Malgré sa contribution évidente à la réalisation des projets de développement engagés par les pouvoirs publics avec la diligence requise, la nouvelle loi sur l'expropriation pour utilité publique en date du 11 juillet 2016 présente des aspects contestables en ce qui concerne autant sa constitutionnalité que son respect du droit de propriété, ont estimé les participants à un débat sur cette loi, organisé, hier, à Tunis, à l'initiative du Centre de Tunis pour le droit foncier et l'urbanisme, en collaboration avec l'Association des anciens de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales. Le sujet devait être, sans doute, très intéressant pour les spécialistes de ces questions, à en juger par le grand nombre de juristes, juges, avocats, professeurs de droit et cadres des organismes et services publics en charge des affaires foncières, qui ont pris part à la rencontre. Selon les conférenciers dont le juge Jâafar Rabâaoui, conseiller à la cour de cassation et vice président du Centre organisateur, Mounir Ferchichi, président du tribunal de première instance de Jendouba et président du Centre, le bâtonnier Mohamed El Fadhel Moussa, les représentants du secrétariat d'Etat chargé des domaines de l'Etat et des affaires foncières et autres intervenants tout aussi qualifiés, la nouvelle loi sur l'expropriation pour utilité publique a essayé de concilier entre les exigences de l'effort de développement déployé par l'Etat, et le droit de propriété qui est un droit sacré. Mais au-delà de cet objectif généreux, elle a un peu penché en faveur de l'Etat et des pouvoirs publics. Elle a facilité énormément les procédures d'expropriation, sans négliger pour autant le droit des propriétaires à une compensation équitable, et ce afin d'accélérer la réalisation des projets de développement souvent entravée et retardée à cause des oppositions faites par les ayants droit aux opérations d'expropriation pour utilité publique. Désormais, aussitôt la décision d'expropriation est prise et publiée, elle devient effective et entre en vigueur immédiatement. Le propriétaire peut alors soit accepter la compensation estimée par l'administration, soit s'adresser à la justice concernant ce volet uniquement. Par ailleurs la nouvelle loi a étendu le champ des propriétés pouvant faire l'objet d'expropriation, comme les terres collectives, ou encore les propriétés voisines à la propriété principale nécessaire à la réalisation du projet. Elle a étendu aussi la liste des organismes et institutions étatiques pouvant engager des expropriations. Cependant, l'un de ses aspects contestables, selon les intervenants, est d'avoir conféré à l'administration un pouvoir élargi en matière d'expropriation, au détriment du pouvoir judiciaire comme c'était le cas dans l'ancienne législation, notamment la loi de 1976 et les autres textes l'amendant principalement la loi de 2003. Ainsi, la commission d'investigation et de conciliation qui décidait, anciennement, les expropriations, était présidée par un juge. La nouvelle loi l'a remplacé par une commission administrative. Dans la nouvelle loi, également, l'administration intervient pour l'application des décisions d'expropriation, car elle stipule que le gouverneur territorialement compétent est chargé de la mise en application des décisions d'expropriation. Sur un autre plan, cette loi a été jugée, par certains spécialistes, anticonstitutionnelle, en empiétant beaucoup sur le droit de propriété dont la primauté et l'inviolabilité sont garanties par la Constitution, sauf dans des cas exceptionnels, et aussi en ôtant aux seuls juges administratifs la compétence de juger les différends où l'Etat est partie, dans la mesure où la nouvelle loi permet aux juges des autres juridictions d'examiner les litiges relatifs aux expropriations opposant l'Etat et les particuliers.