Chokri Alaya, dramaturge et metteur en scène revient cette fois-ci de France où il a passé plus de vingt ans, avec un grand projet qu'il va réaliser avec le Centre dramatique et scénique régional de Gafsa, le berceau de l'artiste et sa première école où il apprit les principes de la comédie au sein de la Troupe de Gafsa. Parti encore jeune pour la France en vue de poursuivre ses études théâtrales et perfectionner ses expériences dramatiques au sein des grandes écoles françaises, Chokri Alaya s'est lancé dans son aventure au début des années 90 pour fréquenter les grandes troupes théâtrales et côtoyer les grands comédiens et metteurs en scène français, participant à plusieurs pièces en tant qu'acteur, comme par exemple « Rêve de Soie Drap de Sang », « Fleur de paradis », « La mer blanche du milieu », « Naissance », « Notre tranchée de chaque jour » ; jusqu'au jour où il fonda la Compagnie « HARAKA » en collaboration avec des artistes issus de l'Ecole Internationale Jacques Lecoq. Nous avons rencontré l'artiste qui nous a parlé longuement de son parcours théâtral, en Tunisie et à l'étranger, de la Compagnie « HARAKA » et de son dernier projet intitulé « Mille et deuxième nuit » qu'il compte présenter pour la rentrée culturelle 2017/2018 avec le Centre dramatique et scénique régional de Gafsa. Entretien. Le Temps : Qui est Chokri Alaya ? Chokri Alaya : Je suis originaire de Gafsa où j'ai étudié et vécu mon enfance et ma jeunesse. J'ai découvert le monde du théâtre par hasard à travers un ami, membre du « Théâtre Amateurs » de Gafsa qui m'a proposé de faire une pièce sur la Palestine... De là, c'était le départ qui s'est suivi de mon recrutement au sein de la Troupe de Gafsa, je n'avais alors que 17ans. Au sein de cette troupe, j'ai participé en tant qu'acteur à plusieurs pièces qui ont fait un tabac dans les années 80 ; j'ai appris alors les secrets du métier et j'ai acquis une bonne expérience. J'ai joué à côté des grands acteurs les pièces « Essouk », « Ammar Bouzouer », « Saheb Leklem », »Abou Kacem Chebbi », « Ejrad », « El Arich », « Majnoun N°7 ». Comment vous est venue l'idée de quitter la Troupe de Gafsa pour aller à l'étranger ? En raison de l'absence d'organismes de formation théâtrale au sein de la Troupe et dans la région de Gafsa et pour concrétiser mes ambitions en frayant un chemin vers les grands théâtres internationaux, en poursuivant des études en la matière et découvrir d'autres genres dramatiques ; j'ai donc décidé de partir en France après neuf ans de travail au sein de la Troupe de Gafsa. Là, j'ai dû passer plusieurs concours dans certaines villes de France (L'Ecole Supérieure de Strasbourg, Conservatoire de Lille, Conservatoire de Bretagne) pour joindre enfin l'Ecole Internationale du Théâtre Jacques Lecoq à Paris où il obtint une bourse d'études. Ainsi, il finit ses études dans cette institution renommée. Il obtint une maitrise de théâtre à la Sorbonne. Entretemps, j'ai travaillé en tant qu'acteur dans plusieurs pièces en langue française. Et par la suite, en 1997, vous avez fondé la Compagnie « HARAKA » avec d'autres collaborateurs. Dans quelles circonstances est née cette compagnie et quels sont ses objectifs ? « HARAKA » qui signifie « Mouvement » est venu à l'esprit quand un jour, à l'université, on nous proposa, certains étudiants étrangers et moi-même, un texte théâtral écrit en français par un Autrichien, intitulé « L'heure où nous ne savions rien l'un de l'autre », basé complètement sur le corps et le geste, ce qu'on appelle « une langue didascalies » et comportant 287 personnages. Ainsi est venue l'idée de créer cette troupe qu'on a baptisée « HARAKA ». Cette pièce fut la première œuvre que j'ai réalisée en France ! Plus tard, on m'a proposé de mettre en scène une autre pièce « La Belle Hélène » et ainsi se suivirent plusieurs créations de la Compagnie. Dans « HARAKA », notre travail est axé sur le geste, le mouvement, l'expression corporelle et le texte, afin de trouver un théâtre poétique où le corps et le verbe se conjuguent en parfaite harmonie. Notre objectif est de produire et de mettre en scène des œuvres contemporaines pour un théâtre qui se veut multiculturel, où le corps de l'acteur en mouvement devient langage universel. Le dernier né de la Compagnie « HARAKA » est le projet que tu comptes réaliser avec le Centre Dramatique et Scénique de Gafsa, qui s'intitule « Mille et deuxième nuit ». Parlez-nous de ce projet. Tout le monde connait les contes des « Mille et une nuit », cet extraordinaire ouvrage a enchanté l'Occident en relatant le raffinement et la richesse intellectuelle de la civilisation musulmane de l'époque en transmettant la beauté des lieux, les plaisirs de la vie en Orient. Notre pièce « Mille et deuxième nuit se situerait dans la continuité des Mille et Une Nuits, sauf que l'écriture est différente et s'exprime à travers la forme artistique de la danse-théâtre, cette forme qui permet d'exprimer une approche poétique de la vie. Dans cette perspective, nous allons tenter d'aborder dans Mille et Deuxième Nuit certains aspects méconnus de la civilisation arabo-musulmane, notamment à partir du 11 septembre, les mots « arabe » et « musulman » sont devenus synonymes de violence et de terrorisme. Notre travail essaie de remettre la pendule à l'heure, c'est-à-dire qu'il appelle à l'ouverture et la rencontre de la culture de l'autre qui est différent de nous et faire de sorte que cette crainte de l'autre soit dissipée pour être transformée en confiance réciproque. Dans « Mille et deuxième nuit Shahrazade nous transportera dans le futur de ses trois enfants et de leur descendance qui nous permettront de mettre en relation l'âge d'or de la civilisation arabo-musulmane et notre monde d'aujourd'hui, de la visiter, de son apogée jusqu'à sa décadence. Quand la pièce sera-t-elle présentée au public tunisien ? Elle sera fin prête pour la toute prochaine rentrée culturelle. Je fais actuellement les répétitions avec les comédiens tunisiens à Gafsa, après les avoir fait avec des comédiens français, car le projet mettra sur scène des acteurs des deux pays.