le blocage de notre processus de développement.
Evolution des coefficients budgétaires par tranche de dépense (1985-2005)
Année
1985
2005
1985
2005
1985
2005
1985
2005
1985
2005
1985
2005
1985
2005
Tranche de dépenses en dinars
-100
-400
100-150
400-485
150-250
585-955
250-350
955-1510
350-500
1510-2250
500-800
2250-4000
800 et +
4000 et +
Alimentation
60,6%
52,2%
57,3%
50,4%
53,9%
47,1%
49,7%
42,9%
46,5%
38,0%
41,0%
32,5%
26,3%
24,1%
Habitation
15,4%
23,1%
16,3%
20,3%
17,4%
19,8%
20,2%
19,8%
21,8%
20,7%
25,8%
22,1%
37,2%
27,9%
Habillement
4,9%
4,7%
5,5%
5,8%
6,1%
6,7%
6,4%
7,7%
6,5%
9,1%
6,9%
10,1%
5,2%
9,1%
Hygiène et soins
5,8%
6,5%
6,5%
7,6%
7,0%
9,2%
7,7%
10,0%
8,0%
11,1%
7,7%
11,1%
6,0%
9,9%
Transport / Télécommunications.
3,5%
4,7%
4,4%
6,4%
5,4%
8,4%
5,8%
10,3%
6,7%
12,2%
7,5%
15,3%
13,0%
20,5%
Enseignement, Culture :Loisirs
9,8%
8,4%
9,9%
9,2%
10,0%
8,6%
9,6%
9,0%
9,5%
8,5%
9,3%
8,2%
7,8%
7,9%
Autres dépenses
-
0,3%
0,1%
0,3
0,2%
0,2%
0,6%
0,3%
1,0%
0,5%
1,8%
0,6%
4,5%
0,6%
Total
100,0%
100,0%
100,0%
100,0ù
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
100,0%
Le développement, rappelons-le, est « la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rend apte à faire croître, cumulativement et durablement son produit réel global ». Il s'agit donc de phénomènes qualitatifs, sociaux et culturels soumis à ce qu'on peut appeler une « destruction créatrice » , alors que la croissance n'est que d'ordre quantitatif et que des « poches » de croissance peuvent exister par simple inertie de tendance ou sous l'effet de dopants artificiels (exportations).
En somme, le problème de l'amélioration de la productivité doit être posé, de la façon la plus sérieuse et la plus urgente qui soit. Aucun processus de développement ne peut survivre à la stagnation ou à la régression de la productivité. Partant de là, deux axes sont à explorer concomitamment. Il s'agit d'abord d'agir sur la répartition sectorielle de l'investissement. Des contraintes relatives au chômage peuvent nous dissuader de privilégier l'accroissement des investissements dits capitalistiques. Des contraintes budgétaires ou financières ou internationales peuvent nous dissuader de privilégier l'amélioration de notre taux d'intégration industrielle. Mais l'on sait tous que l'amélioration de la productivité, des revenus et de l'emploi lui-même à moyen terme sont à ce prix. Même quand il s'agit d'activités plus riches en emploi qu'en capital, la confection par exemple, l'amélioration de la productivité est possible parce que nécessaire. Des contrats peuvent être établis par l'Etat et les partenaires sociaux pour surveiller, année par année, l'évolution de la productivité des entreprises, moyennant des encouragements spécifiques et la garantie que les gains seront équitablement partagés.
VA et intégration industrielle
Dès l'abandon de la politique « socialiste » fin 1969, « l'obligation ardente » de l'intégration industrielle a été mise en retrait. Il faut dire que la politique « libérale » (sur le plan économique s'entend) a été fondée sur l'encouragement de l'exportation. Pour sa part, le tout à l'exportation a généré la transformation structurelle de l'économie nationale, faisant de l'industrie manufacturière tournée vers l'exportation « le moteur » de l'économie des biens, au détriment des services et de l'agriculture. Au sein même de l'agriculture, l'encouragement des activités exportatrices s'est effectué au détriment des cultures vivrières et de la production destinée au marché local. Autant dire que la politique libérale, jamais remise en cause depuis, a éludé plusieurs problématiques : le développement inégal sectoriel, le développement inégal régional, l'extraversion des pôles de développement, etc.
Nonobstant ces questions de fond, le développement des industries de transformation et de montage, des industries à faible productivité et de moindre valeur ajoutée, a fini par avoir des incidences négatives sur la balance en devises notamment, et ce en raison de l'élasticité des importations par rapport aux exportations. Entre 1975 et 1985 par exemple, l'accroissement de 1% des exportations a accru les importations de 1,5% en moyenne. Lors de la même période, le solde courant de la balance des paiements a été multiplié par 6,6 ; la part des importations dans le PIB est passée de 35,8% en 1975 à 42,3%. Entre 1972 et 1981, l'accroissement en volume des importations en matières premières et en demi-produits a été 11,2% en moyenne (12,2% pour les importations en biens d'équipement) contre moins 7% pour les exportations. Ces faits étaient annonciateurs de toutes les difficultés économiques et financières rencontrées par la suite.
Evolution de la part des intrants importés dans la consommation intermédiaire totale au prix constants de 1972
Année
1972
1976
1979
Industries agricoles et alimentaires IAA
18,7%
20 ,1%
25,0%
Matériaux de construction et du verre MCCV
30,4%
29,7%
28,2%
Industries mécaniques et électriques
46,6%
51,5%
54,9%
Industries chimiques IC
35,7%
36,2%
37,3%
Textile, cuir et chaussures ITHCC
52,4%
46,0%
47,2%
Industries manufacturières diverses
45,6%
47,6%
49,3%
Ensemble des industries manufacturières
29,9%
32,5%
36,6%
Source : IEQ
Deux remarques s'imposent au vu de ce tableau. La première est que dans l'ensemble, le degré d'intégration de l'industrie manufacturière tunisienne a baissé au fur et à mesure que l'économie tunisienne s'est arrimée à la charrette de l'économie internationale. La deuxième est que la Tunisie a raté le coche dans les années soixante-dix parce qu'elle n'a pas su profiter d'une conjoncture financière favorable pour tenter d'améliorer le taux d'intégration de l'industrie manufacturière et de l'économie en général.
A l'heure actuelle, le bilan en termes d'échanges avec l'extérieur des industries manufacturières semble s'être amélioré puisque le taux de couverture moyen sur la période 2004-2008 a été de 82 % un maximum de 85 % en 2005 résultant d'une amélioration relative des exportations. Mais ce bilan cache de vraies disparités par branche et, plus encore, l'impact négatif du manque d'intégration de l'industrie manufacturière dans son ensemble.
Taux de couverture des industries manufacturières (2004-2008) en %
Branches
2004
2005
2006
2007
2008
Industries agricoles et alimentaires IAA
118
112
121
79
71
Matériaux de construction et du verre MCCV
112
145
139
146
140
Industries mécaniques et métallurgiques
19
22
24
25
26
Industries électriques, électroniques et de l'Electroménager
73
86
82
98
106
Textile et Habillement
150
152
148
147
148
Cuir et chaussures
191
209
197
167
160
Chimie
94
98
98
98
162
Industries diverses
35
31
36
38
41
Ensemble des industries manufacturières
82
85
81
77
82











Source : Institut National de la Statistique
En effet, les importations des industries manufacturières ont augmenté régulièrement durant la période 2004-2008 en passant de 13 042 MTND en 2004 à 22 974 MTND en 2008.Ainsi le taux de croissance annuel moyen des importations a été de 15%. Au cours de la même période, les exportations des industries manufacturières ont presque doublé durant la période 2004-2008 en passant de 10 646 MTND en 2004 à 18 951 MTND en 2008, soit un taux d'accroissement annuel moyen de 16%. Peu de marges de manœuvre sont ainsi offertes. Au demeurant, ce sont les industries électriques, électroniques et de l'Electroménager ainsi que les industries mécaniques et métallurgiques qui accusent le taux de couverture le plus handicapant.
En termes de part de la valeur ajoutée par rapport à la production en valeur, les données s'inversent (sauf pour les MCCV). En effet, cette part s'est située en 2008 à 21,2% pour l'ensemble des industries manufacturières, soit un niveau très significatif de la faiblesse d'ensemble de l'industrie nationale. Pour les MCCV, la part de la VA par rapport à la production atteint presque 40%. Elle est moyenne dans la chimie et très basse dans l'industrie du cuir et de la chaussure. Ce n'est certainement pas un hasard si les MCCV se sont classées en tête de liste dans la mesure où c'est cette branche qui a su mieux profiter des transferts technologiques à travers la mono cuisson par exemple. C'est d'ailleurs cette même branche qui utilise le maximum d'intrants locaux, et c'est toujours cette même branche qui a vu le prix de ses produits baisser considérablement, aussi bien en termes courants qu'en termes constants. A l'inverse, les IMM et les IEEE n'arrivent toujours pas à tirer l'industrie manufacturière vers le haut alors qu'elles occupent une position stratégique et qu'elles ont un impact décisif aussi bien en termes d'intégration et de valorisation de la valeur ajoutée qu'en termes de bilan en devises.
VA/ Production des industries manufacturières
Branche
2004
2005
2006
2007
2008
Chimie
22,8%
22,7%
22,6%
21,0%
19,0%
IEEE
29,1%
29,2%
29,6%
29,7%
29,5%
IMM
27,7%
27,8%
28,0%
28,0%
28,2%
Agroalimentaires
27,1%
27,1%
26,9%
26,8%
26,8%
MCCV
37,4%
37,6%
37,3%
37,5%
37,7%
Textile et Habillement
32,0%
32,0%
32,0%
32,0%
32,0%
Cuir et chaussures
12,8%
30,0%
12,1%
10,5%
8,3%
Industries diverses*
35,8%
35,7%
35,7%
36,0%
36,1%
Ensemble
27,6%
23,2%
23,1%
21,8%
21,2%
*Les industries diverses regroupent les branches : « Bois, Liège et Ameublements », « Pâte, Papier et Carton », « Plastique » et « Divers ». Il s'agit de 7000 entreprises, dont 742 emploient 10 personnes et plus. L'emploi total est de 38.397.
L'interrelation productivité-intégration industrielle -valeur ajoutée est largement confirmée par les données relatives à la contribution des diverses branches de l'industrie manufacturières au PIB. En 2009, les MCCV ont contribué pour 9,2% du PIB total du pays contre 7,6% pour les industries diverses ; 8,2% pour les deux branches IMM et IEEE et 1,9% pour l'ensemble Textile, Habillement et Cuir.
Part des industries manufacturières dans le PIB (en 2009)

En % du PIB total
Chimie
4%
IEEE + IMM
8,2%
Agroalimentaires
4,5%
MCCV
9,2%
Textile et Habillement+ Cuir
1,9%
Industries diverses
7,6%
Ensemble
35,4%
Source : Ministère du Développement et de la Coopération Internationale
Que peut-on conclure ? Entre les contraintes relatives à l'emploi à court terme qui incitent à encourager les industries de transformation et de montage et les contraintes relatives à l'intégration industrielle et à la productivité qui incitent à encourager les industries des intrants, demi-produits et biens d'équipement, la nouvelle politique industrielle à mettre en place dans le futur doit tenir de ce double impératif. On sait en effet que l'amélioration durable de la balance en devises et de la part de la VA par rapport à la production dépend grandement de l'amélioration de l'intégration industrielle. On sait aussi que l'emploi total dépend, dans la durée, l'amélioration de la productivité. Or l'amélioration de la productivité est dépendante sur le long terme de l'augmentation de K/L.
La stratégie industrielle
Le tissu industriel tunisien compte actuellement près de 5 839 entreprises ayant un effectif supérieur ou égal à 10, dont 2 786 sont totalement exportatrices, soit 44% du total. Ces dernières génèrent plus de 60% de l'emploi total du secteur. En fait trois branches dominent : les ITH$CC, les industries mécanique, électrique et électronique (IME) et les industries agro-alimentaires (IAA). Au total, ces trois branches forment près de 70% du nombre d'entreprises et participent pour plus de 80% des exportations des industries manufacturières.
Tissu industriel par branche Source: Agence de Promotion de l'Industrie et de l'Innovation - Mars 2011
Secteurs
TE*
ATE*
Total
%
Industries agro-alimentaires
180
874
1 054
18,1%
Industries des matériaux de construction céramique et verre
30
414
444
7,6%
Industries mécaniques et métallurgiques
183
418
601
10,3%
Industries électriques, électroniques et de l'électroménager
246
132
378
6,5%
Industries chimiques
118
394
512
8,8%
Industries textiles et habillement
1 710
324
2 034
34,8%
Industries du bois, du liège et de l'ameublement
31
173
204
3,5%
Industries du cuir et de la chaussure
223
78
301
5,2%
Industries diverses
65
246
311
5,3%
Total
2 786
3 053
5 839
100%










TE : Totalement exportatrices, ATE: Autres que totalement exportatrices.
Sur le plan de l'emploi, les ITH génèrent 39,2% du total, contre 15,3% pour les IME et 13,6% pour les IAA, soit 68,1% du total des emplois industriels. C'est dire l'importance stratégique de ces trois branches par rapport à l'emploi.
Les entreprises dont l'effectif est supérieur ou égal à 10 occupent 506 570 personnes.
Secteurs
Emplois TE*
Emplois ATE*
Total
Part
IAA
16 706
52 068
68 774
13,6%
IMCCV
1 079
27 769
28 848
5,7%
IMM
12 822
23 229
36 051
7,1%
IEE
68 109
9 229
77 338
15,3%
ICH
17 712
21 292
39 004
7,7%
ITH
180 728
17 807
198 535
39,2%
IB
1 233
8 446
9 679
1,9%
ICC
28 895
2 538
31 433
6,2%
ID
3 958
12 950
16 908
3,3%
Total
331 242
175 328
506 570
100%
Source: Agence de Promotion de l'Industrie et de l'Innovation - Mars 2011
Le nombre d'entreprises à participation étrangère s'élève à 1 976 dont 1 223 sont à capitaux 100% %. 1 671 entreprises sont totalement exportatrices. Elles se concentrent pour l'essentiel dans le textile, l'habillement et le cuir. La taille moyenne de ces entreprises est de près de 120 salariés par entreprise, ce qui, conjugué à la spécificité de l'activité, rend improbable le recrutement de cadres en nombre et quelque peu lointain la perspective de l'intégration (on ne parle naturellement pas ici du taux d'intégration au sein de l'entreprise qui est égal à VA/CA, mais du contenu en importations de la demande finale ou encore des contenus en importations des exportations).
Source: Agence de Promotion de l'Industrie et de l'Innovation - Mars 2011
Secteurs
France
Italie
Allemagne
Belgique
Autres
IAA
35
36
2
1
56
IMCCV
14
25
2
1
31
IMM
99
64
5
4
43
IEE
99
71
43
2
61
ICH
87
35
11
3
54
ITH
373
247
83
114
209
IB
21
11
4
3
11
ICC
42
83
9
6
29
ID
27
14
5
5
20
Total
797
586
164
139
514
NB: une même entreprise pouvant être comptabilisée plusieurs fois
A dire vrai, deux éléments primordiaux sont à retenir pour juger de la contribution réelle des secteurs et des branches à la consolidation de l'économie nationale : la VA et la balance en devises. A l'évidence les branches des THC, des IME et des IAA contribuent pour plus de 60% en moyenne de la valeur ajoutée des industries manufacturières. D'ailleurs, les IME ont contribué pour 3,7% du PIB global en 2009, contre 3,0% pour les ITHC et 15,6% pour l'ensemble du secteur industriel manufacturier et 28,8% pour l'ensemble du secteur industriel.
Valeurs ajoutées en MDT par branche aux prix courants
Année
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Rang en 2006
IAA
652.4
645.5
786.1
847.2
830.9
859.1
902.2
1081.0
1116.3
1222.7
3
Industries du Tabac
30.1
32.8
36.7
40.8
44.9
47.5
49.7
53.1
56.8
58.8
8
THC
1186.7
1305.3
1367.4
1449.5
1721.6
1778.4
1769.7
1812.0
1787.2
1773.4
1
Industries diverses
498.4
519.6
562.2
611.4
649.0
678.6
719.9
767.1
782.0
811.7
4
Raffinage de pétrole
53.4
41.1
41.3
68.3
78.3
74.6
110.5
63.5
191.2
481.5
7
Industries chimiques
434.8
470.9
495.9
488.1
509.9
541.5
550.0
588.1
644.2
689.1
5
MCCV
374.6
399.4
421.6
446.6
468.2
490.7
526.9
600.9
616.8
663.7
6
IME
607.2
721.0
778.7
848.7
951.4
974.3
1059.0
1161.8
1359.3
1690.9
2
INDUSTRIES MANUFACTURIERES
3837.6
4135.7
4489.9
4800.5
5254.3
5444.8
5688.0
6127.5
6553.8
7391.9

Source : INS
Si l'on analyse la contribution du secteur industriel manufacturier aux exportations, on constate que les IME ont contribué pour 30,8% des exportations en FOB en 2009 contre 15,5% pour le vêtement et accessoires ; 4,3% pour la chaussure et le cuir ; 8,8% pour les autres productions textiles et 9,5% pour l'agriculture, la pêche et les industries agroalimentaires. Pour bien situer les choses, notons que les mines, phosphates et dérivés participent pour 8,5% des exportations en 2009, contre 13,5% pour l'énergie et 9,1% pour les autres industries manufacturières. Mais s'agissant des importations en CAF, on constate alors que les rapports s'inversent quelque peu. En effet, les IME accaparer 46,1% des importations contre 14,6 pour le textile et le cuir alors que l'agriculture, la pêche et les industries agroalimentaires n'entrent que pour 9,4% des importations. Bref, les branches les plus dynamiques ne brillent pas nécessairement ni par leur balance en devises, ni par leur taux d'intégration industrielle.
Balance importations/exportations en valeur en MDT
Branche
2008
2009

Exportations.
Importations
Exportations
Importations
IAA
1538,1
1397,2
1268,8
1137,8
ITHC
6098,3
4076,3
5558,1
3774,7
IME
6232,8
11920,3
6001,0
11929,6
Source : BCT
Trois raisons principales raisons expliquent le rendement quelque peu négatif des industries THC au plan de la balance commerciale comme au niveau de la VA:
1. a faible disponibilité de la matière première sur le marché local, ce qui n'est pas le cas pour nos principaux concurrents (la Turquie, l'Inde et la Chine)
2. l'absence d'un environnement local compétitif
3. le manque d'investissements capitalistiques et à haut taux d'intégration et de VA
En fait, ce sont ces mêmes raisons qui expliquent schématiquement la faiblesse relative de la contribution des IAA et des IME à l'intégration industrielle et par là même à l'amélioration de la balance commerciale et en devises des branches énumérées.
Propositions
Les mesures de moyen et de long terme intéressent bien évidemment l'amélioration de la productivité et de l'intégration industrielle. Un meilleur équilibre peut être recherché entre les activités à forte valeur ajoutée et à faible intensité de main-d'œuvre et les activités économiques à faible valeur ajoutée et à forte intensité de main-d'œuvre. En d'autres termes, il faut trouver un juste milieu entre les contraintes propres à la pérennisation du triptyque Productivité-Revenus-Profil de la demande d'une part, l'abondance relative de la force de travail d'autre part.
Etant entendu que l'action doit porter pour ce qui est des industries manufacturières sur les IAA, les THC et les IME, il est impératif de revoir le mode de financement des projets à haute intensité de capital dans les trois branches. Pour ce faire, le code d'investissement doit être revu pour donner un bonus supplémentaire et attractif aux industries de matières premières et de demi-produits destinés aux IAA, IME et THC. Il est aussi impératif de resserrer notre stratégie industrielle pour :

• Orienter les ITH$CC vers des créneaux à plus forte valeur ajoutée
• Faire des IME une locomotive pour l'ensemble des industries manufacturières en matière d'intrants et d'équipement.
• Consolider les IAA par la création de nouveaux produits et l'amélioration de la qualité et du packaging
Parallèlement, trois activités doivent être encouragées. Il s'agit d'abord de continuer à développer le potentiel qu'offrent les pôles aéronautiques et les TIC. Avec plus de 40 entreprises en activité actuellement, l'industrie aéronautique en Tunisie représente un véritable créneau à consolider et à développer. Les technologies de la communication TIC sont également un secteur prioritaire dans la mesure où il s'agit d'une activité ayant enregistré le taux de croissance le plus élevé en 2008 (17,8 %), contribuant ainsi à 10 % du PIB contre 2,5% seulement en 2002. Il s'agit ensuite des industries relatives à l'environnement, à l'écologie et au développement durable. En termes d'activité, cela représentera dans le futur une vraie source économique. En termes d'innovation, cela représentera aussi une grande opportunité. Il s'agit enfin des services liés à l'informatique, notamment les services liés à l'entreprise tels que les centres d'appels et les sociétés de développement de logiciels informatiques.
La dimension régionale
Si l'on analyse l'implantation régionale des entreprises du secteur manufacturier, on constate que l'essentiel de l'investissement, de l'emploi et des revenus salariaux se concentrent sur le littoral, en particulier le Centre-Est, le Nord-Est et le District de Tunis.
La branche des IEEE (industries électriques, électroniques et de l'Electroménager), branche entrainante s'il est, se concentre en 2009 dans le Grand Tunis (Tunis, Ben Arous, Ariana, Ma-nouba) avec 148 unités (43% du nombre total) et le Nord-Est (Bizerte, Nabeul et Zaghouan), avec 125 unités. Le gouvernorat de Sousse qui compte seulement 21 entreprises IEEE dont 18 sont totalement exportatrices, vient au second rang en termes d'emplois, après le Gouvernorat de Ben Arous. Au total, 85% des entreprises et des emplois sont concentrés sur les régions côtières.
Répartition régionale des entreprises et des emplois des ieee
Gouvernorat
Nombre d'entreprises
Nombre d'emplois
TE
NTE
Total
TE
NTE
Total
Ben Arous
33
35
68
10 432
2 924
13 356
Sousse
18
3
21
11 594
80
11 674
Bizerte
26
9
35
8 099
776
8 875
Tunis
13
19
32
5 859
1 496
7 355
Nabeul
38
17
55
4 434
1 862
6 296
Zaghouan
25
10
35
4 342
256
4 598
Ariana
30
10
40
3 024
354
3 378
Monastir
16
1
17
1 316
21
1 337
Béja
6
3
9
1 694
87
1 781
Kairouan
3
2
5
1 511
42
1 553
Autres
11
19
30
1677
706
2583
Source : API/BDI- Novembre 2009

La branche des IMM se concentre, elle aussi, sur les régions côtières, principalement dans les gouvernorats de Ben Arous, Sfax, Nabeul, Sousse et Bizerte. Ces cinq gouvernorats totalisent 390 unités représentant 68% du nombre total des entreprises et 24 860 emplois soit 71% des emplois de la branche.
Implantation des IMM par Gouvernorat
Gouvernorats
Nombre d'entreprises
Nombre d'emplois

TE
NTE
Total
TE
NTE
Total
Ariana
14
20
34
946
402
1 348
Ben Arous
29
78
107
1 911
5 205
7 116
Bizerte
22
31
53
2 731
2 526
5 257
Monastir
8
19
27
371
1 365
1 736
Nabeul
31
32
63
1 621
1 917
3 538
Sfax
8
96
104
703
4 577
5 280
Sousse
29
34
63
1 585
2 086
3 671
Tunis
6
16
22
124
829
953
Zaghouan
9
25
34
956
1 124
2 080
Autres
7
60
67
1 087
3 105
4 194
Total
163
411
574
12 035
23 136
35 173
La branche du textile et de l'habillement se concentre pour sa part dans le gouvernorat de Monastir avec 563 unités, soit 27% du total des entreprises du secteur, le Grand Tunis 20% des entreprises, Sousse 12%, Nabeul 11% et Sfax 9%. L'ensemble de ces régions totalise 80% des entreprises du secteur.
Répartition régionale des entreprises du secteur ith en 2008
Région
TE
NTE
Total
Nombre
%
Nombre
%
Nombre
%
Monastir
480
27
83
24
563
27
Grand Tunis
348
20
87
25
435
21
Nabeul
224
13
13
4
237
11
Sousse
238
14
18
5
256
12
Sfax
114
6
65
19
179
9
Bizerte
128
7
7
2
135
6
Autres régions
220
13
70
21
290
14
Total
1 752
100
343
100
2 095
100
Répartition des entreprises agroalimentaires par gouvernorat
(situation du 01/11/2009)
Gouvernorat
T.E
N.T.E
Total
Gouvernorat
T.E
N.T.E
Total
Ariana
3
18
21
Manouba
3
21
24
Béja
5
27
32
Médenine
3
73
76
Ben Arous
14
67
81
Monastir
6
32
38
Bizerte
6
36
42
Nabeul
36
107
143
Gabès
6
19
25
Sfax
23
127
150
Gafsa
-
19
19
Sidi Bouzid
2
18
20
Jendouba
2
34
36
Siliana
1
24
25
Kairouan
4
39
43
Sousse
5
52
57
Kasserine
-
14
14
Tataouine
-
5
5
Kébili
6
9
15
Tozeur
24
11
35
Le Kef
-
19
19
T u n i s
11
41
52
Mahdia
2
22
24
Zaghouan
2
35
37




Total
164
869
1 033
L'industrie chimique se distingue, comme il est attendu, par une forte concentration régionale. En effet, la majorité des entreprises sont implantées dans la région du Grand Tunis avec 96 unités employant 11 213 personnes (47% de l'emploi). Toutefois, Sfax avec 38 unités employant 3 324 personnes (13% de l'emploi) et Sousse avec 24 entreprises employant 2 091 personnes (9% de l'emploi) dominent le reste des régions. Au total, 61% des entreprises, ayant 10 emplois et plus, sont implantées dans les régions du Nord Est et 30% dans le Centre Est.
Répartition des industries chimiques et des emplois par région
Région
Entreprises
Emplois

Nombre
En %
Nombre
Grand Tunis+ Nord-Est
147
61
14 155
Centre-Est
72
30
8 682
Sud-Est
2
1
27
Nord-Ouest
9
4
161
Centre-Ouest
6
2
212
Sud-Ouest
5
2
920
Total
241
100%
24 157
Le secteur des MCCV compte en 2008 plus de 700 entreprises employant 27972 dans 427 unités de taille supérieure ou égale à 10 personnes. L'emploi total est estimé à près de 30.000. Parmi les 427 entreprises, 42% sont implantées dans la région du Nord-Est contre 20% dans le Sud-Est et 15% dans le Centre-Est.
La répartition géographique des entreprises du Bois, Liège et Ameublement appartenant aux industries diverses, confirme la prédominance du Grand Tunis (47 unités employant plus de 2 000 personnes) suivi par Sfax et Sousse avec respectivement 43 et 29 entreprises employant 2 135 et 2 655 personnes. Les industries des matières plastiques appartenant au même secteur sont concentrées, elles aussi, dans le Grand Tunis, Sfax et Sousse, soit 67% du total des entreprises et 71% de l'emploi total. En fait, on constate la même concentration géographique pour l'ensemble des industries diverses.
Bref, il y a concentration des industries manufacturières et de l'emploi industriel et salarial dans les régions côtières, qu'il s'agisse d'industries à haute intensité de main-d'œuvre comme le textile, l'habillement, le cuir ou la chaussure ou d'industries à haute intensité de capital comme les MCCV ou la chimie. Cependant l'espace géographique national se distingue par une moindre concentration de la branche des activités des services sociaux et de l'administration. Ce n'est nullement le cas de l'emploi précaire (BTP et agriculture) qui se concentre dans les régions défavorisées de l'Ouest et du Sud à l'heure même où le déclin des activités des « industries textiles et cuir » touche plus durement les régions de l'Ouest. Cette configuration explique très largement l'inefficacité des mesures d'accompagnement à l'emploi dans les régions de l'intérieur et du sud.
Aucun développement des régions de l'intérieur et du sud n'est possible si cette implantation reste inchangée. De même qu'aucune politique de redistribution équitable des richesses produites ne peut avoir des effets tangibles dans un environnement caractérisé par un fort déséquilibre sur les plans social et régional, aucune politique de développement sur le plan national ne peut être efficiente si elle n'intègre pas comme composante essentielle le développement équitable des régions. La politique suivie depuis quarante ans constitue l'exacte négation de ce principe. Cette politique a en effet été construite sur des mesures d'incitations au développement des régions défavorisées (déconcentration administrative et industrielle) au moyen d'exonérations fiscales et/ou sociales et en prenant en charge par l'Etat de quelques dépenses d'investissement (frais d'études, etc.). Pour des raisons politiques évidentes, cette politique a occulté le fait que les avantages initiaux des régions favorisées se sont renforcés entre-temps, de sorte que même un taux de croissance plus élevé que celui des régions favorisées ne serait pas en mesure de permettre aux régions défavorisées de combler leur retard.
Cette politique n'a pas voulu non plus prendre en considération les effets additifs du PAS dans l‘accélération du développement inégal des régions. On pouvait se douter pourtant que les politiques de restriction des dépenses sociales induites par le PAS (santé, éducation et culture) allaient accentuer la pauvreté des régions pauvres et la richesse relative des régions riches. Au surplus, les stratégies du développement liées au PAS appellent au renforcement du secteur privé et à la spécialisation de l'industrie manufacturière en faveur de l'exportation. Or, cela a conduit à favoriser davantage encore les régions les plus développées du littoral (dynamique de l'acquis et de la géographique). On peut mesurer le renforcement de ce basculement démographique et socioéconomique de l'Ouest, du Centre et du Sud-Ouest vers le littoral en se référant aux parts respectives des régions dans l'emploi salarié, l'emploi industriel, l'emploi par branche ou encore en prenant en considération le sens et l'intensité de la migration intérieure ou le niveau des dépenses de consommation par région.
La « spécialisation » instaurée de fait par les pouvoirs publics pour ce qui est de la nature de l'activité économique par région (à tel gouvernorat le tourisme saharien et les dattes, à tel autre les mines, etc.), n'a strictement aucun sens du moment que cette stratégie n'est pas intégrée dans le cadre d'une politique de développement basée sur la polarisation et l'espace de développement. Le développement n'est en effet pas morcelable à souhait.
C'est dans ce cadre qu'il faut instaurer le découpage du territoire national en régions économiques. La notion même de pôle et d'espace de développement n'est concevable que par rapport à un découpage régional qui dépasse nécessairement les limites géographiques de nos actuels gouvernorats. Pour asseoir cette vision, les gouverneurs de région économique pourraient se voir octroyer un rang de Secrétaire d'Etat, leur donnant ainsi accès aux Conseils des Ministres chaque fois que le besoin s'en fera sentir. L'instauration d'une véritable péréquation financière fiscale entre régions développées et régions moins développées nous paraît inévitable, car comment rééquilibrer les régions sans passer par des recettes fiscales régionales en hausse. On pourrait alors confier aux régions et à leurs assemblées élues le soin de décider sur place de la conception et de l'exécution de l'infrastructure d'un certain rang. On y gagnera en coût et en délais de réalisation. Il est évidemment capital, dans ce cas, de donner à l'administration régionale une armature administrative et technique digne de ce nom : administrateurs, économistes, démographes, statisticiens, ingénieurs, etc. Pour l'heure, l'administration régionale en manque.
A suivre...
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Réformer ou mourir (II) La réforme de la répartition des richesses produites
Réformer ou mourir : III la réforme de la redistribution inversée
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