Habib Falfoul, président du Club de la francophonie à l'Union des Ecrivains Tunisiens, vient de publier un nouveau livre intitulé « La verve poétique de Jalel El Mokh », une parution qui coïncide avec la Journée Internationale de la francophonie célébrée en Tunis du 16 mars au 02 avril en Tunisie par l'Institut Français de Tunis qui lui consacre une programmation aussi bien riche que variée. Habib Falfoul est un écrivain tunisien bilingue dont les publications sont diverses : il a écrit un certain nombre de romans en langue française dont « L'éternel retour à la terre »(2013), « La dernière traversée » (2014), « Solution d'attente inavouée » (2016). Il est aussi l'auteur d'essais et de critiques littéraires, comme son ouvrage en arabe sur « La littérature Tunisienne francophone », paru en 2016. Aujourd'hui, il s'intéresse encore une fois à cette littérature tunisienne francophone en se penchant sur les travaux poétiques d'expression française de l'écrivain-poète Jalel El Mokh. Dans ce livre, Habib Falfoul, se borne à l'étude et l'analyse de six recueils de poésie, à savoir « Cortège d'impressions », « Le suicide de la femme en rouge », « Ton image », « Autoportrait », « Vox populi » et « La complainte de Sachem », tous écrits en langue française, sachant que Jalel a aussi écrit six recueils de poésie en langue arabe. Le livre comporte 100 pages où l'auteur décortique le contenu des six œuvres, en dévoilant le dit et le non-dit du poète, moyennant des extraits poétiques pertinents puisés dans les poèmes étudiés, allant fouiller jusqu'à dans l'enfance et la jeunesse du poète pour nous révéler, à travers ses écrits, les aspects latents de sa personnalité littéraire. Tout en admettant que Jalel El Mokh est « un écrivain complexe et pluri-talentueux », il le considère comme un poète original et authentique. Habib Falfoul analyse les six recueils dans leur totalité et fait montrer qu'il y a un certain lien qui les relie ensemble, si bien que le lecteur pourrait remarquer une certaine évolution de la pensée, des idées et des sentiments du poète. L'auteur fait remarquer que Jalel El Mokh, tout en étant imprégné jusqu'aux moelles par son passé, son patrimoine culturel et son milieu social, il décrit son « Moi » dans ses poèmes, mais les sentiments qu'il évoque, les souffrances qu'il endure, les espoirs qu'il caresse, semble se traduire dans la société, chez l'« autre » ; c'est ce que l'auteur appelle « le Moi social » dans l'introduction de cette étude : « Il convient de relever que le « Moi profond » de Jalel El Mokh – si je me permets cette terminologie proustienne – n'a pas créé son œuvre ex nihilo mais qu'il en a puisé l'essentiel dans l'expérience et la culture d'un « Moi social » qui présente ici la particularité d'être un intellectuel bilingue, auteur d'ouvrages écrits également en langue arabe, traitant de l'art et de la culture... » Par ailleurs, H.Falfoul relève ce sentiment d'angoisse et d'ennui vécu par le poète, toujours à travers ses poèmes, notamment dans son poème « les voyages de Sindbad » où il énumère les raisons de ce spleen : l'ennui causé par le milieu familial, par l'école, par les rites religieux, par la vie conjugale, par l'existence, par les cimetières et les lieux funèbres et enfin par le dédale des raisonnements et des idées (pp.18-25). L'auteur parle également de la fascination du poète par les arts et de l'effet du courant impressionniste exercé sur lui à travers les œuvres des grands maitres de la peinture dans le monde où il retrouve « la sérénité philosophique et la paix de l'âme ». Cet impressionnisme est surtout marqué dans son poème « Cortège d'impressions ». En outre, H. Falfoul déduit qu'une influence notable des couleurs est bien manifestée dans les poèmes du recueil « Le Suicide de la Femme en rouge » On peut ainsi lire : « Je relève que le poète Jalel El Mokh, dans son poème (Le Suicide de la Femme en rouge) se sert essentiellement de couleurs et de formes pour dépeindre les sentiments des femmes qui s'étaient suicidées... » (pp.30-31). De même, les couleurs attribuées aux femmes suicidées correspondent en grande partie à leurs états d'âme, aux souffrances et aux mélancolies qu'elles endurent. Pour le poète, toutes les femmes, quelle que soit leur couleur, se sont suicidées, peut-être faute d'atteindre la vérité. De toutes ces couleurs, le poète fait naitre la couleur transparente, celle qu'il confère à la femme qui ne suicidera jamais, et par conséquent la femme qui « symbolise l'aventure humaine, qui assume son existence, transcende ses quêtes et ses passions et, en premier lieu, parvient à la quiétude de trouver la vérité, dans un perpétuel dépassement de soi pour la réalisation de la grandeur de son être » (p.33) L'auteur ne manque pas de mentionner le côté surréaliste dans la poésie de Jalel El Mokh, relevant plusieurs poèmes à résonnance surréaliste, comme dans ces vers : « Ma raison déraisonne/ L'imagination se tord/ Et embrasse le tort/ La réalité se nourrit de l'irréalité... (p.38). Parmi les autres particularités, l'auteur du livre mentionne la dimension humaine et universelle chez Jalel El Mokh, sans oublier de parler, exemples à l'appui, de sa passion de la nature, de son nationalisme et de sa quête pour la liberté et l'identité.