Presque toutes les composantes de la scène nationale ont été étonnées, voire choquées, par le communiqué publié, samedi, par la présidence du gouvernement informant d'un remaniement ministériel partiel touchant le ministère de la Fonction publique et de la Gouvernance, le secrétariat d'Etat au Commerce et le ministère des Affaires religieuses. Quelques heures après l'annonce, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) a tenu une réunion urgente de son bureau exécutif. Après de longues heures de négociations, le porte-parole de la centrale syndicale, Sami Tahri, a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a expliqué que le problème ne réside pas en le limogeage d'Abid Briki mais en la nomination de Khelil Gheriani à la tête du ministère de la Fonction publique et de la gouvernance. Une nomination, assimilée, selon la centrale syndicale, à une provocation à l'encontre des agents de la fonction publique et, surtout, à l'encontre du Pacte de Carthage et de ses signataires. Appelant à une réunion urgente de ces mêmes signataires, l'UGTT, sans donner de position claire et définitive, a opté pour un ton plutôt sévère et grave en annonçant que ce remaniement ministériel partiel allait avoir de graves conséquences sur la stabilité déjà précaire du pays. Le lendemain, le secrétaire-général de l'UGTT, Nourredine Tabboubi, a été reçu par le chef du gouvernement, Youssef Chahed, au palais de la Kasbah. A l'issue de l'entretien, Tabboubi a déclaré que « la raison et la sagesse doivent primer dans un pays qui ne supporte plus aucune perturbation ». Pour lui, toutes les parties prenantes doivent donner la priorité à la voie de la raison. Toutefois, l'un des membres du bureau exécutif de la centrale, préférant garder l'anonymat, nous a confié que la centrale ne fera plus d'effort pour contenir les appels de ses adhérents (dix-sept demandes en tout ont été formulées, selon le concerné) qui souhaitent la tenue du Comité centrale de l'UGTT (sa plus haute structure) pour trancher sur des questions relatives, toutes, à des requêtes financières conditionnées par des accords gouvernementaux déjà approuvés par l'Etat tunisien. Cela fait quelques semaines que le nouveau bureau de l'UGTT a vu le jour et il n'a pas tardé à nous annoncer la couleur de sa politique. En effet son nouveau secrétaire-général s'est clairement positionné en faveur des syndicalistes qui demandent l'évincement de Néji Jalloul du ministère de l'Education. Si l'ancien secrétaire-général, Houcine Abassi, avait été clair en expliquant que demander le limogeage d'un ministre ne relève pas du syndicat, Taboubi, lui, a témoigné de ce que certains considèrent comme étant une radicalisation de la ligne politique de l'UGTT. De son côté, l'Union tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA) a été fidèle à elle-même en tempérant une position assez floue ; pendant que les concertations se tenaient au palais de Carthage, la présidente de la centrale patronale, Wided Bouchamaoui, a assuré que l'UTICA ne participera pas directement au gouvernement d'union nationale. Après la nomination de Khelil Gheriani, la Centrale patronale a assuré que ce dernier n'a pas été nommé sur son quota et que ses dirigeants n'ont été informés du remaniement partiel qu'après son officialisation et sa publication. Une information qui nous a été confirmée par quelques responsables proches du palais de la Kasbah. Ecarter les deux principales organisations nationales à avoir soutenu l'initiative présidentielle et à avoir activement participé au Dialogue national, en 2013, peut sembler une faute tactique de la part de Youssef Chahed, comme cela pourrait être considéré comme étant un message à tous les signataires du Pacte de Carthage en vue de remettre en cause un jour ce document.