La députée Hager Ben Cheikh Ahmed a adressé une correspondance au ministre de l'Intérieur pour demander les raisons qui ont fait que la circulaire Mzali de 1981, relative à la fermeture des cafés et restaurants au cours du mois de Ramadan, n'ait toujours pas été annulée alors qu'elle en claire opposition avec l'article 6 de la Constitution tunisienne de 2014 qui stipule que l'Etat garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes. Le ministère de l'Intérieur n'a pas hésité de répondre à la question en employant un argumentaire et un ton pour le moins douteux. Dans une lettre adressée à la députée en novembre 2017 et rendue publique au cours de la semaine dernière, le ministère a expliqué que la circulaire Mzali ne sera pas annulée et qu'il veillera à ce que les cafés et les restaurants respectent la règle du mois de Ramadan en fermant leurs portes et la cause serait à la fois sécuritaire et religieuse. Selon notre ministère, l'article premier de la Constitution de 2014 affirme clairement que la Tunisie est un pays musulman – une phrase qui a été mise en gras dans la lettre en question – et que de ce fait, son rôle à lui est de protéger le sacré et de garantir la tolérance et l'ordre public. Or l'ouverture des cafés et des restaurants au cours du mois de Ramadan peut mener au trouble de l'ordre public et cela pourrait être récupéré par les terroristes qui pourraient en profiter pour commettre des attentats... Enchaînant sur la même logique surprenante, le ministère de l'Intérieur a rappelé que le jeûne est l'un des piliers fondamentaux de l'islam et que, de ce fait, l'ouverture des établissements en question pourrait mener à des campagnes d'incitation contre l'Etat et ses institutions. Pour toutes ces raisons, le ministère de l'Intérieur a fièrement annoncé avoir pris les mesures nécessaires pour que l'ordre public et les sentiments religieux des citoyens pratiquants soient préservés de toute menace. A la fin de sa correspondance, le ministère a affirmé son respect envers les libertés individuelles expliquant n'avoir entamé aucune procédure contre ceux qui affichent leur non-jeûne en public oubliant ainsi que rien que l'année dernière, quatre jeunes ont été arrêtés pour avoir fumé une cigarette dans un jardin public à Bizerte alors qu'un autre citoyen a été interpelé pour avoir affiché son non-jeûne dans le jardin de l'un des Tribunaux de Tunis... Le collectif pour les libertés individuelles a réagi à cette affaire et a adressé une lettre au président de la République, Béji Caïd Essebsi, et au président de l'Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, en les appelant à veiller à ce que les libertés individuelles soient respectées au cours du mois de Ramadan. Pour le ministère de l'Intérieur, il a été très facile de ne citer que l'articler premier de la Constitution en oubliant de mentionner son deuxième article qui stipule que « la Tunisie est un Etat à caractère civil, basé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit. » Le communiqué du ministère de l'Intérieur est digne de la police des mœurs saoudienne qui fait la risée du monde entier en tentant d'imposer des dogmes religieux à ceux qui y croient et ceux qui n'y croient pas. Il est tout-de-même drôle de voir, dans un seul Etat, un ministère qui cherche à protéger les sentiments des citoyens pratiquants pendant que le président de la République, et une bonne partie de l'élite et des députés, cherchent à mettre en place un nouveau Code dédié aux libertés individuelles et à l'égalité successorale... S'il n'est plus permis aujourd'hui de vivre pleinement ses croyances quelles qu'elles soient, alors on peut au moins demander à ce que les décideurs soient en harmonie totale et agissent au nom du seul et même objectif !