Le fait est là : nul ne peut ignorer que le tunisien est de moins en moins attiré par la lecture et toute la filière du livre en souffre ! A quoi est du ce phénomène? - Est- ce le système éducatif? -Est-ce la massification des multimédias?
Comment rehausser l'image du livre dans la société tunisienne?
Comment relancer la lecture sur un nouveau support: le concept du livre dématérialisé ou l'E-book?
CHIFFRES SIGNIFICATIFS
Les données de la lecture dans les bibliothèques nationales font apparaitre ce qui suit: La Tunisie compte 378 bibliothèques publiques, dont 348 sont fixes. Les 30 itinérantes couvrent 1735 zones rurales . Les bibliothèques publiques contiennent 6.057.231 livres dont 2.746.650 soit 45.35 % sont destinés aux enfants et 3.310.581 livres soit 54.65% à l'usage adulte . Le nombre des usagers de ces bibliothèques est de 6.940.439 dont 54.27% sont des femmes et 45.73% des hommes. 90.57% des lecteurs sont des élèves et étudiants , seulement 4.9% sont des cadres, 3. 32% ouvriers et artisans et 1.21% des sans travail . En moyenne le tunisien se rend à une bibliothèque publique une fois par an.
La consultation nationale sur le livre et la lecture organisée sur instruction du Président de la République le 28 juin 2008 et dont les résultats ont été révélés le 27 avril 2010 , à l'occasion de la 28eme édition de la foire du livre de Tunis a notamment révélé que:
1- 68.12% des tunisiens n'ont pas lu un seul livre en 2009 2- 31.8% ont lu au moins un livre en 2009 3- 22.74% n'ont pas lu un seul livre de leur vie
Ce sont là des chiffres aussi significatifs qu'alarmants. Cette enquête qui a été réalisée auprés d'un échantillon de 1029 personnes représentatives des différentes régions du pays , des catégories d'âge, des niveaux scolaires et des niveaux de revenus a révélé également sur le plan du budget annuel alloué à l'achat des livres que 44.59% des personnes interrogées ont affirmé qu'il ne dépasse pas les 30 dinars contre 7.64% seulement qui lui consacrent 200 dinars par an . Les raisons de cette désaffection a la lecture sont justifiées par le manque de temps 52.7% alors que 20.7% affirment n'être pas habitués à la lecture et 18% qui ne veulent pas lire et enfin 11% indiquent qu'ils choisissent un autre moyen de loisir et seul 8.43% évoquent le prix du livre comme frein à la lecture . Concernant le secteur de l'édition,en 2002 on comptait 85 éditeurs, en octobre 2009 leur nombre s'élève à 196, soit plus que le double en moins de sept ans dont certains ne sont pas professionnels. L'édition privée représente près de 40% du total de la production ce qui constitue une réelle concurrence aux maisons d'édition professionnelles . D'un autre coté, le nombre de titres édités est de 1303 en 2008 contre 1700 en 2007 accusant ainsi une baisse sensible . Le volume moyen des tirages a également baissé ces dernières années et se situe entre 1000 et 1500 exemplaires contre une moyenne de 3000 à la fin des années 90.
Faisons un tour du coté des librairies: Dans la ville de Tunis qui compte 2millions d'habitants , des universités , des dizaines de milliers de diplomés du supérieur il n'ya qu'une vingtaine de librairies culturelles (ce n'est pas la librairie scolaire). On n'assiste qu'à la prolifération des fameux salons de thé , des cafés et des fast-food.
ENSEIGNEMENTS ET AVENEMENT DE L'E-BOOK
Il ne faut pas être un érudit des analyses économiques pour déduire que la lecture en Tunisie passe par une crise , le tunisien lit de moins en moins . A part le livre scolaire et para-scolaire qui est nécessaire aux études le livre culturel souffre .
En effet devant la massification des multimédias on assiste à la baisse de l'attractivité du support papier. De toutes les façons la lecture vient après le skype et le facebook aux quels le jeune tunisien consacre beaucoup plus de temps .
Des menaces planent sur l'avenir du livre , l'ère du numérique fait émerger de nouveaux besoins et le livre classique passe par une phase critique qui est certes la phase transitoire à son remplacement par le livre électronique ou l'E-book, et ce, comme il remplaça depuis la nuit des temps les rouleaux . Jetons un petit coup d'œil sur l'histoire : entre le 2ème et le 4ème siècle de notre ère, une forme nouvelle du livre s'imposa aux dépens de celle qui était familière aux lecteurs grecs et romains . Le codex, qui est un livre composé de feuilles pliées , assemblées et reliées supplanta les rouleaux qui jusque-là , avait porté la culture écrite. La diffusion du codex qui est notre livre actuel, a été facilitée ,plus d'un millénaire plus tard par la typographie , fruit de l'imagination de Gutenberg. Sommes-nous à la veille d'une semblable mutation et que le livre que nous connaissons sera remplacé par le livre électronique? Le livre électronique ou l'E-book est le procédé de numérisation de l'écrit conçu spécifiquement pour conserver et lire une œuvre littéraire . Il s'agit de lire un livre sur un écran ,celui d'un ordinateur ou celui d'un objet imitant la forme du livre. La principale innovation dans ce domaine consiste à réduire les supports en de simples petits appareils portables de la taille d'un livre et équipés d'un modem , d'un écran à cristaux liquides et d'un processeur. Sony avait commercialisé dès 1992 un modèle capable de remplacer les livres traditionnels: le Bookman , mais aujourd'hui de nombreuses sociétés ont crée , ou envisagent de faire des modèles plus réduits(softbook, cybook). L'E-book est perçu en tant qu'une nouvelle technologie qui menace le monde de l'édition. A l'inverse de ses partisans, il y en a ceux qui estiment que l'E-book est onéreux et n'arrivera pas à percer l'industrie du livre. Une enquête menée en grande Bretagne sur l'utilisation du papier a montré que le support de lecture est primordial, en effet, lorsqu'on donne à lire un document papier à une personne sans lui permettre de le toucher physiquement, sans lui permettre de le manipuler, l'efficacité de lecture descend de 15%. Cette conclusion est de nature à réjouir les défenseurs de papier. Et à mon humble avis rien ne vaut un livre qu'on feuillette , le bruit des pages qu'on tourne et l'odeur qui en émane cela donne une âme au livre et développe l'imaginaire en éveillant les sens . L'E-book lui nous mène droit vers le virtuel pas besoin d'imagination !
RECOMMANDATIONS
Livre électronique, livre classique, l'essentiel c'est d'avoir le goût de la lecture ; au vu de cette situation dramatique de la filière du livre l'Etat a pris en charge l'incitation du citoyen à la lecture en tant que pratique culturelle dans la société Tunisienne. D'où le lancement officiel de la consultation nationale sur le livre et la lecture en Tunisie par le Ministère de la culture le 26 avril 2009, cette consultation a été axée sur 3 volets: - L'identification de la situation actuelle dans les domaines de l'écriture, de l'impression, de l'édition, de la diffusion et de la lecture. - Les enjeux liés aux secteurs du livre et de la lecture. - Les recommandations de promotion de ces deux secteurs.
Les recommandations issues de cette consultation portent essentiellement sur: - la révision du cahier des charges relatif à la création des maisons d'édition, -les réseaux de distribution et des librairies, -l'encouragement de la coopération entre secteur public et privé dans le domaine de l'édition -la généralisation des exonérations tarifaires sur les matières utilisées dans la fabrication du livre comme le papier et l'encre. - l'étude de la possibilité de baisser la taxe sur le revenu de 15% à 5% pour les revenus provenant des emplois créatifs, artistiques et littéraires. -Le soutien du développement du livre électronique et des publications électroniques. -la création d'un centre national du livre qui aura pour mission d'encourager le livre tunisien par l'octroi de subventions étatiques ainsi que la promotion du livre tunisien à l'étranger. -la promulgation d'une loi visant à introduire le principe du prix unique du livre et l'obligation pour les éditeurs de le mentionner sur la couverture. -le bénéfice par les maisons d'édition du programme national de mise à niveau des PME -la mise en place d'un plan national pour la numérisation des données écrites et d'un réseau électronique qui fournit des services à distance et ce concernant la bibliothèque nationale numérique.
EST-CE SUFFISANT?
Dans quelle mesure la concrétisation de ces recommandations peut elle influencer les pratiques de lecture de la population tunisienne?
Certes les efforts des pouvoirs publics pour aplanir les obstacles à la lecture sont énormes , en effet, nul ne peut ignorer le soutien de l'Etat à la publication et à l'édition et ce à travers l'acquisition d'ouvrages et de périodiques tunisiens et étrangers , compensation du prix du papier d'impression du livre culturel tunisien, l'organisation de la Foire Internationale du Livre de Tunis et la prise en charge des frais de participations des éditeurs tunisiens aux foires à l'étranger, en plus des abattements importants sur les couts du transport aérien des livres à exposer et la liste est longue . Mais Est-ce qu'il appartient à l'Etat d'inciter à la lecture? OUI à travers les programmes scolaires et le soutient à la filière à travers le prix du livre MAIS, on ne doit pas omettre que l'évolution des pratiques de lecture se présente d'une certaine manière , comme un instrument de mesure du changement social .Car les modifications survenues dans l'environnement culturel et médiatique des individus ont eu des conséquences sur les pratiques quantitatives et qualitatives de lecture et les gouts de la population tunisienne . Donc afin de remédier a cette situation de "crise de la lecture" il faudrait remettre en question tout un modèle sociétal en pleine mutation .
QUE SE PASSE-T-IL?
Quels sont les raisons socio-économiques de cette mutation et de l'industrie du livre et du changement de comportement du" lecteur "?
En effet on est en train d'assister à ce qu'on appelle un nivellement par le bas, je m'explique : il s'agit de la tendance vers la disparition de l'élite intellectuelle au profit d'une standardisation de la population à un niveau de bas de gamme ! Laquelle élite constitue une référence dans l'inconscient collectif et est de nature à élever le niveau intellectuel et par la inciter et encourager la lecture d'un certain niveau. Devant la prolifération et la massification du multimédia : internet ,jeux vidéo, télévision … et je m'attarde au niveau de ce support qui tend à se spécialiser dans la télé réalité de bas de gamme (un article sera consacré à ce sujet un jour si Dieu le veut) sans oublier les talk show et les soirées musicales pendant lesquelles nos jeunes se déhanchent aux rythmes des chansons !!! De quelle lecture et de quels livres vous parlez??? Ce phénomène est universel et ce n'est pas propre à la Tunisie .
En effet quand on voit comment nos enfants manipulent avec une facilité effroyable une souris d'ordinateur et jonglent avec les téléphones portables et les jeux vidéo et ne sont guère attirés par la lecture d'un roman ou d'un livre scientifique , religieux ou économique et j'en passe ; on est à même de réaliser où est ce qu'on va ? Sans pour autant dénier le progrès technologique et les bienfait de l'internet et autre. L'incitation à la lecture doit venir de la famille bien avant toute autre institution , car un enfant habitué à voir ses parents avec leurs livres de chevets et une bibliothèque au salon qui contient des livres et non pas de la vaisselle ( sinon elle s'appelle un vaisselier ) et qui feuillette les livres de ses parents et reçoit une raclée quand il les déchire , saura la valeur du livre et sera certainement plus intéressé par la lecture, qu'un enfant qui voit ses parents plantés devant la télé à regarder et apprécier un programme qui laisse à désirer .Cette télé qui est appelée à s'impliquer dans l'action d'incitation à la lecture en programmant des émissions culturelles et en faisant de la publicité pour des livres d'un certain niveau.