* Paradoxe : les pays maghrébins démantèlent les barrières douanières avec des pays tiers et les maintiennent en l'état, entre eux La montée en puissance des « dragons » asiatiques inquiète, à juste titre, les entreprises maghrébines, lesquelles cherchent à s'assurer leur part de la croissance mondiale. Leurs appréhensions prennent racine dans deux phénomènes qui n'ont de cesse de s'amplifier, au point de constituer de véritables défis : cette menace pèse non seulement sur les marchés traditionnels des pays maghrébins, mais aussi sur leurs propres marchés. Et puis surtout, leurs entreprises sont, semnle-t-il, par endroits, complètement désarmées face à cette déferlante asiatique, ce qui pose le problème de leur capacité à transformer cette concurrence en partenariat. C'est autour de ces questions que s'organise la réflexion des participants à la 22ème édition de Journées de l'Entreprise dont le coup d'envoi a été donné , hier matin , à El Kantaoui, par le Premier Ministre, M. Mohamed Ghannouchi. Il s'est profilé à travers les débats une première nécessité, celle qui impose aux économies maghrébines de transformer les flux commerciaux et d'investissement en un potentiel de développement et de partenariat avec les pays d'Asie. Elles ne pourront le réussir que par l'adoption de stratégies communes d'intégration sous-régionale et de collaboration avec ces pays. Encore faut-il que les pays du Maghreb commencent d'abord et surtout par intégrer leurs économies les uns aux autres, et ce, à travers la mise en place d'un espace à l'intérieur duquel les biens, les services, les investissements et les personnes circulent librement. Il ressort des multiples interventions et observations faites tout au long de la première journée de cette manifestation, que cette échéance n'est pas pour demain. Et il ne peut pas être sans conséquences que le Premier ministre M. Mohamed Ghannouchi se demande comment les pays maghrébins démantèlent les barrières douanières avec des pays tiers, notamment européens et les maintiennent en l'état s'agissant de leurs propres produits et services. Les intervenants, nombreux au demeurant , ne se sont pas fait faute , de multiplier les comparaisons . La plus chiffrée est celle qui rappelle qu'en 2006, le PNB du Japon représente 17 fois celui des cinq pays du Maghreb réunis alors que la population du Japon n'est que 1,5 fois celle du Maghreb. Même scénario pour la Corée dont le PNB est presque 3,5 fois celui du Maghreb contre une population moins que 0,6 fois celle du Maghreb. La Chine domine par la taille de sa population qui représente presque 16 fois celle du Maghreb pour un RNB d'environ 10,5 celui du Maghreb. L'Inde présente une situation similaire à celle de la Chine. La population de l'Inde est plus que 13 fois celle du Maghreb alors que le RNB n'est que 3,5 celui du Maghreb. Mais la comparaison qui a retenu le plus l'attention, on la doit à deux économistes tunisiens, Lotfi Bouzaiane et Mohamed Salah Redjeb qui ont constaté que « les pays d'Asie ont, en général, un avantage comparatif en termes de coûts salariaux. Ils ont également un avantage en matière de coût d'intermédiation financière, dans le domaine du climat des affaires, en capacité d'innovation et en qualité de management alors que le Maghreb ne dépasse l'Asie que sur le plan de l'infrastructure et du respect de l'environnement par les entreprises » Néanmoins, le constat le moins reluisant est que, face à la montée en puissance de la Chine (1er fournisseur de l'Union européenne), sur de nombreux créneaux, en particulier sur les produits basiques, le Maroc et la Tunisie (4ème fournisseur de l'UE) ont peu de chance d'être compétitifs. Ces deux pays ont, pratiquement, perdu les avantages protectionnistes et devront trouver de nouveaux arguments de compétitivité pour maintenir leurs parts de marché. Voilà pourquoi il est instamment demandé que « de nouvelles dynamiques soient lancées, mettant à contribution l'ensemble des acteurs économiques ». Ces dynamiques prendraient bien la forme d'un ensemble d'actions réfléchies et rapides aussi bien au niveau de l'entreprise qu'au niveau du pays :mettre l'accent sur la compétence, maîtriser l'information, être plus flexible et plus réactif, investir dans les nouvelles technologies et élargir davantage la structure du commerce extérieur vers des pays asiatiques. Pour ce faire, les entreprises maghrébines doivent se doter d'une nouvelle génération de ressources humaines, plus apte à répondre aux enjeux et critères de la nouvelle donne internationale en matière de compétitivité. Les entreprises maghrébines doivent, probablement, s'affranchir d'un rôle de sous traitant, intenable à terme face à la concurrence asiatique, pour s'orienter résolument vers le produit fini et les marques. Les entreprises, avec l'aide de l'Etat, doivent investir dans les nouvelles technologies, dans une stratégie de valeur ajoutée, de diversification, de création et d'innovation. Dans la liste des recommandations, il y a encore celles qui enjoignent l'entreprise maghrébine d'être compétitive et d'améliorer la valeur ajoutée. Pour ce faire, elle doit investir davantage en Recherche & développement et faire intervenir l'entreprise sur tous les aspects de fabrication, de la production à la vente en passant par le marketing ainsi que le service après-vente.
Echanges et ouverture Les échanges des pays maghrébins sont essentiellement tournés vers l'Europe et principalement vers quatre pays européens qui sont la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Cette situation les handicape, en termes d'exportations et d'importations, d'autres pays et pousse les entreprises à ne pas faire beaucoup d'effort. Or, les matières premières importées à partir de l'Europe sont relativement chères par rapport à celles importées d'autres pays hors Europe, tels que les pays asiatiques, qui peuvent être des fournisseurs potentiels de matières premières avec des prix très compétitifs. Développer une vision pragmatique du processus d'ouverture des économies nationales. Dans ce domaine, les pouvoirs publics ont un rôle clé à jouer pour que la mondialisation ne soit pas vécue de façon dramatique mais plutôt comme une source de progrès économique et social. L'un des exemples cités est celui du Danemark qui a créé un "Conseil national de la mondialisation". Il s'agit simplement de réunir, de façon régulière, le Premier Ministre, les membres concernés du gouvernement et des représentants de la société civile, pour mettre au point une stratégie d'adaptation efficace à la mondialisation, dans l'intérêt de tous Il importe, à cet égard d'adopter une stratégie d'ouverture assumée tout en mettant en œuvre de réformes structurelles ainsi que des investissements anticipant l'avenir...
Marché relais Pourquoi les pays d'Asie s'intéressent aux pays du Maghreb ? Les responsables et hommes d'affaires des pays asiatiques (chinois, japonais, indiens et sud-coréens, ...) sont de plus en plus nombreux à visiter les pays maghrébins. Mais , ils le font uniquement parce qu'ils sont intéressés par l'approvisionnement en hydrocarbures et par la prospection du marché local, soit en tant que simple bourse de projets, soit en tant que marché relais pour accéder à des marchés tiers, particulièrement au marché le plus riche du monde, l'UE. Mohamed LAHMAR
Faycal derbal, porte parole des journées de l'entreprise * Consolider les atouts maghrébins Coauteur d'une étude sur le climat des affaires,M Faycal Derbal qui est aussi porte parole de la 22ème éditions des Journées de l'entreprise estime que les atouts des pays maghrébins par apport aux pays asiatiques en matière d'investissements étrangers doivent être consolidés et mis en exergue par les organismes maghrébins de promotion de l'investissement ; Il souligne également que les pays maghrébins peuvent s'inspirer des législations spécifiques adoptées par les pays asiatiques en matière de droit de société, de fiscalité et de droit de travail , et ce, afin d'améliorer leurs législations en vigueur et adopter des réglementations plus concurrentielles à même d'améliorer l'attractivité de ces pays pour les investisseurs étrangers. Les opportunités d'affaires possibles entre les pays maghrébins et asiatiques, ajoute-t-il par ailleurs. Ces pays peuvent s'échanger mutuellement des flux d'investissement dans des secteurs bien ciblés permettant ainsi d'instaurer une coopération économique propice pour les uns et les autres.