La pénurie de médicaments et de dispositifs médicaux dans les hôpitaux est en train de prendre des proportions inquiétantes. La situation est actuellement tellement déplorable que médecins et professionnels de santé assurent se trouver parfois dans l'impasse ou obligés de recourir à d'autres alternatives dépassées ou quelque peu risquées pour sauver un patient dont le pronostic vital est mis en jeu. «La pénurie touche des médicaments de différents types qu'ils soient génériques ou princeps. Des médicaments vitaux, utilisées par les réanimateurs et les médecins urgentistes, sont en rupture de stocks, ce qui empêche une prise en charge adéquate du patient », souligne un médecin anesthésiste réanimateur qui exerce dans un centre hospitalo-universitaire (CHU) ayant pignon sur rue sous le couvert de l'anonymat. Selon lui, cette pénurie de médicaments est liée à des ruptures de stock à la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT), l'unique fournisseur de médicaments aux établissements de santé publics et privés. «Ces ruptures de stock qui durent parfois plusieurs mois épuisent parfois les stocks stratégiques constitués par les hôpitaux. Cette situation est d'autant plus déplorable que la Pharmacie centrale est tenue de constituer des stocks régulateurs qui couvrent les besoins de plusieurs mois », précise notre interlocuteur. Le déficit de la PCT est aujourd'hui évalué entre 600 et 700 millions de dinars. Il est une conséquence directe des difficultés financières de la Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale (CNRPS) et de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) qui ont impacté négativement la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM). S'agissant de la pénurie des dispositifs médicaux, le problème est plus complexe. Les dispositifs médicaux sont des produits de santé pouvant aller de la simple seringue à usage unique ou la compresse stérile jusqu'aux produits implantables comme les stents coronaires, les valves cardiaques, les implants mammaires et prothèses orthopédiques jusqu'au matériel médical réutilisable comme les sondes d'aspiration, les perfuseurs, les sondes d'intubation et les agrafes cutanées. Ces produits sont indispensables pour la prise en charge du patient hospitalisé, au bloc, en réanimation. Du coup, leur rupture de stock peut mettre en péril la sécurité des patients. Retards de paiement des fournisseurs privés L'approvisionnement des hôpitaux et des centres hospitalo-universitaires en ces produits se fait à travers le lancement d'appels d'offres destinés à des fournisseurs privés par chaque hôpital. «La plupart des CHU souffrent aujourd'hui de perturbations en matière d'approvisionnement en dispositifs médicaux et, à un degré moindre, de médicaments, ce qui les a contraints à utiliser leurs stocks stratégiques», a assuré Emna Zribi, la directrice du service pharmacie du CHU Habib Bourguiba de Sfax, dans un entretien accordé à Nessma TV. Elle a notamment cité les cas du Phenobarbital injectable (antiépileptique) et de la Calciparine, un médicament utilisé dans le traitement des thromboses veineuses profondes constituées et de l'embolie pulmonaire à la phase aiguë, de l'infarctus du myocarde et de l'angor instable à la phase aiguë et des embolies artérielles extra-cérébrales. «La pénurie des dispositifs médicaux s'explique essentiellement par les retards de paiement des fournisseurs privés et l'attachement de ces derniers à la révision à la hausse des prix de plusieurs produits en raison de la dépréciation du dinar par rapport au dollar américain et à l'euro», a précisé Mme Zribi. Selon elle, l'autorisation de mise à la consommation (AMC), qui est un certificat octroyé par la Direction de la pharmacie et du médicament relevant du ministère de la Santé publique pour chaque lot d'importation de dispositifs médicaux afin garantir la qualité du produit, occasionne aussi des ruptures de stock, en raison de la lenteur de ce processus. Pour rappel, la situation financière peu reluisante de la Pharmacie centrale avait fait, le 6 novembre, l'objet d'un conseil ministériel restreint présidé par le chef du gouvernement, Youssef Chahed.