Installée depuis plus de 20 ans aux Pays-Bas, la tunisienne Lamia Makaddam, traductrice, dit avoir pris du temps avant de s'aventurer dans la traduction d'une œuvre littéraire, notamment le roman de l'écrivaine et philosophe néerlandaise, Connie Palmen, "Jij zegt het" (You said it). "J'avais le sentiment qu'il n'était pas encore temps de le faire, puisque la traduction est au final une responsabilité d'ordre éthique", a-t-elle mentionné jeudi en présentant, dans le cadre d'une rencontre à la Foire internationale du livre de Tunis 2018, sa copie arabe de 253 pages parue en 2017, de l'oeuvre de Palmen, publiée deux ans auparavant ( 2015). En présence de l'écrivaine, Makaddam à la base journaliste, traductrice et poétesse a tenu à préciser que l'acte de traduire l'a confronté à des détails qui diffèrent d'un pays à l'autre et d'une civilisation à une autre. Sur ce point, la traductrice a estimé que contrairement à l'écrivaine qui s'adresse au lectorat hollandais, elle s'est adressée dan sa traduction à "un public arabe, plus large". Traduire pour elle, se fait à priori d'une culture à une autre et non pas d'une langue à une autre. Cet état de faits s'accompagne du transfert de tout un background culturel, religieux et autre propre à l'écrivain qui se reflète dans la propre vision du traducteur. Le roman de Connie Palmen est un monologue de Ted Hughes qui parle de son grand amour pour sa femme. L'écrivaine prête sa voix à Ted Hughes accusé d'être derrière le suicide de sa femme qui a pourtant préféré garder le silence. L'histoire commence par le suicide de Sylvia Plath (1932-1963), une poétesse américaine, mère de deux enfants, un garçon et une fille dont l'ainé n'avait alors que 3 ans. Palmen fait usage de techniques de narration "difficiles", dit-elle, empruntées à celles du théâtre. L'étude des éléments sur la vie et la relation du couple ont fait que l'écrivaine a lu et relu sur une période de 8 ans tout ce qui a été écrit sur le sujet dans les biographies et les articles, alors que l'écriture du roman ne lui a pris que près de 10 mois. Les anciens écrits ont tous été centrés sur "ce monstre" qui a poussé Sylvia Plath au suicide, un suicide annoncé dans ses poèmes publiés après sa mort. La philosophie de l'auteure est que "chaque homme a besoin d'une femme pour lui donner voix". Palmen avait senti l'envie de rendre justice cet homme qui a toujours refusé de se défendre. Le roman est pour elle une oeuvre écrite par une femme, dans la même lignée de précédentes oeuvres écrites par des hommes ayant réussi à créer des personnages féminins fascinants. Ce roman se base essentiellement sur les 88 poèmes (Birthday Letters) écrits près de 8 mois avant la mort du poète ( 1930-1998) qui paradoxalement adopte la confession pour parler de sa poésie, sa créativité, sa relation avec sa femme, ses sauts d'humeur, sa manipulation et le chantage émotionnel qu'elle lui faisait aussi. Dans l'exercice d'écriture, l'auteure s'est trouvée face à un dilemme interne entre comment concilier sa sympathie et son amour pour cet homme, qui d'ailleurs la fascine toujours par son apparence aussi bien que par son oeuvre poétique, et sa part d'objectivité en tant qu'écrivaine. "Jij zegt het" (You said it), publié en septembre 2015, est le dernier roman de Connie Palmen, écrivaine et philosophe néerlandaise. Née le 25 novembre 1955, Connie Palmen, de son vrai nom Aldegonda Petronella Huberta Maria Palmen, est diplômée en Littérature et Philosophie de l'Université d'Amsterdam (Pays-Bas). La vie de cette femme n'a pas été de tout repos. Au début des années 90, Palmen était en liaison avec Ischa Meijer, célèbre journaliste et animateur pour la radio et la télévision, disparu en 1995. En 1998, elle a fait la connaissance du politicien D66 Hans van Mierlo, avant que leur relation soit officialisée le 11 Novembre 2009. Encore une fois le drame était au rendez-vous, avec la mort de Hans van Mierlo, le 11 mars 2010. Dans "Logboek van een onbarmhartig jaar (Journal of a Merciless Year, 2011), elle avait impitoyablement analysé le deuil de la perte de l'être aimé. Cet ouvrage intervient après "I.M", un émouvant roman autobiographique, paru en 1998, autour de son grand Amour pour son premier époux "cet enfant terrible", lit-on sur son site en version anglaise. Paru en 100.000 copies lors de sa première édition, ce roman avait connu un grand succès auprès du lectorat, aux Pays-Bas aussi bien qu'en Allemagne. Les débuts de Connie Palmen, étaient avec "De wetten" (Les lois), un premier roman paru en 1991 et traduit dans 24 pays différents. Un an plus tard, cet opus a été récompensé du prix du Roman Européen de l'année et nominé, en 1996, pour le "International IMPAC Dublin Literary Award. Son premier tout comme son second roman "De vriendschap" (1995), ont été publiés au Royaume Uni et aux Etats-Unis d'Amérique, respectivement sous le titre "The Laws" (1993) et "The Friendship" (2000). Ce second roman a eu plusieurs récompenses dont le prestigieux prix de la Littérature "AKO Prize for Literature". En 1999, Palmen avait écrit son roman "De erfenis" (The Heritage), publiée en 750.000 exemplaires, récompensé de la Semaine néerlandaise du Livre (Dutch Week of the Book).