Face au mutisme du gouvernement, l'Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT) envisage de recourir à de nouvelles activités revendicatives, dont un nouveau débrayage d'une durée supérieure à deux jours, des rassemblements de protestation et des grèves sectorielles, en signe de protestation contre «la «détérioration» de la situation morale et matérielle des ingénieurs et de l'augmentation du chômage chez les diplômés dans cette spécialité. «L'Ordre est actuellement en train de consulter les bases à travers la tenue de réunions dans les régions avant de prendre les décisions qui s'imposent pour dénoncer le manque de réactivité du gouvernement et défendre notre profession noble qui est plus que jamais marginalisée», assure le secrétaire général de l'Ordre, Abdessattar Hosni. Et d'ajouter : «la grève que nous avons observée les 24 et 25 janvier dernier a été très bien suivie, mais le gouvernement continue de faire la sourde oreille face à nos revendications». Le secrétaire général de l'Ordre a également fait savoir que la prochaine réunion du conseil de l'Ordre pourrait décider d'organiser des grèves dans des secteurs très sensibles comme ceux des grands chantiers d'infrastructure et des bâtiments publics pour tenter de faire pression sur les autorités. Les ingénieurs exerçant dans le secteur public (ministères, offices et entreprises publiques) ont observé fin janvier une grève de deux jours pour faire entendre leur voix. Parallèlement à la grève, «plusieurs milliers» d'ingénieurs ont organisé le 24 janvier un rassemblement à la Place du gouvernement à Kasbah pour protester contre l'atermoiement des autorités de tutelle dans la satisfaction des revendications de la profession. Plusieurs centaines d'ingénieurs avaient déjà organisé le13 novembre dernier un rassemblement de protestation devant l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour dénoncer la marginalisation de cette profession noble. Les gens de la profession dénoncent essentiellement la dégradation continue de leur situation matérielle qui est largement en deçà des catégories similaires de par leurs diplômes et leurs cursus universitaires comme les médecins de la santé publique et les magistrats. «Nous sommes la seule profession qui n'a bénéficié d'aucune augmentation spécifique depuis la révolution», souligne le président de l'Ordre, Oussama Kheriji, rappelant que les ingénieurs n'ont observé aucune grève depuis 1989. Selon les statistiques de l'Ordre, une bonne partie des jeunes ingénieurs continuent à percevoir des salaires de misère qui tournent autour de 400 dinars. Le salaire moyen d'un ingénieur ne dépasse pas les 1300 dinars dans le secteur public alors que le plus haut salaire tourne autour de 1800 dinars. Dans le secteur privé, le salaire moyen d'un ingénieur ayant moins de cinq ans d'expérience est de 860 dinars. Selon les mêmes données, les salaires des ingénieurs n'ont globalement augmenté que de moins de 5% par an depuis la révolution alors que des corporations comparables comme les médecins et les magistrats ont vu leurs traitements passer pratiquement du simple au double d'un seul coup. L'OIT demande, dans ce cadre, de prendre part aux négociations sociales. Ils réclament également l'ouverture de perspectives de recrutement dans le secteur public et la généralisation de la prime d'ingénierie dans les secteurs public et privé. Les ingénieurs plaident, d'autre part, pour une profonde révision du cadre légal et règlementaire régissant la profession et la formation dans le domaine de l'ingénierie ainsi que la définition de critères clairs en ce qui concerne l'avancement professionnel dans le secteur public. Selon les statistiques de l'Ordre des ingénieurs, la Tunisie compte aujourd'hui plus de 10.000 ingénieurs qui occupent des emplois précaires en dehors de leur spécialité (employés dans des centres d'appel, ouvriers etc.) et quelque 4000 ingénieurs chômeurs. La profession souffre, par ailleurs, de la fuite des cerveaux étant donné que plus de 2500 ingénieurs quittent, bon an mal an, le pays pour tenter leurs chances sous d'autres cieux plus rémunérateurs, notamment en Allemagne et en France et même certains pays africains.