Une commission regroupant les divers intervenants dans le domaine de l'industrie pharmaceutique et de la distribution des médicaments vient d'entamer ses réunions sous l'égide du ministère de la Santé publique en vue de réviser les textes régissant le secteur. Cette commission qui regroupe, entre autres, le Conseil de l'ordre des pharmaciens, le Syndicat des pharmaciens d'officine, l'Association nationale des jeunes pharmaciens, l'Association tunisienne des pharmaciens libres et le Syndicat des pharmaciens hospitaliers se penche sur une réforme globale du secteur qui touchera la pharmacie hospitalière, l'industrie pharmaceutique, la biologie médicale et l'officine. En ce qui concerne le domaine de l'officine, l'intérêt se porte notamment sur la révision des critères d'ouverture des pharmacies à travers la modification du décret 92-1206 du 22 juin 1992 portant organisation et de l'exploitation des officines de détail. Il s'agirait, selon des sources syndicales, de revoir le numerus clausus (nombre d'habitants pris en considération pour l'ouverture d'une nouvelle pharmacie) et le «zonage» (répartition des localités et régions en plusieurs zones selon leurs besoins en officines). Le numerus clausus pourrait à nouveau baisser. Des encouragements seront, d'autre part, octroyés aux pharmaciens désireux de s'installer dans les zones prioritaires. Regroupés au sein d'associations telles que l'Association Tunisienne des Pharmaciens Libres (ATPL), les jeunes pharmaciens réclament depuis plusieurs années l'amendement du décret 92-1206 pour lutter contre un chômage grandissant. La liste des pharmaciens qui attendent les autorisations nécessaires pour l'ouverture de leurs officines comprendrait actuellement plus de 2000 diplômés. Les plus chanceux de ces pharmaciens chômeurs ont été contraints d'exercer en tant que délégués médicaux ou pharmaciens assistants, mais la majeure partie se trouve obligée de raser les murs après avoir passé de longues et fastidieuses années sur les bancs des facultés de pharmacie. D'après l'ATPL, cette situation a ouvert la voie à des pratiques peu orthodoxes dans le secteur telles que la vente des licences d'officine à des prix exorbitants qui ont dépassé un million de dinars dans certaines régions. Face au chômage endémique, l'association estime qu'il est nécessaire d'adapter le nombre de pharmaciens diplômés à la capacité d'emploi (réduction du nombre d'étudiants et nombre de dossiers d'équivalence). Ils plaident dans ce cadre pour le recours à un examen écrit et pratique pour décider de l'octroi ou non de l'équivalence des diplômes de pharmacien pour tout candidat ayant un diplôme obtenu dans un pays de l'Europe de l'Est, le lancement d'un débat entre les partenaires du secteur pour se décider au sujet de l'âge limite de départ à la retraite obligatoire, et le rejet de toute tentative visant à créer de nouvelles facultés de pharmacie privées en Tunisie, afin de ne pas faire empirer la situation. Selon les jeunes pharmaciens, le taux de chômage élevé des diplômés des facultés de pharmacie trouve son origine dans l'attachement d'un puissant lobby de pharmaciens ayant pignon sur rue de bloquer toute réforme sérieuse du numerus clausus à l'heure où le pouvoir d'achat du citoyen en médicaments devient de plus en plus élevé du fait de l'amélioration de son niveau de culture sanitaire. Il est par ailleurs bizarre, d'après certains jeunes diplômés, que le métier de pharmacien continue à être considéré comme une profession libérale comme celui de médecin ou d'avocat. D'autant plus que pour toutes les autres professions libérales aucune restriction n'est imposée aux jeunes fraîchement diplômés qui souhaitent s'installer pour leur propre compte. Ils réclament ainsi haut et fort l'abolition, ou du moins l'abaissement considérable du numerus clausus surtout dans les régions où le pouvoir d'achat du citoyen est relativement élevé (villes côtières, zones touristiques...) ainsi que dans les régions dotées de centres hospitalo-universitaires ou de cliniques privées. Du côté du Conseil nationale de l'Ordre des pharmaciens de Tunisie (CNOPT), on estime que le système du numerus clausus doit être maintenu puisqu'il évite la fragilité économique de certaines officines et glissement de la marge bénéficiaire. D'après lui, les nouvelles créations d'officines doivent répondre plutôt à un besoin de santé que comme étant une solution au problème de l'emploi, dont la maîtrise passe surtout par la maîtrise de l'adéquation formation-emploi.