Le verdict dans l'affaire de l'assassinat du coordonnateur du mouvement Nidaa Tounes à Tataouine, Lotfi Naguedh, continue à occuper le devant de l'actualité nationale dans le sens où il a suscité et suscite encore les réactions les plus vives chez les partis politiques, les juristes, les personnalités nationales et, bien entendu, les médias. Donc, loin de nous de nous attarder sur la nature du verdict car il s'agit d'une décision judiciaire « souveraine » des magistrats que nous respectons pleinement. En revanche, nous allons traiter des réactions des unes et des autres parties. Des réactions diverses allant des critiques, envers le verdict, à l'approbation en passant par le pas de commentaire.... Nidaa Tounès s'est élevé contre « cette injustice » tout en promettant de prendre une décision à l'issue d'une réunion du Bureau exécutif qui devait se tenir hier soir. Il faut dire que là aussi, le parti ne se présente pas en rangs serrés puisque de la « tiédeur » des uns, s'oppose l'engouement des autres, en l'occurrence le « clan » de Hafedh Caïd Essebsi qui va jusqu'à réclamer une position claire d'Ennahdha vis-à-vis et du verdict et des Ligues dites de protection de la révolution (LPR). Mais la réaction la plus virulente est venue des jeunes de Nidaa. En effet, les membres de la commission élargie des jeunes de Nidaa Tounes à Sousse, qui se sont réunis mardi 15 novembre 2016, ont annoncé, dans un communiqué, leur démission du parti. Ils ont tenu à présenter leurs excuses à la famille du défunt mais aussi au peuple tunisien, rendant responsables « les deux cheikhs Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi du consensus factice, les dirigeants du parti dont le directeur exécutif, pour avoir esquivé leur responsabilité historique et nationale et les ligues de protection du terrorisme qui continuent leurs activités ». La veuve de Lotfi Nagdh a tenu la même argumentation en accusant Nidaa Tounès et Béji Caïd Essebsi d'avoir « commercialisé l'assassinat de son mari », mais qu'une fois élus, ils l'ont laissé tomber le faisant « assassiner une seconde fois », selon ses propres termes. Du côté d'Ennahdha, le président de son bloc parlementaire, Noureddine Bhiri, a indiqué, que « le mouvement ne peut commenter les décisions de la justice » tout en appelant les contestataires du jugement à faire appel, selon les dispositions de la loi. Il a considéré, par ailleurs, que la position d'Ennahdha concernant les ligues dites de protection de la Révolution est, déjà, tranchée et qu'il est « inutile de revenir sur des questions du passé ». Toutefois, d'autres dirigeant d'Ennahdha et non des moindres ont pris, d'une manière directe, position dans cette affaire. Et si Abdellatif El Mekki a félicité les accusés pour leur libération tout en les exhortant à ne pas trop festoyer l'événement afin de respecter les sentiments de la famille de la victime, Abdelkrim Harouni est allé jusqu'à se déplacer à Tataouine pour présenter aux accusés ses félicitations ! Pour les autres réactions, elles ont été unanimes ou presque à contester le verdict dans cette affaire. Le parti Al Massar a, ainsi, exprimé, dans un communiqué, son inquiétude face au verdict et la nonchalance de la justice pour dévoiler les assassins soutenus par les ligues de protection de la révolution. De son côté, le mouvement Machrou3 Tounes s'est dit surpris par le verdict de première instance en soulignant que cet "assassinat" n'était pas une simple affaire judiciaire mais un événement politique. Machrou3 Tounes a dénoncé ce qu'il a qualifié de retour des Ligues de la protection de la révolution et des parties qui les soutiennent, ainsi que le discours extrémiste et d'exclusion. Il a appelé également les forces nationales et démocratiques à se mobiliser pour défendre les droits du "martyr" et de sa famille et a annoncé la formation d'un comité de défense composé des meilleurs avocats pour défendre les droits de la famille de Lotfi Naguedh pendant l'examen de l'appel. Le Parti des Patriotes Démocrates Unifié (Watad) a considéré, dans un communiqué, que le verdit émis dans l'affaire traduit une politique qui sert les intérêts des partis politiques-Ennahdha et Nidaa Tounes. Et toute la crainte est que ledit verdit ne trace l'orientation vers une situation similaire dans les affaires des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, a ajouté le même communiqué. Pratiquement, seul le mouvement Al Harak Tounes al-Irada s'est distingué par son soutien illimité au verdit du Tribunal de première instance de Sousse. En effet, Moncef Marzouki s'est déclaré, carrément, heureux du jugement tout en rendant un hommage nominatif à l'un des accusés libérés, sachant qu'Imed Daïmi, du même Harak de Marzouki, s'est dit satisfait de la décision judiciaire qui vient prouver que la magistrature a retrouvé sa bonne santé et son indépendance. Quant au juge du Tribunal administratif Ahmed Souab, il a affirmé que plusieurs éléments ont impacté cette affaire, à la fois politique et d'opinion publique, dont, les multiples va et vient lors de la phase d'instruction, les contradictions énormes dans les deux rapports des médecins légistes. «On est sûr des faits commis lors ce crime, il y a bien eu violence, le problème reste la qualification et l'appréciation. Il y a un déséquilibre quelque part, il se peut que ça soit même une erreur lors de l'instruction », a-t-il estimé. Puis, abordant la situation des magistrats, M. Souab s'est dit persuadé qu'elle est très médiocre et fragilisée. « Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation : d'abord les magistrats eux-mêmes à travers la mainmise de l'Association des magistrats tunisiens, puis la purge opérée par Noureddine Bhiri le 28 mai 2012. Enfin les citoyens qui n'arrivent toujours pas à accepter les verdicts rendus par la justice », a –t-il expliqué. Ainsi et en tout état de cause, on constate l'existence d'une fracture chez l'opinion publique avec un risque réel d'un nouveau retour aux tiraillements entre les deux plus grandes formations politiques qui ont mis plus de deux ans pour parvenir à une certaine entente et un consensus orchestré par BCE et Rached Ghannouchi. Sur fond du retour des LPR à leurs activités publiques maléfiques, la tension sera-t-elle maîtrisée ou verra-t-on un retour à la bipolarisation ?