La fleur d'oranger a son terroir. Nabeul. De mars à avril, la ville revêt un manteau blanc au parfum délicieux. Les champs sont couverts de fleurs d'oranger. L'occasion d'admirer de somptueux paysages, mais aussi de partir à la rencontre d'une culture, dans tous les sens du terme : celle du Zhar , une longue histoire locale. Un bonheur pour les sens. Les premières cueillettes du zhar viennent de commencer à Nabeul. Elles se limitent encore à quelques exploitations familiales car la campagne officielle a été fixée au début avril. Une pluie de pétales parfumés tombe. Sous le soleil de ce mois de mars, les cueilleurs ramassent les premières fleurs de la saison. Pour les propriétaires d'orangers, la cueillette du printemps a toujours été un rendez-vous important. Avec son odeur incomparable, la fleur d'oranger de Nabeul a séduit les parfumeurs. Cette culture de l'oranger fait partie du patrimoine local. A Bir Challouf, Sidi Achour, Morat, Oued Souhil ou même devant chaque villa, cet événement ne laisse personne indifférent. Là, vous pourrez vous arrêter pour admirer la beauté du site où souvent les citoyens eux-mêmes vous recevront, parleront avec passion de leur culture et aussi de leurs soucis, vous révèleront les secrets de leur culture et prendront plaisir à vous offrir quelques pétales, parler de ses vertus curatives et vous arroser de l'eau florale. Alors pas question de mollir. Jusqu'à aujourd'hui, des centaines de petites mains cueillent avec délicatesse cette célèbre fleur éphémère et porte-bonheur . « C'est vraiment dur, il fait chaud, j'ai mal au dos et aux genoux », se plaint Fatma. Pour elle, comme pour beaucoup de ses voisines, ce job est dur . Mais, dit-elle, on éprouve du plaisir à cueillir chaque saison ce zhar « C'est une histoire de famille », explique Henda. Ses grands-parents sont propriétaires de cinq bigaradiers (Aranj). Comme de nombreuses familles nabeuliennes, ils cultivent des bigaradiers depuis les années 1950. Un savoir-faire ancestral La récolte de la journée est mise immédiatement dans des sacs et emportée soit vers le marché local soit vers les distilleries de la ville. C'est une activité qui procure à son propriétaire de l'argent mais qui exige également de grandes transactions comme l'achat des fertilisants, l'irrigation et le transport. « Décidément, nous essayons par tous les moyens de comprimer nos dépenses et surtout la main d'œuvre jugée chère. C'est pourquoi, nous emmenons nos enfants pour limiter les frais car on risque parfois d'y laisser des plumes » avoue Hadj Zegdane. Cette campagne de cueillette crée une ambiance festive à Nabeul. Le Cap Bon compte 125 000 pieds de bigaradiers qui s'étendent sur une superficie de 450 ha. Environ 60 % de la production est transformé dans les cinq distilleries de la région (une tonne de fleurs de bigaradier produit 1kg de néroli et 600 litres d'eau de fleur d'oranger).Déjà, l'arôme des fleurs se fait sentir dans toutes les villes de la région. La récolte qui a bousculé toutes les estimations atteindra les 1200 t cette saison avec plus de 920 t transformées dans les distilleries. Les superficies productives s'étendent sur 360 ha localisés dans les zones de Beni Khiar (25%), Dar Chaabane-Fehri (13%), Nabeul, (12%) et le reste dans les localités de Tazarka, Hammamet, Belli, M'hedhba, Beni Khalled et Menzel Bouzelfa. Comme des chevelures bien épandues qui refusent l'injure des ciseaux, les bigaradiers sont pleins de fleurs encore vertes que les mains du producteur refusent de cueillir. Le calibre et l'aspect permettent d'ores et déjà d'affirmer que ces fruits arriveront à maturité. Mais déjà, on commence à cueillir une à une, d'un petit geste circulaire précis, les fleurs ouvertes mais toujours accrochées à leur branche. La récolte des fleurs d'oranger fait partie de ces jolies traditions dont on ne sait si, demain, elles perdureront encore. D'ailleurs en sillonnant les verges rares sont les familles nabeuliennes qui ne disposent pas de bigaradiers ornant leurs jardins. Des familles qui ont longtemps préservé la tradition de distillation des eaux de fleurs d'oranger pour obtenir un hydrolat. Ces fleurs d'oranger sont exploitées pour extraire plusieurs matières précieuses pour produire des parfums de haute gamme et produits cosmétiques tels les crèmes, les shampoings et les savons. La Tunisie est parmi les principaux producteurs des produits à base de fleurs d'oranger au niveau mondial. En véritables artistes, les nabeuliennes à travers la fameuse technique de distillation des fleurs d'oranger, ne cessent de pérenniser un savoir-faire ancestral et de préserver un patrimoine culturel ancestral immatériel toujours utile à des fins culinaires, médicales et ornementales. Kamel Bouaouina Les vertus thérapeutiques des eaux de fleurs d'oranger La distillation à la vapeur d'eau des fleurs d'oranger ou de bigaradier donnent d'une part l'huile essentielle de fleur d'oranger connue sous le nom de néroli et d'autre part l'hydrolat, l'eau de fleurs d'oranger. Ces huiles essentielles sont utilisées en thérapeutique et en soins dermo-cosmétiques et en Tunisie la naturothérapie commence à avoir ses adeptes. Cette médecine douce pratiquée depuis des siècles voire des millénaires prend en compte l'humain dans son entièreté. Cette nouvelle synthèse hygiéniste, naturopathique et médicinale constitue un aspect majeur de la culture médicale. Cette médecine douce qui commence à s'ancrer dans nos habitudes consiste à prévenir, évaluer, protéger et rééquilibrer la santé par des méthodes qui agissent de façon naturelle. Dr Dorra Bourghida naturothérapeute, diplômée de l'Ordre des Naturothérapeutes du Québec, est passionnée par la création de ponts entre l'homme et la plante, entre la perception énergétique et l'approche scientifique. Elle nous explique les vertus thérapeutiques de ces eaux florales. «Les hydrolats, explique-t-elle, sont le résultat de la distillation à la vapeur d'eau de plantes ou fleurs dites aromatiques et médicinales. Durant cette distillation, deux produits distincts sont réalisés : l'huile essentielle, produit huileux concentré de molécules aromatiques et l'hydrolat, produit aqueux imprégné des mêmes molécules aromatiques que celles des huiles essentielles mais d'une concentration de principes actifs inférieure. Puisque les hydrolats sont imprégnés des mêmes principes actifs que leurs huiles essentielles correspondant, ils ont donc des propriétés thérapeutiques similaires. La différence est que les hydrolats sont beaucoup plus doux pour le corps, n'ont aucune contre-indication et peuvent se prendre aussi bien par voie interne que par voie externe. N'avez-vous jamais mis quelques gouttes d'eau de fleurs d'oranger (zhar) dans votre café ou vous n'êtes-vous jamais vaporiser l'eau de rose ? Alors voilà, vous pratiquiez sans le savoir l'hydrolathérapie. La thérapie des hydrolats va beaucoup plus loin. Laissez-moi vous donner quelques exemples : Une cuillère à café d'hydrolat de fleurs d'oranger dans un verre d'eau avant le coucher, aide les insomniaques ainsi que les enfants hyperactifs à trouver le sommeil Les propriétés thérapeutiques des hydrolats sont nombreuses. Pour en nommer quelques unes : Rafraîchissant, tonifiant, purifiant, stimulant, réconfortant, apaisant, anti dépresseur, favorise le sommeil, hypotenseur, anti stress, astringent, adoucissant, calmant, cicatrisant, dynamisant, antalgique, anti douleur, digestif, bactéricide, fongicide, purificateur sanguin, dépuratif du foie, décongestionnant. Les hydrolats se démarquent par l'absence d'effet secondaire. Notre corps est composé de 80% d'eau, c'est pourquoi il est très réceptif aux hydrolats et la prise par voie interne s'avère très efficace et les résultats sont souvent immédiats. Les hydrolats sont très utiles pour éliminer les toxines accumulées par notre corps. Ils sont favorables pour les indications suivantes : douleurs musculaires, arthrite, arthrose, hypertension, congestion hépatique et rénale, névralgie dentaire, dépression, stress, nervosité, épuisement, gastro-entérite...: Les hydrolats apportent aussi une touche aromatique très intéressante dans les plats cuisinés, les desserts, les pâtisseries, les boissons et les salades de fruits. »