Le ministère des Affaires culturelles vient d'acquérir, au titre de l'année 2017, seulement 50 exemplaires de chacun des livres déposés par des écrivains tunisiens il y a plus d'une année, soit 50% des acquisitions annuelles habituelles, soit 100 exemplaires des titres retenus. Cette formule permettait aux différents auteurs d'amortir les dépenses, ô combien énormes, de la publication de leurs livres, généralement publiés à compte d'auteur. Que dire si le ministère de tutelle diminue le taux des acquisitions, bien qu'on ait promis aux écrivains de doubler le nombre de livres acquis par l'Etat, c'est-à-dire de 100 à 200 exemplaires ? Une décision arbitraire qui pourrait induire nos écrivains au silence et à l'inactivité intellectuelle et créative. Cependant, croit-on savoir, certains écrivains ont bénéficié de l'achat de 100 exemplaires des livres qu'ils avaient déposés, comme il est de coutume au ministère de tutelle ; mais pourquoi cette décision de réduire les acquisitions de l'Etat à 50% n'a pas été appliquée à égalité sur tous? La commission destinée à acquérir les livres aura-t-elle deux poids deux mesures ? Chose bizarre qui provoque la grogne des écrivains. Voici un témoignage d'un écrivain tunisien : « J'ai déposé quatre titres, espérant que 100 exemplaires de chacun seront vendus, soit au total 400 exemplaires, comme j'avais l'habitude de faire, mais ma surprise était grande quand j'ai appris qu'un seul titre a été acheté à 100%. Les trois autres seulement à 50%, soit 250 exemplaires, ce qui fait le montant d'environ 2500 dinars, alors que j'en ai dépensé 8000 dinars pour leur publication ! J'en suis déçu ! Pourtant on avait annoncé publiquement que le nombre de livres acquis par le Mmnistère sera doublé !» En effet, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a annoncé le 24 mars 2017, lors de l'inauguration de la Foire du Livre, que le budget du ministère de la Culture alloué à l'acquisition des livres et ouvrages tunisiens sera doublé. Selon le communiqué publié par la présidence du gouvernement, « cette décision a pour objectif d'encourager la production culturelle nationale, sachant que l'une des priorités du gouvernement est la promotion de la lecture et de la culture de façon plus globale ». Cette même décision, bien accueillie par les écrivains tunisiens, a été confirmée et adoptée par le ministre des Affaires culturelles. Serait-ce une promesse creuse ? Pourquoi donc priver certains écrivains en réduisant de 50% la somme qu'ils reçoivent du ministère et qui, bien qu'elle ne couvre pas totalement leurs dépenses en production, était considérée comme un encouragement moral et une incitation à la production ? Une telle action n'est pas en mesure de promouvoir le secteur du livre et de la lecture chez nous. Nous sommes encore très loin de l'autosuffisance en matière de livres à l'échelle nationale. En outre, la direction du livre au sein du ministère a reçu 2396 demandes d'acquisition de livres en 2016 et n'a acquis que 1063 ; en 2015, le ministère a reçu 1436 demandes d'acquisition de livres et n'a retenu que 1031. D'après ces chiffres, le nombre des acquisitions reste en deçà des espoirs, d'autant plus que celui de 2017 n'est pas fidèle aux promesses faites lors de la dernière foire du livre ! Cela va aussi à l'encontre de la création culturelle, notamment dans le domaine du livre et de l'édition et ne fait que décourager nos écrivains (romanciers, nouvellistes, poètes, essayistes...) qui n'auront plus de soutien matériel pour publier leurs ouvrages. En effet, supposons qu'un écrivain dépose sa demande d'acquisition au ministère, en déposant 100 exemplaires de son ouvrage, à raison de 10 dinars l'exemplaire, il reçoit 1000 dinars, alors qu'il a dépensé le double ou le triple de ce montant pour pouvoir publier son ouvrage ! Que dire aujourd'hui si la direction ministérielle n'acquiert que 50 exemplaires de chaque titre proposé et accepté ? Vous me direz peut-être pourquoi produit-on encore des livres pour une population qui ne lit pas et qui semble avoir une certaine aversion pour le livre ? D'ailleurs, les statistiques de 2016 sont très éloquentes : selon un sondage réalisé par Emrhod Consulting en 2016, « la Tunisie compte 420 bibliothèques publiques comptant plus de 7 millions de livres (même pas un livre par habitant !), 79% des Tunisiens ne possèdent pas de livres chez eux, 8% seulement ont acheté un livre pendant ces 12 derniers mois et 81% n'ont lu aucun livre en entier lors de cette même période » Face à cette situation dramatique du livre et de la lecture, il faudrait bien encourager la production et l'édition, en doublant l'acquisition des livres par le ministère de tutelle qui, à son tour, alimentera les bibliothèques régionales et locales, afin d'inciter davantage ces derniers à la création et à la publication.