Nul n'aurait cru que le Festival d'Ezzahra renaitrait de ses cendres après l'échec qu'il a essuyé l'année dernière, dû à une mauvaise gestion ou une programmation mal structurée ou incompatible avec les goûts du public. En effet, cette 38è édition aurait été annulée, mais heureusement sauvée in extremis quand la direction avait été proposée à Naoufel Ben Aïssa, musicien et homme de culture, et ancien directeur du Festival de Boukornine, qui prit les rênes du Festival avec toutes les bonnes volontés du monde de faire réussir cette édition avec les moyens du bord. « Le Festival d'Ezzahra, a dit le nouveau directeur, ne doit jamais s'arrêter. L'art et la culture doivent se poursuivre dans cette localité malgré tout et grâce aux efforts de toutes les parties locales, régionales et nationales. » Ainsi, cette édition 2015, considérée comme l'année salvatrice de ce festival qui vient de reprendre un nouveau souffle avec un programme aussi bien riche que varié, comportant maintes formes d'expressions artistiques (théâtre, musique, cinéma...). Après avoir réussi son ouverture, le Festival a enchainé avec d'autres spectacles dont celui du vendredi 31 juillet assuré par le ténor Lotfi Bouchnak. Le public était plutôt mitigé : la canicule qui frappe le pays ces jours-ci a dû pousser les habitants vers les plages en quête d'un climat plus clément. Ceux qui assistaient au concert de Bouchnak ont certainement souffert d'une chaleur accablante, si bien que le chanteur a lâché, au cours de son spectacle, en s'épongeant la sueur : « C'est la première fois que je chante dans un sauna ! » Cependant, le répertoire des chansons interprétées par Bouchnak ont fait oublier les désagréments d'une forte température qui se transforma peu à peu en d'agréables moments pleins de musique, de chants et de danse. La soirée commença par un morceau musical instrumental joué par la troupe composée de plusieurs musiciens et choristes. Après quoi, l'artiste entra sur scène sous les applaudissements tonitruants du public. Vêtu tout de noir et muni de son inséparable luth. Il interprétait d'abord un bouquet de « Mouachah » orientales du genre « tarab », tels que « Ya Aîni Khaddek Wardi », « Ya Ghosnou Naka Moukallalan Bidhahabi » et d'autres encore non moins enivrantes. Les amoureux du tarab étaient bien servis ce soir-là et ils se sont bien régalés en savourant ce genre de chansons interprétées par la puissante voix du ténor. Tout ouïe, ils écoutaient attentivement en se dandinant de droite à gauche, sous l'emprise des belles paroles, de la charmante musique et de l'interprétation impeccable. Puis, avant d'enchaîner avec des chansons tunisiennes plus rythmées, le chanteur a déclamé deux longs poèmes, l'un en arabe classique, l'autre en arabe dialectal, ayant pour thème la situation actuelle du monde arabe. Il interpréta la fameuse chanson engagée « Ana Mouwaten » dont certains refrains ont été repris par les assistants qui se mirent en standing ovation, exprimant leur satisfaction et leur enthousiasme à cette chanson patriotique. Suivirent les chansons tunisiennes les plus populaires de l'artiste, comme « Hadhi Ghnaya Lihom », « Ritek Ma Naâref Fine », « Inti Chemsi », « El Aïn Illi Ma Thebbikchi » que le public a repris en chœur. Bouchnak ne quitta pas la scène avant de rendre hommage à Sadok Thraya en chantant l'immortelle chanson « Ki Dhik Bik Eddahr Ya Mezyana ». Le ténor, toujours fidèle aux sources, finit par un morceau du malouf tunisien « Laïba Dhabyou Bi Akli... ». Pourtant un bémol à remarquer : ce soir-là il y avait trop d'enfants en bas âge, on dirait que chaque adulte s'est fait accompagner de deux ou trois chérubins, ce qui avait, à certains moments, causé un certain tohu-bohu qui troublait l'atmosphére.