A l'occasion de son récent concert au siège de la Rachidia dans le cadre de sa manifestation ramadanesque « Tarnimet », la chanteuse Nébiha Karaouli a revisité son spectacle-culte « El Kantara » qu'elle avait concocté avec Dr Samir Chichti vingt-huit ans auparavant dans le cadre du festival de la Médina. Une reprise réussie quelque peu en douleur, car la cantatrice a dû combattre la canicule nocturne suffocante qui régnait dans le patio de cette institution et faillit glisser dans la dissonance. La résistance était le maître-mot de la soirée. De plus, la valeur et la force des chansons proposées, allaient de pair avec l'inconvénient de la chaleur et de la sueur, mais n'arrangeaient pas les choses. Nébiha rappelait, par intermittence, qu'elle baignait dans la sueur et y prenait presque plaisir pour honorer son contrat moral envers un public très nombreux et mélomane qui a fait le déplacement. Accompagnée d'une cithariste, d'un percussionniste et d'un pianiste-organiste, Nébiha entamait son spectacle par « Idha Habbouk irteh », le titre-phare d'« El Kantara » et qui appartient à Louiza Ettounsia. Des retrouvailles avec des moments si beaux vécus à Dar Lasram à la fin des années quatre vingt du vingtième siècle. La nostalgie était de mise et le renvoi vers des chansons datant de près d'un siècle allait monter au créneau et montrer que la qualité artistique de notre chanson ancienne était de taille, malgré les mauvaises langues et les mauvais esprits qui avaient affirmé que le niveau de notre chanson avait touché le fond, à l'époque. Enterrées pour des dizaines d'années, ces mêmes chansons ont été déterrées et remises au goût du jour avec une voix sur mesure, celle de Nébiha Karaouli et avec un musicien-chercheur, Dr Samir Chichti. Mais le choix du titre du spectacle « El Kantara », en l'occurrence, n'y allait pas de pair, car il concerne « Aouedet El Kantara » qui se produisait particulièrement au sein des fêtes familiales et qui était composée de musiciens et de chanteurs tunisiens juifs aveugles. Cela permettait aux femmes d'y assister loin des regards indiscrets des membres de cet orchestre, pour satisfaire à la jalousie et au caractère de rustres des hommes de leur entourage. « El Kantara » était dans le contexte de l'époque et ne la représentait pas entièrement. Et avec la reprise de ce spectacle qui a eu une suite avec « El Kantara 2 », Nébiha allait s'immerger dans un océan d'œuvres qui méritent toujours qu'on y revienne. Succès passés, refrains de toujours Le menu proposé mélangeait l'ancien et le nouveau, dans la mesure où notre chanteuse a son propre répertoire assez particulier avec des chansons composées par Slim Dammak « Wech ijba fiha ? » dans les modes tunisiens et sur des rythmes purement tunisiens, comme le « Bounawara » ou le « Fezzani. » Et ce soir-là, le répertoire du chanteur et compositeur Mohamed Ennouri était revisité à travers sa chanson « Wallah ya lou. » Le Malouf n'y était pas en reste, dans la mesure où Nébiha Karaouli en choisissait des extraits comme « Ya achikin » ou « Ya haltara hal yarjaou ? » pour boucler la boucle composée d'une suite de chansons où on a pu retrouver « El Bourgdana », un succès passé devenu un refrain de toujours. Il en était de même pour le répertoire de Nâama qui était là avec « Mahla inik », composée par Maurice Meimoun, ainsi que celui de Hana Rached avec « Ya hajera. » Avec ce tour d'horizon de notre chanson d'hier et d'aujourd'hui, la chanteuse Nébiha Karaouli a rendu hommage à la chanson et à la musique tunisienne de tous les temps. La chanson de Habiba Msika « Ilti wehbeli » où la créativité a u nom, était également de la partie. Une très belle chanson dédiée à la Tunisie. Cheikh El Efrit avec « Fil berrima » et d'autres chansons du terroir composaient le contenu du spectacle. Ce dernier atteignait les deux heures et le public en demandait encore. Le rappel était nécessaire et Nébiha allait encore chanter : « Galouli jey. » Une chaude soirée en musique, en chansons dans un cadre convivial, malgré le mauvais détail de la chaleur.