Décidément, le hiatus est profond entre les pharmaciens d'officine ayant pignon sur rue et les jeunes générations de diplômés des facultés de pharmacie en proie à un chômage en endémique. Dans une motion votée mardi lors d'une Assemblée générale extraordinaire, le syndicat des pharmaciens d'officine de Tunisie (SPOT) a exprimé son rejet du projet de révision du décret 92-1206 relatif à l'organisation de l'exploitation des officines de détail préparé par le ministère. «Nous exprimons notre rejet du projet de révision du décret 92-1206 relatif à l'organisation de l'exploitation des officines de détail, dont nous demandons le retrait, tout en affirmant notre refus de tout projet préparé sans la participation du syndicat», a précisé le SPOT dans cette motion, indiquant que les amendements proposés portent atteinte à la viabilité des officines existantes. Le syndicat a également souligné la nécessité de traiter tous les problèmes de la profession en apportant une solution globale et loin de toute tentative d'exclusion et de marginalisation de certains intervenants. Pour défendre leurs droits, les pharmaciens d'officine ayant pris part à l'Assemblée générale extraordinaire ont décidé d'organiser un sit-in devant la Présidence du gouvernement et une grève avec fermeture des officines, tout en mandatant le bureau exécutif du syndicat pour choisir les dates de ces protestations et programmer d'autres éventuelles actions revendicatives. La grogne des pharmaciens d'officines fait suite à l'adoption par une commission, placée sous l'égide du ministère de la Santé publique et regroupant les divers intervenants dans le domaine de l'industrie pharmaceutique et de la distribution des médicaments, d'un projet de révision du décret 92-1206 qui prévoit notamment revoir l'abaissement du numerus clausus (nombre d'habitants pris en considération pour l'ouverture d'une nouvelle pharmacie) et le «zonage» (répartition des localités et régions en plusieurs zones selon leurs besoins en officines). Selon des sources proches de la commission, ce projet devrait aboutir à l'ouverture de quelque 300 nouvelles officines. En réaction à la position du syndicat des pharmaciens d'officine de Tunisie hostile à la révision du décret 92-1206, l'Association tunisienne des pharmaciens libres (ATPL), qui défend les intérêts des diplômés des inscrits sur les listes d'attente et les jeunes pharmaciens exerçant dans le secteur privé, a accusé le syndicat de chercher à préserver les intérêts des barons de la profession aux dépens des intérêts des jeunes générations de pharmaciens. «Le SPOT estime que la révision du numérus clausus et du zonage risquent de provoquer la faillite de plusieurs officines existantes. Cette assertion est mensongère. D'autant plus que 65% des officines réalisent un chiffre d'affaires situé entre 450. 000 et 650. 000 dinars par an et qu'aucune officine n'a déposé bilan», a fait remarquer l'association dans un communiqué. «Le SPOT et le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens n'ont jamais souhaité l'ouverture d'un débat sérieux sur le numérus clausus, les listes d'attente et le zonage », a-t-elle ajouté, accusant ces deux structures de «servir les intérêts des barons de la profession», Regroupés au sein de l'ATPL, les jeunes pharmaciens réclament depuis plusieurs années l'amendement du décret 92-1206 pour lutter contre un chômage grandissant. La liste des pharmaciens qui attendent les autorisations nécessaires pour l'ouverture de leurs officines comprendrait actuellement plus de 2000 diplômés. Les plus chanceux de ces pharmaciens chômeurs ont été contraints d'exercer en tant que délégués médicaux ou pharmaciens assistants, mais la majeure partie se trouve obligée de raser les murs après avoir passé de longues et fastidieuses années sur les bancs des facultés de pharmacie. D'après l'ATPL, cette situation a ouvert la voie à des pratiques peu orthodoxes dans le secteur telles que la vente des licences d'officine à des prix exorbitants qui ont dépassé un million de dinars dans certaines régions. Face au chômage endémique, l'association estime qu'il est nécessaire d'adapter le nombre de pharmaciens diplômés à la capacité d'emploi (réduction du nombre d'étudiants et nombre de dossiers d'équivalence). Elle plaide dans ce cadre pour le recours à un examen écrit et pratique pour décider de l'octroi ou non de l'équivalence des diplômes de pharmacien pour tout candidat ayant un diplôme obtenu dans un pays de l'Europe de l'Est, le lancement d'un débat entre les partenaires du secteur pour se décider au sujet de l'âge limite de départ à la retraite obligatoire, et le rejet de toute tentative visant à créer de nouvelles facultés de pharmacie privées en Tunisie, afin de ne pas faire empirer la situation. Les jeunes pharmaciens, par ailleurs, la suppression du numerus clausus surtout dans les régions où le pouvoir d'achat du citoyen est relativement élevé (villes côtières, zones touristiques...) ainsi que dans les régions dotées de centres hospitalo-universitaires ou de cliniques privées.