L'engouement pour la construction d'habitations «pieds dans l'eau» et l'essor inégalé du tourisme balnéaire ont conduit à une bétonisation rampante de la plupart des régions côtières. De Bizerte à Gabès en passant par Mahdia, Sousse, Hammamet et Gammarth, nos rivages ressemblent, plus que jamais, à une énorme dalle de béton en raison de l'empiètement des maisons et autres bâtisses construites par des particuliers et des opérateurs économiques sur le domaine maritime public. Le Code de l'Aménagement du Territoire et de l'Urbanisme (CATU) et l'ensemble des règlementations en vigueur stipulent pourtant que qui stipule que la zone non constructible varie entre 25 de la ligne de contact entre la terre et la mer, laquelle dépend des caprices des flots, pour une zone couverte par un plan d'aménagement urbain et 100 mètres pour une zone non couverte par ce type de plans. L'idée que le rivage de la mer appartienne aux «choses communes» date d'ailleurs de l'époque carthaginoise, où déjà une autorisation était nécessaire pour construire sur le bord de la mer. Selon les données l'Agence de Protection et d'Aménagement du Littoral (APAL), une institution créée en 1995 et chargée d'appliquer la politique de l'Etat en matière de protection du littoral, en général, et du domaine public maritime, en particulier, le nombre d'infractions liées à l'empiètement sur le domaine public maritime a été en moyenne de 150 par an jusqu'à 2011. Après 2011, ce nombre a été multiplié par cinq, pour atteindre 750 infractions en moyenne par an. A ces infractions s'ajoutent les violations des autorisations de construction temporaire accordées par l'APAL à certains opérateurs économiques par le ministre chargé de l'environnement sur proposition de la commission consultative présidée par l'APAL. Environ 1000 autorisations d'occupation temporaire sont accordées chaque année, et toute occupation temporaire du DPM donne lieu à une redevance à la trésorerie de l'Etat à la charge de l'occupant conformément à la législation et à la réglementation en vigueur. Les infractions liées à l'empiètement sur le domaine public maritime donnent lieu à des recours administratifs et judiciaires fixées par la loi n°1995/73 relative au domaine public maritime et le décret n° 2000/167. Impacts environnementaux Une récente étude élaborée par l'APAL a, par ailleurs, tiré la sonnette d'alarme sur les risques de voir les rivages se transformer en une énorme dalle de béton. Intitulée « la gestion de zones côtières en Tunisie », cette étude souligne que près de 50% de la superficie totale du littoral tunisien est bétonnée. Ce règne du béton et du bitume s'explique essentiellement L'invasion du béton découle essentiellement de la concentration historique des principales activités économiques sur le littoral Le littoral abrite, en effet, la majorité des zones industrielles et plus de 95% de la capacité des activités touristiques. Cette forte concentration de l'activité économique sur la bande côtière a engendré une grande densité démographique dans ces zones. D'après les derniers chiffres de l'Institut National de la Statistique (INS), les zones côtières tunisiennes comptent actuellement près de 8 millions d'habitants Ce taux était de moins 50% au début des années 60. Selon l'étude de l'APAL, l'empiètement des constructions sur le domaine public maritime a de nombreux impacts environnementaux au premier rang desquels figure la dégradation de la de biodiversité marine ainsi que la dégradation des paysages naturels. « Les constructions pieds dans l'eau accélèrent le phénomène de l'érosion marine alors que le développement d'un tourisme balnéaire de masse génère des quantités importantes de déchets solides et d'eaux usées évacuées en mer», précise l'étude. L'installation de zones industrielles sur les rivages génère, par ailleurs, une pollution industrielle qui affecte principalement les régions de Sfax et le Golfe de Gabès, où les complexes chimiques sont la cause directe de rejets de phosphogypse, de CO2 et de métaux lourds. Sur un autre plan, la faune et la flore des régions côtières tunisiennes comptent quelque 6000 espèces parmi lesquelles il y a aujourd'hui plus de 36 espèces menacées de disparition. Raison pour laquelle l'APAL a classé 22 mille hectares de rivages comme étant des «sites sensibles ou très sensibles» et à élaborer tout un programme de protection du littoral baptisé «rivages de Tunisie». En vertu de ce programme l'APAL de procéder aux acquisitions de terrains en vue de soustraire les sites classés sensibles à la spéculation foncière et à l'urbanisation non contrôlée. Elle peut également conclure des accords de partenariat avec les propriétaires des terres situées dans les zones sensibles, en vertu desquels les propriétaires s'engagent à exploiter leurs terrains conformément à un cahier des charges approuvé par le ministère chargé de l'environnement.