Il faut préconiser une gestion intégrée du littoral impliquant de nombreux acteurs pour un développement durable Les zones côtières tunisiennes sont touchées par l'intrusion marine et l'élévation du niveau de la mer. Très fragiles, elles sont vulnérables et fortement exposées aux effets des changements climatiques,. La Tunisie possèderait 1.148 km de côtes dont nombre d'entre elles sont touchées par l'érosion marine. A ce sujet, l'alerte a été donnée par Mme Kaouther Tlich, directeur-général de l'Apal, lors d'une conférence qui a été organisée à la Cité des sciences. Elle avertit d'emblée : «300 km de la zone côtière sont menacées d'érosion, ce qui est un phénomène inquiétant, en train de s'aggraver et de s'accélérer». Causes naturelles et démographiques Les phénomènes naturels sont une cause majeure de l'érosion marine. «Il n'y a pas d'apports sédimentaires pour solidifier et consolider nos côtes !» martèle Mme Tlich, ajoutant, par ailleurs, que c'est la plage qui définit généralement le niveau d'érosion des côtes par la régulation permanente du flux d'apports de sédiments venant des cours d'eau que les tempêtes et d'autres phénomènes naturels transforment en pertes sédimentaires. Ainsi, si le niveau de pertes est plus élevé, on parle d'érosion. Il ne s'agirait pas de la seule cause: la surfréquentation humaine des plages serait responsable également de l'érosion marine. «13% des plages sont touchées par l' érosion», déplore la directrice générale de l'Apal. Un des participants à la conférence confirme le désastre écologique : «Quand je regarde la mer de la corniche de Bizerte, je constate qu'il n'y a plus de plage ! Les vagues viennent s'écraser sur la chaussée !» Donc, les causes de l'érosion des côtes sont naturelles mais aussi humaines. Le phénomène de «littoralisation» est international, la Tunisie n'y déroge pas. Les chiffres clés révèlent que 70,1% de la population tunisienne vit sur le littoral ce qui représente plus de sept millions et demi d'habitants. 62.337 unités industrielles, soit 87% du pôle industriel national, et 24.077 d'unités touristiques, soit 76% du parc hôtelier, occupent le littoral. L'urbanisation, les constructions de ports et barrages et l'industrialisation sont les principales «causes anthropiques». L'Apal dresse, en outre, un bilan alarmant des pressions sur les zones côtières tunisiennes engendrées par la forte littoralisation, la concentration des activités économiques, la détérioration, la fragilisation et l'épuisement des ressources marines et côtières. Selon l'Apal, ces pressions résultent de la croissance démographique et du développement économique (agriculture, tourisme, transport, plaisance...). En outre, cet écosystème est sujet à des pressions naturelles résultant des systèmes d'échanges à grande échelle entre l'atmosphère, l'eau et les sols, y compris le changement climatique et l'élévation du niveau de la mer. Risques économiques Les côtes touchées et menacées sapent l'économie nationale. Le coût annuel engendré par l'élévation du niveau de la mer est évalué à 0,13% du PIB. Certains secteurs sont affectés indirectement par l'érosion marine et les changements climatiques. Ainsi, l'agriculture, le tourisme balnéaire, de plaisance ont des terrains potentiellement submersibles de 58.387 hectares situés dans l'arrière-pays. «Les plus menacées sont celles de Kerkennah et de Gabès. L'optimisme demeure avec la mise en place, depuis 2008, d'une politique stratégique de gestion intégrée du littoral mais qui n'a pas été appliquée. Concrétiser les projets de développement durable La protection environnementale du littoral concerne à la fois le rivage de la mer, les plages ou les dunes de sable que la zone limitrophe : forêts littorales, caps marins d'où l'enjeu des projets de développement durable. Des études portant sur 90 km de côtes ont été entamées. Un budget de réhabilitation de l'ordre de 16 millions de dinars a été prévu pour la valorisation de la baie de Monastir mais aussi des côtes des îles Kerkennah. Par ailleurs, des travaux d'aménagement de la sebkha de Ben Ghadhaya à Mahdia, d'un coût de 54 millions de dinars, entamés en 2007, viennent d'être achevés. «L'observation des écosystèmes marins est réalisée avec la coopération de l'Allemagne, de Monaco et du Qatar qui ont exposé plusieurs projets dans le cadre du COP 22 pour faire face aux risques liés aux changements climatiques», a souligné la directrice de l'Agence. Revoir le cadre d'octroi des concessions Mme Tlich a évoqué, à ce propos, la nécessité d'améliorer et de revoir les modalités d'occupations temporaires et des concessions pour préserver et protéger le littoral. Une loi révisée en 2005 permet aux investisseurs de monter des projets en obtenant des concessions par le biais de l'Etat. L'Apal, chargée de la protection des domaines publics marins (DPM), gère ces concessions au nom de l'Etat. Présentant des images et des schémas du golfe de Gammarth, la directrice de l'agence a dressé le constat négatif du nombre de concessions qui se trouvent sur le domaine public marin rappelant qu'«à Gammarth ou Nabeul, chaque année, de en plus en plus de constructions voient le jour. Notre littoral est menacé !» Mme Tlich stigmatise le manque de moyens dont elle dispose pour faire face à la sauvegarde marine de façon efficace. Dans un contexte marqué par de grandes difficultés économiques, l'Agence de protection et d'aménagement du littoral, principal acteur public, en appelle à une meilleure coopération de tous les partenaires sociaux et institutionnels. Les moyens limités pour la supervision du littoral avec 70 agents irritent un intervenant qui rétorque que l'Apal doit jouer un rôle plus important! «Le contrôle reste la mission de l'Apal et actuellement elle subit les effets des choix stratégiques des années 1950-70 ». La directrice a conclu en affirmant que 15 à 19% des décisions seulement sont exécutées d'où la nécessité d'impliquer davantage les gouvernorats et les communes à travers leurs rôles et leurs actions. Au fait «où commence le littoral et où se termine-t-il ? Tout un chantier !» .