L'information passe presque inaperçue traitée par les journaux comme «fait quelconque et divers» sans importance particulière, mais ses retombées doivent être analysées sérieusement, parce qu'il s'agit de la sécurité et de la défense du pays, d'une part liée à toute l'industrie militaire et sécuritaire tunisienne, à créer de toute pièce et parce que négligée pendant plus d'un demi-siècle depuis l'Indépendance. En effet, une convention pourtant sur une ligne de financement de l'ordre de 200 millions de dollars (500 millions de dinars) vient d'être signée entre la Tunisie et une Banque Turque (EXIMBANK) par Zied Laâdhari, ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, et Omar Faruk Dogan, ambassadeur de Turquie à Tunis, qui servira (lisons bien) « à financer l'acquisition d'équipements au profit des Ministères de l'Intérieur et de la Défense » ! Le prêt est accordé avec des facilités bien généreuses, remboursable sur 10 ans avec 6 mois de grâce et un taux d'intérêt préférentiel de 1.5% seulement, ce qui est l'un des meilleurs sur un marché monétaire en hausse constante. A première vue, quoi de plus appréciable. Nos relations avec la Turquie ont toujours été très bonnes, depuis très longtemps, sans aller jusqu'à revenir aux 18ème et 19ème siècles, du temps où les Beys de Tunis, étaient astreints à une certaine allégeance envers la porte Sublime et le Califat Othman. Pendant l'ère Hafside et après, avec la menace espagnole, la Turquie avait «aidé» la Tunisie à chasser les Espagnols, après les expéditions de Charles Quint sur la Goulette et Tunis. D'où, cet Etat d'un pays sous-tutelle ottomane au niveau international, mais souverain sur le plan interne, une sorte de système de Protectorat «précurseur» de celui de la France en 1881. Reconnaissons tout de même que le «protectorat turque» était moins ressenti au niveau de la pesanteur administrative. La Turquie ottomane n'avait ni Résident général, ni secrétaire général (français) du gouvernement tunisien ! Cependant, il est quand même, nécessaire de poser certaines questions vitales touchant à des domaines aussi sensibles que la sécurité et la défense de la Tunisie. D'abord, où sont passés nos «Alliés» stratégiques traditionnels, en la matière, et qui sont essentiellement, Américains et Européens, à leur tête la France, l'Italie, l'Allemagne, ou même la Belgique ?! Se désintéressent-ils à ce point de la sécurité et de la défense de la Tunisie, dans cette période de troubles liés au terrorisme et aux flux migratoires. En un mot ont-ils lâché la Tunisie, d'où le vide et cet intérêt appréciable et nouveau pour nous «aider» à nous défendre de notre sœur la Turquie ! Notre diplomatie a-t-elle fait son deuil de l'aide américaine et européenne dans ces domaines sensibles !? Pourtant la dernière visite officielle de notre Ministre des Affaires étrangères à Washington semble avoir été «fructueuse», à moins que le protocole très amical et chaleureux, de nos amis et alliés américains, ait occulté certaines restrictions budgétaires américaines d'aide à la Tunisie, dans le cadre de cette nouvelle donne du Président Donald Trump : «America First» ! La dernière visite de la ministre Italienne de la Défense, s'est-elle soldée par les «beaux discours», tout aussi protocolaires, que par une véritable coopération stratégique effective pour aider la Tunisie à immuniser sa souveraineté sur ses mers et ses frontières terrestres et maritimes !? Autant de questions que nous nous posons et qui s'ajoutent à une de plus, essentielle : Sommes-nous en train de changer de cap stratégique et de diversifier nos relations et nos approvisionnements en matériel et logistique, de sécurité et de défense», d'où cette nouvelle percée turque en Tunisie !? Ceci devrait interpeller bien des partenaires à ce sujet, afin qu'ils assument leurs responsabilités entières quant au positionnement et au devenir de la Tunisie en Méditerranée. La Souveraineté tunisienne doit être sacrée et passe par un effort national d'industrialisation militaire et sécuritaire. Nous avons les cadres de très haut niveau pour cela et s'il en manque on doit les former. Les capitaux peuvent être disponibles dans le cadre de partenariats pour l'investissement, avec des pays amis traditionnellement, y compris la Turquie, à condition de ne pas remettre ce pays sous aucune tutelle, comme par le passé, jugé aujourd'hui... lointain ! Après le désengagement américain de M. Trump, l'Europe occidentale et l'Union Européenne devrait prendre sérieusement le relai pour faire que la Tunisie soit un partenaire, solide et libre, capable de générer ses propres moyens de sécurité et défense y compris le matériel lourd. Nous sommes pour la diversification, y compris avec la Turquie amie, à la seule et unique condition, que les choix politiques et économiques des Tunisiens soient «souverains» et libres! Et comme le disaient bien nos ancêtres : « Ma Yendeblek Kandhafrek, wou ma yebkilek kan Chafrak », comptons d'abord sur nous-mêmes, et développons notre industrie sécuritaire et militaire comme nous l'avons fait pour d'autres secteurs, le textile, le plastique, le matériel électrique, en passant par le Tourisme, l'agro-alimentaire, etc. Les secteurs de l'électro ménager et surtout de la sécurité et de la défense, en plus des chemins de fer, accusent beaucoup de retard. Ce gouvernement jeune et dynamique doit s'y atteler ! C'est cela la bonne politique et non pas les tentatives répétées de déstabilisation ! Attention, se mettre en état de dépendance sécuritaire et de défense, n'est pas recommandable! Khaled GUEZMIR